Choix Options Divines

Dédié à ces êtres dont les cicatrices sont si profondes, qu’elles ne peuvent être soignées que par l’amour, l’espérance, la lumière…

Joseph Matar

Choix et options divines

Je vous offre ici quelques événements attristants que j’ai vécus personnellement et qui m’ont bouleversé, des actes où j’ai vu des choix du bon Dieu que l’on jugera sévères mais pour lesquels je me convaincs, cependant de sa présence.
Tout au long de l’histoire, des faits douloureux nombreux ont frappé durement les hommes.

Le massacre des innocents raconté dans l’Evangile de Saint Mathieu 2/16 n’est-il pas un exemple terrible ? Si ces enfants avaient été nés ailleurs qu’à Bethlehem, ils auraient vécu et auraient été épargnés ? D’ailleurs le mot historique : ‘Innocent’ interpelle Dieu qui d’une fenêtre du paradis observe toute sa création et est bien libre de laisser faire les hommes et de choisir qui il veut qui vienne le rejoindre; il a très souvent semble-t-il préféré les Innocents, les purs, des êtres très chers pour nous, de belles et grandes âmes… Que de cas, de récits, d’histoires où l’on s’adresse à Dieu devant la mort inattendue et imméritée et les questions sont les mêmes: pourquoi tel choix ? Et pourquoi lui ?

Vous avez sans doute lu Voltaire : dans son conte Zadig, il fait parler l’ermite, auteur ou témoin de drames incompréhensibles : « Si tu crois en Dieu, un Dieu attentif, tout puissant et bon, tu t’en remettras à sa Providence et sa bonté ; sinon, nous sommes en pleine absurdité et notre colère est alors insensée… »

Les appelés par le Seigneur – La première communion

1943, j’avais à peine huit ans, je tenais ma mère par sa jupe ou sa main. Un mois de mai, elle m’emmena avec elle à Beyrouth ; la route était étroite, une route côtière reliant le nord à la capitale. En montant dans l’autobus, comme tous les enfants, je courus prendre un siège près de la fenêtre. C’était un dimanche matin ; à l’époque les Saints Sacrements n’étaient pas du folklore comme en la période actuelle. Actuellement le côté façade, luxe, la une dans la presse, les dépenses etc… est mis plus en valeur.

J’étais heureux de regarder par la fenêtre, de voir le paysage, les voitures etc… Au niveau de Dbayeh, je vois une jeune femme qui tenait une fillette habillée en blanc, le costume traditionnel de la première communion. Le temps était beau, ensoleillé, le printemps, et soudain, le drame : une voiture, doublant un autocar, faucha la fillette et l’écrasa ; je l’ai vue, dans une nappe de sang, par terre, en sa robe blanche ; la mère affolée, criait, se frappait la poitrine ; les gens accouraient… Notre autobus s’arrêta, les curieux étaient nombreux et ceux aussi qui ont une bonne volonté, serviables, courageux, volontaires… La fillette avait été tuée sur le coup, elle venait de recevoir pour la première fois l’hostie, le Saint Sacrement. Ce tragique spectacle est resté en ma mémoire jusqu’à ce jour ; il y a des événements qui se gravent en nos esprits et que nous analysons et comprenons différemment, selon notre âge et notre maturité… Je me demande toujours pourquoi Dieu permet-il de tels faits ? Et pourquoi cette petite fillette, le jour de sa première communion ?

Bien sûr, cela est tragique et peut-être demande-t-on à Dieu, quand on croit en lui, de ne pas permettre le mal… Son silence ou son absence font douter de lui… On se reprend cependant à penser que rien ne lui échappe et que tout fait brutal peut avoir un sens… Cette enfant fauchée ce jour-là dans la douceur de sa première communion, il l’a reçue dans son ciel et comment ! Et ça c’est son affaire. Mais la maman éplorée et toute la famille et nous tous qui avons vu, senti et pleuré, quel formidable test de passion et de sentiment s’est fait jour : l’entraide bénévole, la compassion, la colère, la résignation, l’espérance, quel événement révélateur ! Le réel n’est pas que ce qu’on voit seulement.

Annaya, sous le portail

C’était au début des années cinquante.

Le grand Saint Charbel venait de manifester sa présence et sa sainteté à toutes les populations de la planète. Les Libanais, croyants ou non, de toutes les communautés, se pressaient nombreux pour visiter Annaya, le couvent, l’ermitage et prendre des reliques du lieu, où le Saint avait passé sa vie, de la terre, des feuilles d’arbres, des morceaux du grand et vieux chêne sous lequel passait ou priait l’ermite. Le trajet était fait par autobus jusqu’au couvent ; ensuite, les visites se faisaient à pied. Ce fut l’objet de la une de la presse assez longtemps ; on ne parlait que d’apparitions et de miracles du Saint.

Une famille, père, mère et enfants se dirigèrent ce jour-là à Annaya, devenu, le plus grand centre de pèlerinage du Liban ; les enfants étaient heureux, ils couraient devançant leurs parents et soudain, un grand portail en fer forgé, placé contre un mur, glissa et écrasa l’un des enfants, un petit, de cinq ans… Il mourut sur le coup. Mère et père affolés ne savaient quoi faire autre, qu’implorer la Vierge, le Saint, crier, pleurer.

On ne put transporter l’enfant à un hôpital ; le plus proche, à Byblos aurait demandé une heure de temps. L’enfant qui avait rendu l’âme était là entre les bras de sa mère éplorée, elle serrait le petit cadavre, en vain… Il fallut bien se résigner et s’en remettre à la volonté du tout Puissant.

Dieu avait repéré ce petit et avait fait son choix ; une âme pure pour l’asseoir à ses côtés au Paradis…

Soixante cinq ans après l’événement, je rendais visite à l’un des membres encore vivant de cette famille. C’était son frère, son aîné qui à l’époque avait sept ou huit ans. Un vieux garçon, toujours célibataire dans une luxueuse résidence près du Collège des Maristes.

Il résuma : ‘Nous étions avec papa et maman; nous courrions dans les couloirs du couvent ; une grande porte en fer était mal appuyée contre le mur ; en une fraction de seconde, elle glissa et écrasa mon petit frère ; vous vous imaginez maman qui criait follement demandant un secours, en vain ; la mort avait été plus rapide. Oui, j’ai la foi, mais que fait là-haut ce petit au Paradis ? Est-ce que les âmes, là-bas, ont les mêmes soucis et programmes qu’on a sur terre ? Pourquoi lui, ce jour-là, au couvent, à Annaya, alors qu’on fêtait le Saint ?’

« Ces choses-là sont rudes, a dit Victor Hugo ; il faut pour les comprendre avoir fait des études ! » Les parents et nous, sans comprendre, nous nous sommes résignés : c’est encore un poète qui l’a dit : « Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science qui nous met en repos »…

Faraya, la falaise

Il y a des années, petits, nous passions les étés à Faraya, en haute montagne. On louait une petite maison, une chambre, une terrasse ; etc… en un endroit où on pouvait s’abriter, qui n’était toujours pas luxueux.

On vivait à l’extérieur, dans la nature ; on rentrait dormir seulement dans la chambre à six ou plus. On cuisinait sous un arbre, on prenait les repas sous la vigne, on écrivait les devoirs de vacances près du fleuve ; la nature était pittoresque ; aujourd’hui (elle s’est transformée en un centre de ski et est devenue polluée comme les grandes villes).

A Faraya, une grande falaise en forme d’arc, très élevée entoure une partie du village, des cascades d’eau, des rochers, des pentes et des terrasses… où nous faisions des sorties inoubliables entre amis de classe qui venaient aussi estiver là; les Maristes y avaient leur centre de vacances, et beaucoup d’élèves y venaient passer l’été, surtout les internes dont les parents étaient émigrés en Amérique ou en Afrique. Les jeunes organisaient des sorties et l’on passait toute la journée dans la nature, près des sources, pour ne rentrer que tard, le soir.

Un certain élève, aimé de tous ses camarades, aimable, serviable, élégant, sportif, studieux, s’appelait Jean. Tous les jeunes connaissaient Jean. Et durant l’une de ces sorties, en longeant la haute falaise, Jean glissa et s’écrasa à une trentaine de mètres plus bas.

