L’arbre cet autre moi

L’homme bâtisseur de civilisations, artiste poète et créateur, constructeur, chercheur, savant… Tout ce monde d’êtres qui veulent égaler le Tout Puissant… pourquoi pas ? Ou du moins l’imiter par obtention d’œuvres d’art: ‘l’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant’ Genèse 2/7. On voit l’artiste suprême œuvrant. Ne sommes-nous pas nés libres, intelligents, capables, modeleurs comme lui? Sans oublier le remodelage de cet autre moi qui est l’environnement… routes, maisons, sources, monts, plaines, forêts… et arbres, je veux ici m’arrêter à l’arbre de qui on utilise presque les mêmes adjectifs que pour l’être humain : il pousse, est petit, puis grandi, on l’élève comme on élève un être cher, un enfant ; on l’arrose, on fertilise sa terre… il vit et respire sa longévité peut atteindre des millénaires… le séquoia monte à 150 mètres et vit deux à trois mille ans…

L’arbre implanté en des endroits différents, cohabitant avec les êtres humains, faisant la fête et la gaité, de sa vie. Il y a cinquante ans comme je résidais à Paris au foyer sacerdotal, un Révérend moine allemand et recteur d’université, une soirée, parlant de civilisation, il dit : ‘Il y a trois facteurs, trois éléments entre autres au fondement de toute civilisation, l’homme (libre, capable, juste, vrai…), le livre (écho de mémoire et porteur de ces valeurs là), et l’arbre’. Tout genre d’arbres sans distinction. Par le livre c’est toute la mémoire et le savoir stocké à travers les siècles… et l’arbre qui est l’élément témoin et le vecteur maniable de toute évolution. Il y a des coins de terre où des fleuves traversent la zone et où l’eau est abondante et où on ne voit aucun arbre, aucune vie ! Faire pousser des arbres, suppose une volonté une action, un savoir, c’est des valeurs de cet arbre que je désire parler, et surtout de l’arbre au Liban.
Le Liban, un pays renommé illustre par ses arbres avait au début du XXème siècle plus de 90 % de son territoire boisé pour se réduire actuellement à une humble proportion de 15% environ ; d’ici cinquante ans, il n’y aura presque plus d’arbres au Liban. Tout le monde veut construire et refuse de planter: ‘Passe encore de bâtir, mais planter ? disait déjà la Fontaine.’ Il n’y a plu de continuité dans les traditions, les us, les coutumes… Certains métiers et artisans du bois ont presque disparu. Le boulanger, le pâtissier, le potier, le forgeron, le verre-souffleur, le tapissier, le chocolatier, fabriquant de liqueur, de douceurs…

Le propriétaire de tel atelier, ou usine, ou l’agriculteur et l’éleveur ne veulent plus que leurs fils continuent leur carrière et tradition ; ils veulent orienter leurs fils pour d’autres travaux, fonctions : médecins, ingénieurs, armée, informaticien, économiste etc… plus lucratifs.

Seul l’arbre compagnon de tous les jours est toujours là, le même… Des arbres enracinés depuis des siècles, et dont le tronc est patiné comme la pierre, par le temps, comme une ancienne muraille en ruine et racontant leur passé. Il est des arbres millénaires, vrais temples qui expriment leur nature mystérieuse et inspiratrice, compagnons à tout moment et en toute saison…
Parlons de ceux qui nous environnent plus de 4000 espèces sont cataloguées au Liban comme flore… alors que dans toute l’Europe il n’y en a environs que 4800 espèces. La présence de l’arbre est millénaire, on voit des arbres de trois mille ans qui ont vu des dizaines de civilisations et de centaines de générations, ils sont encore là, debout, défiants le temps cèdres, oliviers, séquoias, baobab… L’histoire de l’arbre partage nos peines, notre gaité ; il est un autre moi généreux, bon, agréable… il partage tous nos états d’âme ; discrètement, protecteur de la chaleur et aussi de la pluie…

Que de rendez-vous, de jeux, de repos et siestes se sont réalisés sous son ombre, près de son tronc… ‘L’école sous le chêne’, l’école du curé. Le chêne ornait la grande place de la contrée et l’arbre donnait son nom à des arrondissements : le quartier de ‘Gémmayseh’ le sycomore ou le micocoulier. La région de ‘Zeitouneh’ olivier, le ‘Tineh’ figuier, ‘el Jaouseh’ le noyer etc…
L’esprit souffle comme le vent et la lumière dans ses branches bénies. Du nord au sud, de la mer phénicienne ou de l’espace, on peut voir cette haute chaîne de nos trois monts où la neige est éternelle. Le Cornet el Saouda, le Sannine ou l’Hermon. De l’Hermon par exemple on peut observer majestueux les deux autres sommets qui s’élèvent et forment une véritable trinité. Les eaux de partout jaillissent c’est dire que ce peuple ne peut sentir la soif… Quelques kilomètres de marche et on aboutit à un point d’eau là on est assoiffé de l’amour du Seigneur Créateur du monde.