Quelle catastrophe ! Que faire ? Que se passa-t-il ? Jean avait une quinzaine d’année, un élève modèle ; Tout le village accourut, les secouristes escaladèrent les rochers ramenant Jean, sans vie, le corps inerte. Son âme aura été reçue par le Seigneur. La chute avait martyrisé ce corps terrestre. Jean notre ami ‘est au ciel’ nous disait-on. Nous petits, (11ans), nous étions écrasés par ce triste accident.

Est-ce que ces faits sont inscrits à l’avance dans les signes du zodiaque céleste ? Quand sonne l’appel de l’horloge là-haut, les horlogers sur terre n’ont aucun pouvoir de modifier l’heure du destin, créé lui aussi comme l’espace.
On peut rêver à ce qu’eût été ce jeune homme si doué et brusquement fauché là sans raison alors que tant de méchants réussissent et prospèrent. C’est le sujet fameux d’un conte arabe : ‘Mon fils, dit le sage marabout à son disciple inquiet, il était écrit que ce jeune homme eût mal tourné, etc… ‘Dieu a su ce qu’il fait ; ce qui est arrivé a été mieux pour lui. Adore les volontés de Dieu’ etc…

Philippe et le rocher

Fin juillet 2009.

Une grande cérémonie de mariage non loin du couvent Saint Maroun à Annaya se déroulait dans le faste ; des centaines de convives étaient présents. On préparait ce mariage depuis plus d’un an dans la résidence d’un richissime ami. Le mariage, ce sacrement, se célèbre d’habitude dans l’église, comme la communion, l’ordination, le baptême… Mais on peut obtenir une faveur, une permission pour le célébrer chez soi, pourquoi pas ? Puisque nos mystères sacrés se transforment en folklore, en fête mondaine, où l’on gaspille de grandes sommes pour se montrer et être une matière pour les potins et les revues, alors qu’il y a tant de démunis en ce monde… Passons !

Un autel fut érigé spécialement pour l’événement, des tables installées sur les terrasses, un décor des plus beaux entre les arbres, comme si nous étions dans un grand palace, des lumières splendides face au couvent, de grands restaurateurs pour un riche dîner et menu, tout était parfait, bien préparé, l’arrivée des mariés, la réception, la musique, l’évêque qui devait célébrer les noces etc… La ‘crème’ de la société était sur place, les grandes tenues, le chic, le gala, etc…

Les enfants nombreux, bien costumés jouaient, heureux, sautaient sur les rochers, couraient d’une terrasse à l’autre, chacun voulant prouver sa force, son héroïsme, son individualité, quand une roche de plusieurs tonnes dévia de son axe instable et écrasa le jeune Philippe d’une dizaine d’années. Les enfants apeurés, criaient au secours, mais l’enfant était déjà broyé, et personne ne fut capable de soulever un pareil bloc de pierre ; qui de nos sociétés actuelles a le courage et est capable d’actes pareils ; un de mes ouvriers, présent sur les lieux, Najah, en tant que main d’œuvre, arracha la croix (poutre de bois), élevée pour l’occasion et l’utilisa comme levier pour pouvoir soulever le rocher de quelques centimètres, retirer l’enfant inerte, et le prendre entre ses bras, le transporter à toute vitesse aux urgences de l’hôpital le plus proche. L’ouvrier m’avoua plus tard que le sang coulait de partout. Philippe laissant ce mariage terrestre aux terriens a rejoint le Seigneur pour des noces célestes près de Marie et des Saints… Dieu, là en voulait-il à la noce étalée ?…

A Cana, la noce était bien belle où le Christ manifesta sa divinité. Le Christ et sa mère en étaient les ‘étoiles’.

Philippe a-t-il vu cette étoile ? A-t-il voulu la rejoindre ? Parmi tant d’enfants, des dizaines, pourquoi le choix de Dieu fut-il ce beau et pur Philippe, cet innocent ? Cette âme lumineuse ? Le bon Dieu a-t-il eu besoin de cet enfant dans le Paradis ?
Destinée ! Ô destinée…

Que d’accusations, de prières, d’implorations se font en ton nom !

Destinée, tu règles notre sort d’avance, tu es indépendante de notre volonté. Destinée n’as-tu pas de cœur ? Des yeux ? Des oreilles ? Du sang qui circule en toi ? N’es-tu pas humaine ? Te prononcer coupe l’haleine ; arrête la parole… point final. Destinée, souveraine en cette existence… Epée de Damoclès ou fleur d’amour… éclatantes lumières ou obscures ténèbres… Notre seule consolation c’est notre foi et notre espérance.

Destinée, ta lecture est indéchiffrable, ton caractère est illisible par nous pauvres humains.

Destinée tes voies sont inconnues, les hommes ont-ils tort de te juger ? Ne comprenant la moindre particule en toi ? Tu es toujours inédite, tu te manifestes dans la sérénité et le calme bonheur de notre séjour ici-bas. Tu es comme ce voleur dont parle le Seigneur, viendra-t-il le matin ? Le soir de notre ère ? À minuit… à tout moment.

J’ai connu le malheureux père de Philippe qui n’arrivait pas à assimiler l’événement, il mourait de chagrin.

Le petit Philippe, je ne l’ai pas connu mais je l’ai aimé comme mes enfants, il était d’un autre monde, d’une rare originalité personnelle ; il ne ressemblait à personne d’autre qu’à lui-même ; son père était l’idéal qu’il voulait satisfaire ; chérir et lui prouver son héroïsme.

Or, tous nos livres saints abordent ce sujet, celui de Job injustement châtié, ou de Jésus injustement sacrifié… et nous renvoient à l’espérance : un jour nous comprendrons ; le Christ a dit : ‘Je reviendrai’. Nous pensons au général américain de la deuxième guerre mondiale qui avait tout perdu devant l’attaque surprise des Japonais à Pearl Harbour : je reviendrai ! Et on sait avec quelle énergie et quel brio il est revenu !

Tout n’est pas dit dans le malheur… ‘Je reviendrai’: Mac Arthur.

La barque

Nous sommes à Byblos. Berceau de l’alphabet et des civilisations. Les trirèmes jadis sillonnaient la mer Phénicienne qui s’appela plus tard Méditerranée.

Actuellement, Byblos est un site touristique archéologique, port de pêche et de plaisance. Byblos est multiconfessionnelle : Chiites, Sunnites, Maronites, Grecs, Arméniens… se côtoient et se partagent le travail. Deux familles de pêcheurs : Ali partageant son travail avec Antoun. Ils allaient jeter les filets à deux, ou chacun à son tour ; l’important, c’est qu’ils se partageaient les bénéfices.

Antoun tomba gravement malade, Ali prit la relève et sentit qu’il avait des obligations envers Antoun, il lui donnait quelques fois l’argent de toute la vente du poisson. Il pêchait tous les jours voulant ainsi augmenter ses rentrées pour aider Antoun.
Seul, Ali se fatiguait, ses enfants l’aidaient. Leur petite barque était dotée d’un petit diesel à hélices, il ne ramait pas, pourtant il gardait les deux rames fixées à la barque en cas d’accidents ou d’arrêt du moteur en haute mer.

Un vendredi, Marouan le benjamin de Antoun voulut accompagner Ali. Ils partirent jeter les filets la nuit pour les retirer le lendemain tôt. Ali tenait la barre et Marouan dépliait les filets et les jetait à l’eau.

Leur besogne terminée, ils dormirent dans la barque en laquelle ils allumèrent une puissante lumière pour attirer les poissons.

De bon matin, ils commencèrent à tirer les filets, ils avaient pêché beaucoup de poissons. Marouan plongea dans l’eau voulant ramasser un bout de corde ; il contourna la barque ; il était près de l’hélice, quand Ali démarra, Marouan fut déchiqueté en poussant un grand cri. Le père épouvanté sauta à l’eau arrachant le jeune homme et le releva dans la barque, mais il était déjà dans un autre monde, il agonisait, inconscient, Ali se lamentait conduisant la barque à toute vitesse vers la côte, d’autres pêcheurs qui n’étaient pas loin avaient remarqué que Ali était en difficulté ; à ses cris ils le rejoignirent.

Toute la plage fût endeuillée. Ramener un corps inerte à la maison, alors que ce jeune homme était plein de vie, d’humour, de gentillesse.

Est-ce que le bon Dieu avait besoin de ce pauvre pêcheur ? Est-ce qu’on pêche du poisson au Paradis ?

Une dizaine de jours à peine auront passé ; Ali et Antoun sont de nouveau dans leur barque pour gagner leur pain.

Quelle raison se sont-ils faits ? Ils sont, après tout, des croyants et tous les deux s’en sont remis à Dieu. C’est lui qui sait et qui décide. Nous sommes d’un côté du décor ; ce que Dieu réalise de l’autre côté, un jour nous le verrons : ‘En cette foi, je veux vivre et mourir !’ fait dire le poète Villon en 1465 à sa vieille mère qui le verra être pendu.

Le Palmier et l’Enfant

Début des années 1980, je peux retrouver la date exacte, l’heure, le jour dans les registres de l’école de la Sainte Famille Française à Jounieh.

Mes deux filles étaient inscrites en cette excellente école qui se trouve à moins de trois cents mètres de notre maison. Une voisine les accompagnait à pied à l’école, marchant sous les arbres sur le trottoir évitant les passages à feu rouge. Il n’y en avait qu’un seul dans le centre de la ville où un policier municipal était toujours présent. Quand mon horaire le permettait, je les accompagnais en ma voiture.

Ce jour-là, une tempête, un orage comme on n’en avait jamais vu s’était abattus sur la baie. Le vent soufflait si fort qu’il emportait des voitures légères, des tuiles des maisons, des fenêtres, des toits étaient arrachés…

Les filles savaient, je le leur avais expliqué, que quand gronde l’orage il fallait aller se refugier dans l’entrée d’un immeuble ou un endroit bien protégé.

Ce jour-là, les vagues de la mer s’écrasaient hautes de plusieurs mètres et furieuses sur la route côtière ; des gens se précipitaient de partout pour rentrer chez eux. J’étais inquiet pour les filles. Normalement, je n’écoute la radio que lorsque je suis en voiture ; durant les événements, les speakerines informaient les auditeurs sur l’état des choses : barrages, explosions, enlèvements à tel endroit, ou autres dangers etc… Et soudain on nous informe de la météo, tempête, routes dangereuses, visibilité mauvaise, des arbres arrachés partout, des poteaux électriques, coupures de courant… Et qu’un palmier arraché au Collège de la Sainte Famille et qu’une fillette de 6-7 ans y a été écrasée etc…

Ce flash s’est abattu sur moi, comme un coup de tonnerre ! A toute vitesse, conduisant follement, grimpant sur le trottoir pour me garer devant l’école et je courus, affolé, à l’entrée de l’école ; les cours avaient été arrêtés et les enfants couraient cherchant chacun son autobus et des parents se précipitaient cherchant les leurs. Je rencontre un prof, docteur en histoire, ancien collègue il me dit :’Ne t’en fais pas je viens de voir tes deux filles avec leur accompagnatrice ; elles sont sous le préau, elles t’attendent’. Il venait de calmer une partie de mes émotions et réactions…

Mais cette petite que je ne connaissais pas, j’ai voulu savoir : cette petite s’était réfugiée près du palmier croyant que son gros tronc la protègerait. Le palmier a été arraché par les vents et la fillette écrasée.

Pauvre petite innocente !

Dans les histoires d’enfants, le palmier est décoratif, une droite verticale qui atténue l’horizontalité des déserts, un arbre qui illustre la fuite de Jésus et de la Sainte Famille en Egypte etc…

Mon cœur était oppressé ; j’étais très triste, j’ai souffert comme si j’avais perdu l’un des miens ; j’ai passé une semaine en état de profonde tristesse ; je suis allé voir le palmier, tombé, géant sur le sol ; j’ai demandé à propos des parents de la petite défunte ; je les connaissais.

Cette petite innocente ne pouvait-elle pas se réfugier sous le préau ou à l’intérieur de l’école ?

Pourquoi ce palmier, et il y a tant d’autres palmiers, ficus, eucalyptus etc…

Le bon Dieu parmi des milliers d’élèves à l’école avait fait son choix. La petite innocente, à l’âme pure, a rejoint le Paradis pour raconter aux anges ce qu’ils ignorent. Fillette sur terre, princesse dans le ciel !

Il me fallait trouver des mots, pour consoler ces gens, et les Sœurs, et leurs élèves… Et c’est encore Victor Hugo pleurant sa fille qui venait de se noyer à Villequier… ou encore Lamartine à sa fille à Beyrouth : « Nous ne voyons jamais qu’un seul côté des choses… un jour, nous comprendrons… »

Histoire de Latouf

Je l’ai connu récemment, depuis quatre ans, de taille moyenne, brun, plutôt maigre.

Une personne discrète, serviable qui a beaucoup de retenue, un caractère noble, distingué, souriant, affectueux.

Je sentais bien cependant qu’un voile de tristesse le couvrait, qu’une plaie non cicatrisée suintait continuellement.

Il ne fallait pas le questionner pour connaître son malheur. Il vivait sa douleur seul et ne voulait la partager avec personne. Son optimisme, sa foi en Dieu étaient inébranlables. J’avais la sensation que ce Latouf m’était connu depuis très longtemps.

Il me raconta un jour qu’il avait deux fils seulement, qu’ils avaient de bons postes et qu’ils étaient dans les Emirats. Il ne m’a pas raconté toute son histoire et son grand malheur. On s’est échangé des visites etc… Je sentais, malgré sa bienveillance, sa générosité, son accueil chaleureux, son dévouement, sa conversation que sa gaité gardait une certaine amertume. Une douleur profonde qu’autrui ne pouvait atteindre. Plus tard, un commun ami me confia que Latouf était une personne plus décontractée, plus sociable, un être très vivant qui faisait des sorties, des visites et qui s’était isolé, passant plus d’un mois sans nourriture, tristesse, anxiété, j’allais dire désespoir. Il était perdu, égaré, se débattant au fond d’un gouffre duquel il ne pouvait sortir etc… à la suite du décès de son troisième fils à 23 ans dans un accident de voiture.

J’ai connu l’épouse et les enfants de Latouf : une famille exemplaire, de vrais croyants, de bons citoyens aimés par leur entourage, se sacrifiant pour autrui. Une famille vivant dans le respect et la crainte de Dieu.

Soudain, ce fut le Maître, qui allait éprouver ses sujets, le choix fut décidé. Le fils choisi, l’élu qui serait extradé près de son Créateur.

J’ai alors compris la crise que Latouf traversait, je n’avais pas connu le fils, mais il était à l’image de son père.

Je n’ai jamais mentionné à Latouf que j’étais au courant de ses malheurs et de sa peine. On se voyait souvent, on parlait de tout sans mentionner jamais notre disparu au Paradis.

J’ai partagé la souffrance de Latouf sans connaître le fils et l’accident fatal. Latouf est un croyant convaincu : il faut accepter ce que la Providence nous cache.

Il passe régulièrement chez moi, presque chaque semaine, de courtes visites où il m’exprime son amitié et la tranquillité d’âme qu’il trouve en ma présence. Il passe inaperçu, comme une brise, il est toujours le père de ces trois fils ; l’un a changé de résidence sans plus ; faudrait-il dire un ambitieux qui aura voulu s’enivrer de voir la Face Lumineuse du Christ dans le Ciel ?

Si telle est la foi, pourquoi demeuré accablé ? Job disait : « Dieu m’avait donné ; il a repris ! Je lui fais confiance et il attend de moi… Quoi ? (Job 19/1-27). « Je vivais tranquille quand il m’a frappé » (id 16/12sv). Ce poème de la souffrance imméritée est éternellement vrai, même si Job et son petit et brillant avocat Elihou n’ont pas su dépasser la simple résignation. Tout chrétien peut aller plus loin, tel Saint Paul aux Philippins (ch3/20-21) « Me voilà devenu extra terrestre ! ».