Du nord au sud différentes espèces d’arbres se succèdent selon la hauteur : cèdres, pins, sapin, mélèze, eucalyptus, micocouliers, les conifères, le chêne chevelu, le genévrier etc… au bord de l’eau les saules, les peupliers, les platanes etc…

Autrefois sur des vaisseaux à la coque en bois de cèdre ou de pin on embarquait vers des pays enchanteurs, de rêves…

Chez nous les anciens Phéniciens, en mer, en permanence exportèrent nos arbres et notre bois vers les quatre coins de la terre. Quant à la vigne, plantée par Noé, les oliviers, les caroubiers, et les arbres fruitiers amandes, citronniers, pommiers, pruniers… nous en parlerons plus longuement.

Le ciel, le soleil, la lumière, les ombres, les réverbérions, tout est différent ici et exprime son caractère unique.

David n’a-t-il pas chanté dans ses Psaumes ce Liban merveilleux ? Et les huiles des arbres qui dans le livre des Juges / 9 partirent oindre un roi et le mettre à leur tête…
Les prières ici ont un goût sacré, sortant des cœurs, pour atteindre celui de Dieu…

Une présence enivrante; nos églises de pierres s’ornent de colonnes avec leurs chapiteaux, ce sont des arbres qui rappellent les cultes primitif rendus aux dieux dans les forêts. La lumière est aussi orientale et libanaise se distinguant de toutes lumières, nordiques, désertiques, des arctiques ou du Japon. Lumière, air, terre, et éléments… leurs relations et interpénétrations sont mutuelles. Les horizons ont une profondeur humaine, le mirage désertique n’existe pas, ni les lignes de démarcations océaniques, ici on sent qu’au bout de l’horizon il y a une attente, une personne humaine, de l’amour.

Les crépuscules ne sont pas seulement sereins, beaux mais sublimes et émouvants, tout notre être sent alors les liens qui l’attachent au Seigneur Dieu.

Les variations des couleurs et du paysage se reflètent tout au long de la journée… du lever du soleil… 10 heures… Midi… Coucher… crépuscule… nuits… ciel étoilé etc…

Les lumières sont toujours vierges et nouvelles. Comme la Vierge aux rochers ou la Vierge des prés ou Notre Dame de la Forteresse on y rencontre la Vierge des lumières, fontaines, et sources dont l’eau peut rassasier les assoiffés éternellement.

Le cyprès en agglomération ou en forêt solitaire et géant s’impose par sa taille sur tout le paysage urbain; ceux d’Achrafieh ou ceux des Frères à Byblos et plusieurs autres sont là pour raconter toute la grandeur de leur passé et vision du futur…

Les pins, les térébinthes, les mélèzes… dont on extrait les résines, la térébenthine…

Une vue aérienne se présente comme un océan aux mille nuances verdâtres. Le palmier se trouve tout au long de la côte et pouvant croître sur des hauteurs de 500 mètres, un arbre décoratif avec ses grappes de dattes rouges ou jaunes…

A l’horizon se dessinent des arbres en sentinelles, ils sont là pour raconter que nous sommes en terre d’accueil, d’hospitalité… Du bord de la mer jusqu’aux sommets des monts, toutes les espèces d’arbres poussent…

Orangers, bananiers, abricotiers, oliviers, amandiers, poiriers, pommiers, cerisiers ; la vigne elle, pousse partout.

Une mosaïque d’arbres… les traditions et les racontars veulent répartir un tableau montrant la répartition de la culture des arbres, les relations avec les communautés différentes.
On veut, ou on raconte que deux communautés par exemple la Maronite et la chiite et durant les longues années d’occupation, les paysans des deux communautés étaient des agriculteurs vivant dans la montagne ou dans la plaine et étaient souvent persécutées. Les premiers plantaient les pommes et la pomme de terre, aliment de base, poussant durant les 12 mois.
Les chiites par contre plantaient le tabac et le tombac en plus de leurs oliviers. Le pommier poussant sur les hauteurs, dans le froid appartenait aux maronites; je me souviens il y a plus de soixante ans quand nous allions en visite chez des amis et parents dans la plaine de la Bekaa, on prenait comme cadeau des caisses de pommes. L’olivier très répandu au Koura et au sud Hasbaya, Rachaya… était cultivé par les Grec-orthodoxes et les Druzes… L’olivier a pris un aspect grec orthodoxe… L’oranger qu’on cultivait dans la plaine de Tripoli, et Sidon par les sunnites a pris un aspect mahométan.