La place meurtrière

Un couple, mes amis, avaient eu deux garçons et une fille après 6 ans de mariage. J’ai été le parrain de l’un des enfants. Le papa était un ancien élève. Ils venaient me visiter tous ensemble et le père était plus fier que Napoléon à Austerlitz lorsque les enfants l’entouraient ; il aimait être en public, à la messe, dans les cérémonies, chez des parents, avec sa petite troupe bien vêtue. Ses enfants étaient sa gloire, sa conquête ; il était attaché à eux et les aimait follement. Il me disait qu’il se sentait enfant comme eux, qu’il aimait les jeux des enfants, les films pour enfants, les douceurs et les glaces comme les enfants, qu’il était ‘René’, petit et qu’il désirait grandir avec eux dans toutes les périodes de la vie. Si l’un d’entre eux avait la moindre température ou malaise ou indisposition c’était des multitudes coup de fil aux pédiatres et médecins à ne pouvoir dormir les nuits.

Un dimanche matin, ils se parurent de ce qu’ils avaient de plus beaux costumes et partirent à la messe en la Cathédrale Saint Jean. Après la sainte messe, ils se dirigèrent à Batroun, village sur la côte non loin de Byblos, à mi-chemin de Tripoli, quand soudain un camion fou fonça sur leur voiture. D’habitude les trois enfants étaient assis sur le siège arrière ; ce jour là, le plus jeune avait voulu rester devant sur les genoux de maman. Sur le choc, le crâne du petit fut écrasé, il fut ‘le sac de sable’ qui sauva la mère. Sa maman l’étreignait contre elle, ne pouvant réaliser ce qui s’était passé. Le père et la mère furent hospitalisés, la fille et son frère furent pris chez leur tante ; le petit défunt fut enterré sans la présence de son père et sa mère. Ses grand-pères, grand-mères, oncles… s’occupèrent des émouvantes funérailles. J’avais lu, par hasard, le rapport de la police qui parlait du ‘conducteur ivre’ du camion etc…

Une fois rétabli, le papa vint me voir pour pleurer, sangloter dans mon atelier, me disant : « que le bon Dieu aurait pu choisir un agneau comme pour Abraham, au lieu de permettre la subite mort de mon petit innocent. Selon quel ‘barème’ ou ‘calendrier’ le bon Dieu se conduit-il ? J’aurais préféré mourir à sa place ». Le pauvre ami se lamentait comme Jérémie. J’ai tenté de calmer sa tristesse et l’ai invité à s’occuper de l’éducation de ses deux autres petits. Après tout, cet enfant avait sauvé la maman (épouvantable argument !) et du ciel où il était, il intercédait pour eux. J’avoue qu’il faut, dans ce cas, une bonne dose de foi, mais je connais des gens qui en vivent vraiment convaincus et dont le souvenir du petit disparu est un motif puissant de vie plus haute et plus constructive.

Vitrine à Byblos

Durant ces dix dernières années le secteur touristique restaurants, cafés, stéréo, night clubs, boulangeries, sandwiches et boisson, a joui d’une grande expansion. Des rues entières se sont transformées en restaurants aux ‘noms’ divers, le chinois, l’italien, le russe, l’espagnol, le brésilien, les plats libanais, turcs, ou maghrébins… A lire seulement ces pancartes il faut une journée entière, sans compter les multiples poissonneries, fruits de mer, sushis et le snobisme qui veut qu’on déguste tout ce qui est nouveau.

On retape et restaure des vieilles maisons pour en faire de sites nouveaux attractifs, un peu anciens, pittoresques, on va même jusqu’à déraciner des oliviers millénaires et les replanter dans les nouveaux sites pour dire qu’on a de l’ancien histoire ici. Au temps des Grecs celui qui arrachait un olivier, on lui coupait la tête dit-on. On ne respecte plus la nature, on pollue et prostitue même les valeurs les plus sacrées.

Les gens riches, demandent d’acheter une ancienne maison, avec des arcades, voulant revivre artificiellement les périodes passées.

Entre Amchit et Byblos, se trouvait un de ces chantiers voulant transformer une ancienne résidence en un restaurant ‘moderne’. La façade en forme de triples arcades devait être intégrée dans un ensemble de fer forgé décoratif réalisé par un ferronnier artiste. L’ensemble fut réalisé ; il fallait le fixer, le souder, le stabiliser etc… C’était le soir, les ouvriers négligents laissèrent cette ferronnerie appuyée contre le mur sans aucune protection. Les enfants du propriétaire inspectant le futur restaurant le soir même, s’approchant de la ferraille, elle glissa je ne sais comment et l’un des enfants fut écrasé sous le poids, faisant un grand bruit ; une partie des colonnades dégringola, une catastrophe ! Tout Byblos parlait de cet accident, surtout durant l’enterrement, et de la négligence des ouvriers…

Je me demandais : si cet enfant avait été ailleurs, il serait mort autrement ? Si son nom, la date de son départ, son sort, si son temps s’était terminé là, si son rendez-vous était fixé d’avance, que pouvait-il faire d’autre ? Je connais de loin les parents de cet enfant. Je sais qu’ils ont achevé la transformation de la résidence en un restaurant florissant. Ils cuisineront peut être des galettes et des sucreries aux petits anges du paradis. Il fallait donner à Eliasar ce bout de pain et cette goutte d’eau pour notre salut final à tous. Pouvait-on classer ce drame malheureux et aller de l’avant comme si de rien n’était ? C’est le secret de ces gens-là. Il n’exclut pas la tristesse rentrée, pudiquement soustraite aux yeux du public, transformée en service généreux après tout.

Destin sur le pont

1987. J’étais chef de département à l’Ecole des Beaux Arts. Responsable donc d’une matière pratique, dessin et peinture, et décideur dans toutes les sections : architecture, intérieur, peinture, théâtre, programmes des professeurs, travaux, des étudiants, jugements, remarques, notes…

Ma fille ainée, Marina, qui faisait des études d’architecture avait sa copine d’école des religieuses qui faisait le théâtre, l’art dramatique.

Elles faisaient le trajet Jounieh-Beyrouth souvent ensemble, quand je ne ramenais pas Marina avec moi.

Aux Beaux-Arts, les étudiants font souvent des nuits blanches, surtout avant la présentation des projets pour le jugement. Le niveau était excellent. On se disputait nos diplômés dans le monde des entreprises au Liban, dans les Emirats, en Europe et partout. Je dépensais toutes mon énergie afin d’avoir un excellent niveau malgré l’anarchie de certains étudiants, les intrigues des partisans de certains partis politiques voulant mettre leurs mains partout ; et malgré toutes les difficultés, le niveau était bon ; moi j’étais comme ce prêtre qui célébrait les offices ne connaissant aucun des fidèles qui le côtoyaient. Aïda l’amie de Marina était une jeune fille, pleine de vie, d’énergie et très communicative. Un soir de novembre, dans les débuts de l’année universitaire, un soir pluvieux, Marina voulut m’accompagner ; elle s’excusa auprès de son amie.

Nous partîmes et fîmes une tournée entre Jounieh et Byblos, visitant mon frère et autres. Le soir Aïda rentra seule. Aïda avant de quitter l’Université, appela sa mère pour lui demander de l’attendre à dîner. Aïda arrivant au niveau du pont, monte sa pente et en descendant se trouve nez-à-nez avec une voiture garée en pleine route et fermant l’accès, celle d’un richissime industriel rentrant de Beyrouth ; l’accident fatal eut lieu sur le pont d’Antélias, l’industriel avait crevé un pneu, tout bêtement il avait arrêté la voiture et téléphona pour demander de l’aide et alors eu lieu l’accident fatal. Grièvement atteinte, Aïda fut transportée à l’urgence dans le coma entre mort et vie ; l’industriel, lui était sain et sauf. Il en est devenu comme fou ; il proposa d’offrir son avion personnel pour transporter la jeune fille en Europe, la faire soigner, qu’il était prêt à dépenser toute sa fortune pour la sauver etc… Il était sincère et se considérait comme criminel involontaire etc…

L’encéphalogramme était plat, elle resta trois semaines dans le coma, puis on décida de débrancher les machines ! Et Aïda fut enfin déclarée morte. Sa maman qui m’avait visité plus d’une fois, était comme la ‘mère douloureuse’, elle ne se rétablit plus du choc jusqu’à son propre décès. J’ai connu tous les membres de cette famille qui me disaient : ‘grâce à Dieu que Marina n’était pas en compagnie de Aïda ; elle aurait été tuée aussi’ Je crois pourtant que non ; lorsque sonne l’horloge du destin, on ne peut rien contre.

Voltaire a dit que Dieu est l’Horloger, et l’Univers une horlogerie qui marche. En un sens oui ; mais pas en tous… Il faut parler de Providence et s’en remettre à elle avec respect, humilité, et si possible, gratitude. Il sait ce qui convient ici et là et il est bon ! « Dieu seul est bon » a dit notre Seigneur au notable curieux (Marc10/18).

Sous les briques chez les religieuses

On raconte, que ‘Charlemagne’ a créé la première école. C’est vrai. Mais le premier enseignant fut ‘Cadmos’ qui sema les lettres de l’alphabet sur toute la planète, comme les Grecs ont semé la pensée au Liban et dans le monde. La première école était aussi celle de nos curés qui enseignaient la lecture des épîtres, le service de la messe dans un coin de nos pauvres églises ou sous un arbre, le plus souvent sous le chêne centenaire.

Il y eut beaucoup de grands formateurs en Europe et jusqu’à nos jours : Saint François de Salle, Saint Marcellin Champagnat, Saint Jean Baptiste de la Salle, Saint Jean Bosco, Saint Benoît, Saint Dominique, Saint Ignace de Loyola.

Jadis l’enseignement, la classe était cet ensemble d’élèves ; actuellement ce sont les grandes constructions, les complexes, les amphithéâtres, les vastes terrains, même si les instituteurs sont médiocres. Ce n’est pas le cas au Liban, car indépendamment de ce luxe scolaire on a de bons enseignants.

Dans un terrain des religieuses sur les hauteurs de Jounieh, plus bas que Ghazir, une très grande école fut construite. Il était difficile d’être admis et de s’inscrire là, car les conditions étaient très exigeantes. L’humanisme, la charité, les relations, tout cela était mis de côté. En cette école, les fillettes jouaient dans la cour, mais les chantiers et les dépenses dans les écoles sont permanentes. Construire, toujours construire, utiliser des techniques les plus performantes pour séparer deux sections ; on décida de construire un mur en briques de ciment sur une longueur de 50 à 80 mètres, et voulant économiser, l’entrepreneur exécuteur fit son travail à la légère. Le mur n’était pas encore terminé qu’il s’écroula sur les filles ; l’une d’elle fût tuée sur le coup. La presse, la TV, tout le monde en parla. Une petite princesse avait été choisie parmi tant d’autres pour régner au Paradis. Je me demande si cette fillette avait été grippée et que sa mère l’eût gardée au lit, que se serait-il passé ? Je dirai que le mur ne serait pas tombé, mais que la petite aurait eu un autre accident quelconque pour ne pas perdre son rendez-vous céleste. Me voilà devenu fataliste ! L’heure de la mort de chacun est écrite dans le ciel. Et en un sens, c’est vrai. Notre Dieu a fixé les rendez-vous. Et en même temps, adresse des signaux de salut à tous ceux qui en sont les témoins. C’est Jésus lui-même qui le dit (en saint Luc 13/4,2) la tour de Siloé qui en tombant écrase dix-huit personnes, ou l’émeute réprimée par Pilate et qui se solde par des morts innocentes, et l’histoire de sa propre condamnation alors qu’il était innocent Luc23/4,15 ; Jean 18/38, et saint Pierre dans sa première Lettre 1/19-23 rejoint saint Jean 8/50 et assure que Dieu voit et tient compte de tout cela et compensera à sa mesure qui est sans bornes…

L’enfant à l’autocar

Durant les évènements, les libanais courageux étaient contre le désespoir et le fait accompli. Ils n’ont jamais arrêté leurs activités et leur marche dans l’évolution. Malgré la guerre, les écoles étaient toujours ouvertes, l’industrie fonctionnait, même au ralenti, les intellectuels publiaient leurs œuvres, les penseurs, les artistes, les chanteurs, chacun et chacune faisaient leur travail. Quand les bombardements s’intensifiaient, les autocars ne ramassaient pas les enfants et l’école continuait à la télé, j’ai dû donner plusieurs cours à la télévision canal 11 pour les étudiants afin qu’ils puissent achever leurs programmes chez eux, fait qui était inédit jusqu’alors.

Mes enfants, quand l’autocar passait, partaient pour rentrer l’après midi. Nous étions tout le temps inquiets pour des imprévus.

Dans l’autocar, les élèves se font des amis aussi.

Michelle, française, dynamique, s’occupait tout le temps d’affaires sociales (prisons, démunis, aveugles…) et dont le mari est un ami et collègue, doyen à la faculté des sciences et dont les enfants avaient lié une amitié avec les miens.

L’autocar des Frères Maristes passa un matin ramassant les élèves ; ils partirent tout contents avec leurs cartables. Arrivés à Dbayeh, face à Beyrouth et à 4 km de l’école, une balle perdu dans les affrontements, ou celle d’un franc-tireur traversa la vitre du car et vint frapper la tête d’un petit, le fils de Michelle ; sa cervelle éparpillée ; des morceaux s’en répandirent sur ses copains et dans l’autocar ; le petit rendit l’âme sur le coup.

Le collège endeuillé ferma ses portes. Les obsèques eurent lieu à Jounieh. Pauvre garçon, parmi tant d’autres ! Si la vitesse de l’autobus eût été inférieure ou supérieure la balle en aurait atteint un autre. C’est le sort ? Le destin ? Ou le choix de Celui qui leur a déclaré ‘un seul de vos cheveux ne tombera de vos têtes sans ma permission.’ Une grande amitié nous a liés avec la famille de Michelle, une femme courageuse, dévouée, aimable. Elle ne méritait pas cette peine affreuse et d’ailleurs, ne le vit pas du tout sous cet angle. Son enfant est au ciel intercédant pour ses parents. Le mal, c’est la balle du tueur qui vint frapper le Pape Jean Paul II mais que la Vierge Sainte, dira-t-il, fit légèrement dévier, sans pour autant lui épargner de terribles souffrances supportées avec un héroïsme exemplaire. Non, tout ne se joue pas sur cette terre en final : il y a un autre univers parallèle au nôtre où toutes les choses sont rétablies en justice. C’est le sujet de notre foi.

Mondial 1998

Une folie populaire, guerre de drapeaux, de gamins, chacun se bat pour son club (Etat). L’enthousiasme est général, grands et petits se sont mobilisés, klaxons, ovations, défilés… Les nuits on ne dort plus; tout le monde se presse sur les chaînes de petit écran… C’est le championnat du Monde de football…

On ne parle que de la balle, cafés et restaurants ont placé de grands écrans de télévision pour attirer le plus de clients. Les Nehmé, une richissime famille vivant dans la périphérie de Amchit avait sept ou huit filles et un seul garçon, l’unique, le benjamin. Ce petit était l’héritier de tout un empire, leur espoir. Plusieurs oncles et tantes en Amérique vieux garçons ou sans enfants n’avaient d’yeux que pour lui : il était leur héritier. Son papa, homme de lettres, historien, était haut placé dans le ministère des affaires étrangères… J’ai très bien connu cette famille et de près.

Comme beaucoup d’autres jeunes, cet enfant unique, ce benjamin s’était mis avec la foule des ‘soutenants’, un adepte ardent de foot ; il passait avec ses amis des nuits blanches devant les écrans. Ce soir-là, il partit avec son groupe à tester les données, prédire, parier, un supporter gratuit.

Ce soir-là, les voilà partis à quatre, sillonnant les rues de la capitale, s’arrêtant par endroit soutenant leur équipe de champions. Le Brésil, l’Allemagne, la France… et le délire était si fort, qu’ils conduisaient leur voiture à une vitesse insensée, et cette voiture, à un moment, vint frapper de plein fouet un poteau électrique sur le côté de la route. Quatre occupants, grièvement atteints, furent transportés en urgence à l’hôpital le plus proche, mais le bon Dieu avait fait déjà son choix ; le jeune héritier et unique garçon de la famille avait été tué sur le coup.