La vigne qui était cultivé à Zahlé dans la plaine de la Békaa et où les distilleries et caves se trouvent en abondance d’où la vigne a pris pour communauté celle des grec catholique.
Jadis on pouvait posséder un arbre sur le terrain d’autrui, mais pas n’importe quel arbre : le caroubier seulement, un caroubier peut donner de 100 à 500 kilos de cornes de caroub ce qui fait de 40 à 200 kilos de mélasse sucrée, riche en oxydes métalliques et produits de base, le sucre n’était pas connu et le miel était à la disposition de très peu d’êtres; on a dans les archives jusqu’à présent des actes de propriété d’un caroubier sur le terrain d’autrui.

Si nous lisons dans les anciens livres, les saintes écritures, Gilgamesh etc… Grande est la place réservée à l’arbre en tant que symbole, présence, unité vitale… Rien que dans la sainte Bible quand on mentionne l’arbre, c’est le Liban entier qu’on désigne. « Laisse moi voir les belles montagnes du Liban dit Moise » (Deutéronome 3 /25)

Voici l’arbre de vie que Dieu a planté au centre de son jardin de Eden, Genèse 2/3, 2/17… Interdisant l’homme de manger de cet arbre de vie, car il pourrait alors vivre éternellement. Prés de l’arbre de vie, Dieu avait aussi planté l’arbre de la connaissance et du savoir. Actuellement, pour distinguer le que l’on va.

– Vous détruirez les lieux où les Nations servent leurs dieux… sous tout arbre vert… Deut. 12/2.

– Jérémie a chanté la vigne, image de son peuple 2/20.

– L’homme pieux est comme un arbre planté près d’un cours d’eau, qui donne son fruit en toute saison… Psaume 1/3.

– « Je regardais et voici, il y avait au milieu de la terre un arbre d’une grande hauteur; cet arbre est devenu grand et fort, sa cime s’élevant jusqu’aux cieux et on le voyait des extrémités de toute la terre…

– Cet arbre c’est toi Ô roi Nabuchodonosor, Daniel 4/10/20

– Un arbre vit d’espoir ; quand on le coupe, il repousse, il produit encore de rejetons… Job 14/7

– « Il vient de la plus petite de toutes les semences mais quand il a poussé… il devient arbre de sorte que les oiseaux du ciel viennent l’habiter… Mathieu 13/32.

– … Et dans les montagnes, voici le Liban pays de froment, d’orge, de vignes, de figuiers et de grenades… pays d’oliviers et de miel… Deut. 8/8.

– « Heureux celui qui a trouvé la sagesse: Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent… Proverbes 3/18.

– Le fruit de la justice est un arbre de vie… Proverbes 11/30.

– La langue apaisante est un arbre de vie mais la langue perverse brise l’âme. Proverbes 15/4.

– Que celui qui a des oreilles entende… Je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le jardin de Dieu… Apocalypse 2/7.

– Au Jardin futur il y aura un arbre de vie produisant douze mois de fruits … Apocalypse 22/2.

– Heureux ceux qui auront lavé leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie et d’entrer par les portes de la ville… Apocalypse 22/14.

– La gloire du Liban se sont ses Cèdres géants. Viendra chez toi … le cyprès, l’orme le platane et le buis tous ensemble orneront le lieu de mon sanctuaire. Isaïe 60/13.

– Abraham … vint habiter parmi les chênes de Mambré… et il bâtit là un autel à l’Eternel Genèse 13/18…

– Josué prit une grande pierre qu’il dressa là sous le chêne qui était dans le lieu consacré à l’Eternel. Josué 24/26.

Le Liban était une immense et profonde forêt où les rois, Pharaon, Nabuchodonosor… Salomon… et beaucoup d’autres sont venus chercher les bois précieux pour orner leurs palais, leurs temples et leurs sanctuaires tel qu’il est gravé, en magnifique écriture cunéiforme, sur la paroi d’une roche du Wadi Brissa : « Je coupais de nombreux cèdres hauts et forts d’une grande beauté et d’un bois aromatique imputrescibles… et je fus porter jusqu’à Babylone pour orner mon palais et le temple de notre Dieu Mardouk… »

Joseph Matar
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