Le deuil fut régional ; tout le monde était attristé et déferla vers la maison paternelle du défunt, j’y fus moi aussi. Cet enfant venait de réussir au Baccalauréat. Une fortune engloutie ! Pauvres parents !… Et le drame fut suivi peu de temps après par le décès du père, cet homme aura rejoint son fils là-haut… La mère, inconsolable passait son temps dans les œuvres sociales et la prière. Comment expliquer ce malheur ? La fatalité ? L’injustice ? Y aurait-il des voitures au paradis, des Formule un, des pistes ? Ne s’y déplace-t-on pas seulement grâce à des ailes d’ange ? Comme des papillons ?

L’attitude du père et de la mère fut très digne et exemplaire ; leur immense chagrin s’en remit entre les mains de Dieu comme tout le monde croyant autour d’eux. La réponse de l’ermite de Voltaire en Zadig ne les a même pas effleurés ; la vie terrestre, au fait, n’est qu’un passe temps, à ne pas gaspiller, bien sûr, mais un passe-temps, en attendant une autre vie, la vraie…

Et celui-là qu’on n’a pas retrouvé

Cette année-là, l’hiver avait été dur et long, il avait beaucoup plu. Il avait neigé sur les hauteurs. Les fleuves, les torrents charriaient tout sur leur parcours. Les sources éclataient sous l’eau abondante.

Le fleuve d’Adonis, du nom de Dieu si beau, appelé aussi ‘Nahr Ibrahim’ ou des pleurs, à mi-chemin entre Byblos et Jounieh, très recherché par les touristes et les pique-niqueurs pour la beauté de ses cascades, son lit, ses arbres, son eau fraîche…

Le fleuve d’Adonis est aussi impitoyable, aimant le sang et les victimes et les offrandes. C’est dans sa vallée qu’est mort et qu’est ressuscité Adonis. On lui offrait chaque année des êtres humains, de jeunes hommes. Sur ses pentes poussent des fleurs rouges couleur de sang. Des dizaines de noyades ont été répertoriée dans ce fleuve.

A Eddé, Byblos où j’ai une maison et un atelier, un jour j’entendis le glas sonner. Demandant de quoi s’agissait-il, quel malheur était arrivé, on me dit qu’un nommé Pierre avait été emporté par le fleuve et qu’il était introuvable. Une quinzaine de voitures remplies de volontaires s’étaient dirigées vers l’endroit ratissant les deux côtés du fleuve, cherchant dans l’eau, les rochers, les creux, les crevasses. On n’a rien retrouvé. Recherches vaines qui durèrent plus de dix jours. On avait toujours de l’espoir. Ses parents, firent une cérémonie d’enterrement sans le corps. Des prières de requiem, de pleurs, d’amertumes… Au village chacun considérait que ce malheur était le sien propre. Les uns disaient en secret qu’il avait été charrié vers la mer et que les nombreux poissons l’auront dévoré… D’autres disaient qu’il était resté dans une crevasse sous des troncs d’arbres ou des rochers. Mais les croyants ont été convaincus qu’il était au paradis.

‘Prier et jeûner’ a dit le Seigneur ; car personne ne connaît l’heure.

Il y a donc pour chacun une heure connue de Dieu évidemment et qu’il faut envisager bénéfique à chacun et un test de pensées, de jugements et de réponses diverses pour tous ceux qui l’entourent : pourquoi à cet âge là, dans ces conditions là ? Que pouvons-nous chacun y apporter : des larmes, de la compassion, de l’aide, de la foi en Dieu.

Noyade dans la baie

1964. Je venais de rentrer de Madrid. Je faisais un ‘tour d’horizon’ pour revoir d’anciens amis et connaissances. A l’époque, je m’occupais de la formation artistique chez les Frères Maristes. Un ami médecin, marié à une Européenne m’avait donné un rendez-vous à l’hôpital, en vue de répondre sa femme, lui et moi, à une invitation.

Juste au moment où nous voulions partir, arrive en urgence, un noyé de onze ans amené par des élèves des Frères Maristes, et des professeurs que je connaissais très bien, me résumèrent qu’ils étaient sur la plage où l’eau était à moins d’un mètre de profondeur et qu’ils avaient vu le petit sombrer et avaler de l’eau ; ils l’avaient remonté et amené immédiatement à l’hôpital. Mon ami, médecin pressé de partir, rentra de suite à l’urgence, ausculta le petit, sortit et me dit : ‘Allons nous-en !’ mais comment lui ai-je dit, ‘fais quelque chose, une respiration artificielle pour essayer de le sauver !’ Il me répondit qu’il y a toujours des cas semblables de décès d’hydrocution et qu’il ne pouvait plus rien faire… Je les ai accompagnés à contre cœur… Mes pensées étaient là-bas où l’enfant s’était noyé.

Mes relations avec ce médecin se sont refroidies et ont été interrompues. C’était un bon médecin, mais un excellent comptable, homme d’affaires, l’argent, la richesse, le passionnaient plus que la médecine…

Je connaissais le père, la mère et la sœur du jeune qui a de par ailleurs été une de mes élèves à l’Université. Connaissant que j’avais été parmi les derniers avoir vu son fils, son père ce jour là se rendit chez moi abattu, meurtri, son fils était son unique garçon. Il me demanda s’il pouvait faire quelque chose pour garder la mémoire de ce fils ; il me dit qu’il allait créer dans son village un club littéraire au nom de ce fils. Je lui ai dit que j’allais réaliser une grande toile en son souvenir. Il me remit quelques photos en noir et blanc. J’ai pu composer un portrait de son fils en pleine mer, où une femme protégeait l’enfant avec son corps contre les vagues.

A la vue de l’œuvre, une crise de pleurs secoua la mère et le père, comme un autre enterrement…

‘Le choix du Seigneur, me dit ce dernier, a été très dur envers moi ; envers nous ; il y avait tant d’enfants dans l’eau, de nageurs, de surveillants. Je ne comprends pas ; c’est très injuste… mais je n’y puis rien. C’est une profonde blessure qui m’accompagnera jusqu’à la tombe. Oui, bien sûr j’accepte, mais c’est très dur’… Que pouvais-je lui dire ? Que lui assurer ma compassion et mon amitié, et notre commune résignation à une volonté supérieure, bienveillante pourtant en dépit de tout.

Un extra terrestre, Ronald F.

Comment le décrire ? Un Lord Byron, un portrait de Rembrandt sortant de son cadre pour venir s’asseoir parmi des étudiants à Champville ? Un petit prince imaginé par Saint Exupéry etc…

Je ne sais comment le décrire ; des élèves qui passionnent leurs maîtres ; des êtres ‘hors classe’, élégant, souriant, câlin, intelligent, éduqué. Tout en lui était empreint de cette noblesse, de cette présence hors du commun, de cette politesse et amabilité peu commune, en ce siècle, où la majorité des élèves sont souvent effrontés, mal élevés, au nom de la liberté… Il s’appelait Ronald, d’un village du Metn nord. Il me raconta qu’il était un fils unique d’une famille de sept ou huit filles dont il était le benjamin ; son père était haut placé dans une compagnie pétrolière. Toujours élégamment vêtu, sa démarche avait un certain accent de fierté digne d’un empereur ; son travail était toujours parfait. Il aimait mes cours et s’intéressait à mes œuvres d’art ; bref. Un de ces étudiants que les maîtres ne peuvent pas ignorer ; ses collègues de classe l’aimaient et l’entouraient de leur gentillesse : un élève comme Ronald, ne pouvait que l’admirer.

C’est la vérité, moi qui passais dans toutes les classes de mon cycle, je voyais des milliers de figures par an ; mes jugements sur elles ont un côté véridique. Je disais en mon for intérieur : « Veuille la Vierge le protéger !», moi qui suis un peu superstitieux et qui ai sur moi en permanence un talisman ou un anneau bleu contre le mauvais œil.

Je voyais Ronald une fois par semaine, quelques minutes pour lui corriger son travail. L’année scolaire terminée, dans trois mois allait être la rentrée des élèves dans des classes supérieures. Il avait été dans mes cours en 5e et 4e (deux ans). En troisième, je ne l’ai pas revu dans la classe ; je me suis dit que peut-être ses parents l’auront inscrit au Collège de Jamhour des Pères Jésuites, une école où tous les riches inscrivaient leurs rejetons…

Octobre vint à passer ; début novembre, un élève me donna un petit dépliant, un ‘faire part’ tout en noir, où se trouvait le portrait de Ronald. Une messe au Collège fut célébrée pour le repos de son âme et en son souvenir etc…Je restai frappé de stupeur. Que s’était-il donc passé ?

Au début des vacances, en juillet, Ronald jouait avec ses copains au ‘Flipper’ dans une salle de jeux de leur village, une motocyclette, à toute vitesse, ayant perdu ses freins, s’enfonça dans la façade vitrée de la salle et vint cogner Ronald, qui décéda sur le champ.

S’il avait été à droite de la table, s’il avait changé de place, si,… il n’aurait pas été tué. Je crois que son nom était inscrit dans le Zodiaque cosmique et que l’heure avait sonné. Se lamenter ne sert à rien, il faut seulement prier. Se pourrait-il que le Christ Dieu et la Vierge désirent avoir des êtres élégants, distingués, présents dans leur entourage. Bien pauvres raisonnements devant le deuil immense des parents et des amis ! Ni l’ermite de Voltaire en son Zadig ou Victor Hugo pleurant la mort de sa fille, ne peuvent consoler…

Ronald, je ne pourrai jamais t’oublier… Nous nous attristons sur terre devant ces terribles énigmes, il nous reste seulement la confiance qu’au ciel tout sera éclairci, nous espérons toujours ; que peut-on faire d’autre ? Travailler comme si ce devait être éternel. Et cela le sera sur un autre mode d’être, c’est dit !

‘Les cinq occupants de la Range Rover’

2010, Une assistante sociale me contacta de l’école des religieuses des Saints Cœurs, les Cœurs de Jésus et de Marie, me priant d’accepter de présider un jury pour le choix d’un meilleur dessin, peinture, photos, bas relief dans une exposition qu’elles avaient réalisée à la mémoire d’un élève dont j’ai oublié le nom.

C’était la première fois que j’entrais dans cet établissement, sécurité devant les portes, telle une caserne, plusieurs contrôles avant d’atteindre la direction (peut-être elles ont raison d’imposer ce contrôle avec le terrorisme, les vols, les enlèvements etc…)

J’arrive, le soi-disant comité m’attendait. La sœur du jeune en question qui fait sa quatrième année de médecine était unique fille avec son frère ; l’assistante sociale m’a avoué ne comprendre rien aux Beaux-arts. La directrice de l’établissement m’a dit : ‘choisissez l’œuvre que vous voulez ; j’ai acheté une boîte de couleurs pour le premier prix…’. Ils étaient cinq ou six qui attendaient mon jugement. J’ai voulu les obliger à participer, à discuter, à tirer, à choisir. La séance dura plus d’une heure faisant plus d’une tournée dans le grand hall, éliminant, mettant de côté telle œuvre ou telle autre. Après cette heure de commentaires, chacune avait son opinion et tenait bien à ces décisions. Je demandais de choisir les cinq meilleurs, ce qui fut fait, je leur dis : ‘c’est moi qui offre les prix’. La boîte de crayons de la directrice c’est le cinquième prix. Les autres prix je les offre moi-même. Le 1er viendra avec l’assistante chez moi pour que je lui réalise son portrait : un dessin au crayon ; le second aura un chevalet de bois dépliable, le troisième une boîte de peinture, le quatrième, l’histoire de l’art d’Elie Faure en quatre volumes de poche ; ce qui avait été promis fut fait. Que s’était-il passé ? Ce jeune scout d’une quinzaine d’années se trouvait en classes de terminale à l’école même. Au moment d’une sortie de scouts dans une jeep où se trouvaient cinq jeunes, la voiture s’était renversée sur les hauteurs des routes de Jounieh. Je me souviens avoir lu le relevé de cet accident dans la presse, où ce jeune trouva la mort. L’exposition était en son souvenir et sa sœur me raconta que son frère décédé aimait peindre et dessiner et il voulait en faire sa carrière. J’en étais un témoin.
Pauvre garçon, est-ce que le bon Dieu a besoin de peintres et d’artistes si jeunes pour décorer le Paradis ? Sa carrière future, il ne l’a pas réalisée sur terre ; sera-t-elle sa carrière au Paradis ? Est-ce que là-bas dans les vastes espaces célestes, le travail est le même que sur terre ?

Questions ingénues devant lesquelles les penseurs religieux s’en entretiennent avec Platon déjà, quatre cents ans avant le Christ. ‘Nous rejoindrons, fait-il dire à Socrate dans Phédon, la société des bien-heureux et des dieux’. Jésus, à son voisin qui meurt crucifié comme lui ; ‘ce soir tu seras avec moi au Paradis’ Saint Luc 23/43.

Nombreux sont les cas similaires et tristes.

… Et l’architecte le fils de mon ami Robert ?
Le cousin germain de mon épouse ; son père richissime l’envoya étudier à Paris où il a péri dans un incendie.
Et la sœur de Khalil tuée par une balle.
Et mon élève Georges de Zahlé.
Et Sami l’ami d’enfance.
Et des centaines d’autres…

Et le voisin Badih qui envoya son fils en Australie où il périt, alors qu’il voulait l’éloigner de la guerre et des milices du Liban.
Et mon père que je n’ai jamais connu décédé dans un stupide accident à l’âge de 36 ans.
Et mon amie Hoda el K. qui fut réveillée à dix heures la nuit par son amie Amal N. pour l’accompagner à l’aéroport pour mourir en un terrible accident à dix heures et quart. C’était durant les années cinquante.
C’est la vie et l’espoir ; ils nous poussent à affronter courageusement ce qui arrive et à poursuivre !

« Pas un seul des cheveux de votre tête ne tombe sans que mon Père ne l’ait permis » fait dire St Mathieu à Jésus (Math. 10/29/31)
« Soyer donc sans crainte : vous valez mieux qu’une multitude de passereaux. »

Joseph Matar
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Réponse de lecteurs

Bonjour William

J’espère que tu vas bien. J’avoue que la tentation de répondre à l’article de M Joseph Matar était très forte.

Le « Dieu » Biblique ou l’imposture du passé

Ce premier jour damné, programmé de l’abject
Généra un jardin aux lianes malicieuses !
Le piège était tendu par le dessein infect
D’un Démiurge assassin, aux visées fallacieuses.

Et si Satan était la gnose déguisée,
En libérant la vie d’un « Moi » pris en otage
Par un dieu vaniteux aux orgueils aiguisés
Qui miroite le bien par un savant montage ?

Mais nos jours éclairés ont dénudé l’esprit
D’un imposteur odieux saisit par le sadisme,
Tenta la création qu’il baigna de mépris.

Quel est ce père qui, d’un accès d’extrémisme,
Condamne son enfant à mort et au débris,
Qui hérita de « Lui » image et atavisme ?

Jean-Paul Mansour

ou bien :

L’Eden : ce mirage

Ils clament cet Eden, qui n’a fait que ronger
L’être dans son tréfonds, l’humain dans sa faiblesse ;
Ils sortent du néant ce qu’on doit éponger :
« La faute d’être nés d’erreurs et de bassesses ! »

On porte le fardeau d’un « Etre » incompétent,
Qui n’a su fabriquer de ses dispositions
Un Homme exemplaire, un sujet pénitent,
Afin qu’il soit digne de cette création.

A qui viendrait l’idée d’inculper le poignard
Qui a servi au meurtre en la main du tueur ?
Et le tueur est libre ; nous sommes les bagnards
D’un monde criminel qui dicte ses labeurs.

Du haut des milles années Il médite la terre,
Regarde ses enfants livrés à l’entropie.
Pas un geste de « LUI » ! Enfermé dans ses serres
– Cet homme imperfection – ne cesse ses copies …

Jean-Paul Mansour

Religion

Scandée depuis longtemps, trône sans concession,
Amasse ses laquais, assoit son despotisme;
Surgie de mille nuits, portée en procession
Faite de certitudes et de prosélytisme!

Soumis à cette plaie, que sont les «Ecritures»,
A ce «dieu » meurtrier, raciste, ô que vantard,
En on fait une idole qui créa l’imposture
En les posant en rois, légitimes ou bâtards…

Jean-Paul Mansour

Mais certes, le Liban est un pays religieux et n’est pas prêt – peut-être “je dis bien peut-être” – à recevoir ou entendre de tels propos !

Dernier point : pour quelle raison l’Eglise a imposé que les quatre Evangiles en faisant abstraction des autres … Sachant qu’aucun Concile n’a débattu du problème, Car les gens confondent le choix du canon par le Concile des trente avec le Vatican qui lui n’a existé officiellement qu’à travers le concordat entre l’état fasciste de Bénito Mussolini et Pie XI – 1929 – Je dis bien cela car M J Matar fait référence dans son article aux quatre Evangiles reconnus.

Ce qui m’a toujours choqué, c’est d’avoir emprisonné l’idée de Dieu dans une forme anthropomorphiste, qui relève de l’humain. Est-ce le sort qu’ont réservé toutes les religions Judéo-chrétienne au Grand Tout. Quelle Hérésie !

Encore une chose puisque l’on est dans le Sacré : Pourquoi dit-on que le Christ est le “Fils de l’Homme” ? Je défie n’importe quel exégète ou Docteur en Théologie de me donner la réponse. Moi j’ai ma petite idée…

Bien cordialement

Jean-Paul Mansour

—-

Re-bonjour William

Je ne vois aucun inconvénient à ce que tu publies les poèmes ainsi que mes propos. Pour que les choses soient claires, je ne nie pas l’existence d’un Dieu, ni l’affirme; je suis agnostique. Je n’adhère point aux idéologies de l’église catholique ou quelque religion monothéiste ou judéo-chrétienne. Je considère que nul n’a la preuve de ce qu’il avance et estime que l’humilité du doute est une chose qui doit primer face aux certitudes sans fondement. Je ne parle pas des propos de ton père – vers qui je porte un profond respect – mais je parle des croyances en général. A ce sujet je renvoie tout le monde face à ses responsabilités, car si l’on commence à parler d’écriture, il serait intéressant de consulter les tablettes sumériennes et l’on relèvera que la bible ne fut qu’un plagiat de ces écritures, tourné à la sauce des croyants modernes. Bref ! Je pourrais développer l’équivalent d’un livre à ce sujet.

Dieu est en dehors de toute définition. Le cerveau humain ne peut appréhender cette idée, car elle dépasse l’entendement, et certainement pas la forme anthropomorphique que l’on lui attribue, adossée à des statues paiënnes du Christ ou de la vierge Marie ainsi que tous les saints que l’on croise dans toutes les églises, ont souillé une spiritualité hors de tout soupçon.

Pourquoi s’arrêter aux quatre Evangiles qui rentrent presque en contradiction si on les lisait de plus près ?

Comment nous dit-on que Dieu a un fils unique, mais qu’il est mentionné dans l’ancien testament:

Je cite

Genèse 6:2
Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent.

Genèse 6:4
Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des enfants: ce sont ces héros qui furent fameux dans l’antiquité.

Donc je ne dis pas que la bible est fausse, mais qu’elle a été pervertie, modifiée pour le bénéfice de certains. A ce sujet je vous renvoie vers les manuscrits de Qumrân et de Nag Hamadi, manuscrits que le Vatican cherche à taire!

Dernier point, il n’a jamais été question de Dieu dans les écritures hébraïques qui tirent leur origine des écrits sumériens, mais là ou l’on met Dieu, c’est Elohim qu’il faut lire ce qui est le pluriel de Eloa et qui veut dire “ceux qui du ciel sont venus”, Tu me comprends j’espère.

Après ce bref exposé, je tiens à dire que mon but n’est pas de blesser qui que ce soit dans ses croyances, moi-même ne pouvant prouver ce que j’avance car la vérité me semble insaisissable à ce jour.

J’ai été un peu long mais j’ai voulu éclaircir mon point de vue.

Très cordialement

Jean-Paul Mansour

Réponse – J. Matar

A l’intention de M. Jean Paul Mansour, et à la demande de William, j’écris ce petit mot, je refuse de m’engager dans des polémiques inutiles, la vérité n’est détenue par personne: problème de foi, de conviction, comme ce berger qui retirait l’eau d’un puits avec son panier.

Je suis ce roseau dont parle Pascal, qui entend encore la voix du Baptiste venant de très loin et qui respecte l’opinion d’autrui, les libertés, les valeurs, les droits de l’homme, je ne veux ni convaincre ni convertir.

A savoir, et j’en suis fier, toute mon existence, mes activités… dans tous les domaines : la créativité, la poésie, les relations et échanges, l’enseignement, les amitiés… tout, tout pivote autour d’un Axe central, “le Golgotha”, le plus grand événement que toute l’humanité et l’existence ont connu, mort et Résurrection du Christ.

Que peut-on faire entre un Occident oxydé et un Orient et une grande partie de la planète qui sombrent dans l’intégrisme moyenâgeux ? Les printemps voilent des ères hivernales, une démocratie utopique.

Le seul, l’unique salut pour l’humanité, c’est la leçon d’amour enseignée par le Christ, la ‘Bonne Nouvelle’, que cette dernière ait paru en un ou quatre, 10 ou 20 évangiles… pas d’importance; l’Eglise c’est à dire nous, en a retenu quatre pour leur rationalité.

Vous avez raison, le Concile n’a pas débattu du problème, de même le concordat entre l’Etat fasciste et Pie XI…

Le Christianisme n’est pas de la littérature, des mots; le christianisme est une action, une vie qui débuta avec Platon, même avant, avec ce Pharaon Akhenaton…

On peut penser ce qu’on veut à propos de ‘Religion’ dans l’un de vos poèmes surgie de mille nuits, d’une masse de laquais, écritures, … Dieu meurtrier,… Dans un monde d’amour, on ne peut jamais inculper le poignard en la main du tueur, ni un monde criminel qui dicte ses labeurs…

Le Dieu Biblique, Celui d’Abraham, de ses deux fils et de leurs progénitures fait partie du passé, un Dieu sévère, qui punit, ne connait aucune pitié…

Avec le Fils, c’est l’amour, le pardon, et avec l’Esprit Saint l’ouverture vers l’avenir. Moi, je ne suis ni exégète ni historien…
Dans, ‘choix et options’ j’ai sélectionné quelques cas vécus et à la fin de chaque texte, j’ai fait mon modeste commentaire; j’aurais pu citer cent cas et en faire une seule demie page de conclusion.

UR, Summer, Babylone, Byblos, ce sont d’antiques et de grandes civilisations peut-être la Bible ne fait t’elle qu’un plagiat et que l’honneur revient à ‘Hammourabi et ses écoles.

Moi, Joseph Mattar, je suis de cette montagne libanaise où poussent le chêne et le cèdre, le caroubier, l’olivier et la vigne; je suis aussi le fils de la Grèce qui sema avec la Phénicie la pensée sur toute la planète, je suis cet être qui croit que nous devons tous à la lumière de cet Orient, sauver l’âme perdue de l’Occident égaré dans les labyrinthes de Méphisto. J’ai été forgé dans les Universités et ateliers ‘d’Europe notre fille’… N’est-elle pas la fille de Tyr? Et aussi enfin, j’appartiens à cette race humaine dans laquelle je m’intègre à merveille et où je trouve des personnes de plus en plus aimables.

Ce que raconte la Genèse me dépasse… que les filles des hommes sont belles, je suis parfaitement d’accord. Ma matière à enseigner était le ‘modèle vivant’, ce corps si beau habité par une âme qui est sacrée et qui ne peut être jamais objet de pornographie, d’érotisme, du sexe, j’ai enseigné plus de 48 ans dans les universités.

Les géants c’est bien pour les contes d’enfants, c’est amusant. Les écritures hébraïques parlent de Dieu, des Elohim etc…

Mais chez nos aïeux Phéniciens, ce ‘Il’ n’était-il pas le Dieu Créateur ? précurseur de toute notion de Dieu ?

Avec mes respects et mon admiration à tous les propos et opinions, croyez à toute mon amitié, ma sympathie, mes respects.

Veuillez visiter la page de notre ami Mourane dans le site onefineart.com. ‘Mourane’ est Docteur, chirurgien, neurologue qui s’intéresse à ce problème. Il vit en France sur la côte.