Stefano, l’âne de la Communauté Mariste

1903 – Amchit – Circonscription de Byblos – Keserwan.

Le Liban ou plutôt le Mont-Liban était géré par les administrateurs nommés par les Ottomans. Au début du XXème siècle, un vent nouveau souffla sur la région. Les Maronites, grands amis de la France et de l’Occident se sentant bientôt libérés de la barbarie Ottomane, commencèrent à respirer l’air de la liberté, de l’autonomie, de l’épanouissement, de l’animation et du progrès dans un vaste Sultanat aussi grand que l’Europe, mais soumis à la terreur Turco-Ottomane.

Le petit Liban, seul, tenait la flamme de la révolte, de la révolution et de l’indépendance. Cette nouvelle situation touchait tous les secteurs : l’administration et la justice, l’agriculture, les réseaux routiers, l’armée, les métiers comme le tissage de la soie et la pêche, les écoles et orphelinats, les hôpitaux et les affaires sociales, ainsi que la vie littéraire et ce qu’il y avait comme presse…

La vie avait son charme, fraternelle et poétique. Les Maristes, missionnaires au Liban et en Syrie, se déplaçaient partout au Liban et renforçaient leur présence éducative à Beyrouth, Jounié, Saida, Batroun, Deir el Kamar, Zahlé, Amchit et Byblos.

A Amchit, ils avaient ouvert une petite école pour garçons, les écoles mixtes ne verront le jour qu’après plus de 70 ans. A la demande de plusieurs dignitaires et notables de la région dont Docteur Jowakim Bey Nakhlé, les Maristes décidèrent en 1908 de construire à Byblos l’école Notre-Dame de Lourdes. Elle contribuera à la formation de la jeunesse, lui assurant la meilleure scolarisation, le savoir, la politesse, le bon jugement, le patriotisme, le respect des valeurs, et surtout l’amour de Dieu et du prochain…

Les vocations jadis étaient vraies; le religieux vivait les vœux, les sermons, les sacrifices, la passion et l’amour du Christ.

Les frères et les moines récitaient toutes leurs prières, même celles de la nuit. Le luxe, la nonchalance, le faste, la paresse n’avaient pas leur place dans la vie religieuse.

Les frères travaillaient dur : l’école et les classes, le catéchisme et la vie religieuse, l’éducation, les matières à enseigner, les loisirs, les activités extra-scolaire pour les enfants, l’entretien de l’école et du jardin, la formation des instituteurs et le développement de tout le système éducatif.

A l’époque, le nombre des frères dépassait la cinquantaine; rien qu’à Jounié ils étaient plus de 23 frères. La petite école de Amchit dans les locaux de la maison des Lahoud était plus étroite et modeste, elle allait être supplantée par un grand collège, le plus grand de Byblos, et qui pourra abriter internes et externes : plus deux mille élèves aujourd’hui.

Ce transfert demanda deux à trois ans; il fallait continuer à enseigner à Amchit et construire à Byblos. Les frères n’avaient pas le choix, ils devaient travailler comme les braves moines de Cluny jour et nuit, les dimanches et même durant les fêtes et les vacances d’été.

Byblos, Jbail, est le nom de la ville la plus anciennement et continuellement habitée depuis l’Antiquité. Elle remonte à plus de huit mille ans et on y rencontre cinq civilisations anciennes. C’est aussi le berceau de l’Alphabet, son port maritime était autrefois exceptionnel. Ce nom on peut l’utiliser à la fois pour la ville ou la région même au pluriel : on peut dire les régions de Jbail… Ces régions sont montagneuses ce qui a abouti à des routes et passages à l’accès difficile; c’est pourquoi quand on se dirigeait d’un village à l’autre Maître bourricot marchait le premier, et c’est pratiquement lui qui ouvrait la route : c’était l’animal le plus adéquat et le plus familier à cette région.

Que d’histoires sont racontées à propos de ce quadrupède équidé, ce bourricot voisin du cheval aux longues oreilles, domestiqué depuis l’aube de l’histoire ! On le qualifie d’ignorant, de borné, de têtu, on le caricaturiste et le ridiculise, c’est un sujet de moquerie… Quant à lui, il est toujours patient, et ne réagit pas ; il est aimable, serviable, il connaît et aime son maître, obéissant et doux, il n’est pas agressif; résistant et fort il ne rechigne pas à la tâche… Jadis, il était indispensable, réalisant un tas de travaux : transport de matériel, bois, sable, sacs, transports des enfants à l’école, il laboure, il participe aux courses, il fait tourner les roues du moulin et aide les femmes à ramener l’eau de la fontaine…

Et dans ses rares temps libres, ce vrai sage écrivait ses mémoires… Les mémoires d’un certain âne sont devenus très célèbres…

Il a du génie, il est auteur, philosophe, penseur, ministre, héros dans les fables chez la Fontaine, vêtu d’une peau de Lion, ou prêtant sa tête et ses oreilles aux paresseux de la classe, le baudet, l’âne savant, les lunettes sur les yeux pour mieux lire textes et parchemins… Poètes, dessinateurs, caricaturistes, comédiens, cinéastes… l’âne a toujours fait partie de leur panoplie…

La région de Byblos-Jbail était un domaine merveilleux pour l’épanouissement de ce génie des équidés. Sa démarche prudente sur les sentiers périlleux a fait que cette belle région fut nommée la “région de l’ânesse” au féminin (Blad el Débée). N’y a-t-il pas de grands Etats, des parties politiques, de rassemblements qui ont pour sigle ou logo l’âne?

Marcellin Champagnat, le Saint fondateur de l’Ordre des Maristes, sympathisant de l’âne a élevé dans sa communauté un baudet pour le service et le transport. A Jounieh, je m’en souviens, les Maristes… non loin de leur cuisine avaient une basse-cour et même un endroit pour élever les porcs… A Byblos, les frères comptaient sur leur âne pour assurer le trafic entre leurs deux maisons, celle de Amchit et celle de Byblos. Le Frère Charles, sourcier de son état, avait trouvé une source d’eau pour le voisin. Ce dernier lui avait alors offert une vache en lui disant : “Tu m’as donné de l’eau, je te donne du lait en échange”. La brave vache baptisée Charlotte fut bien élevée, choyée et éduquée comme tout le personnel…

Donc, en 1908 un grand chantier fut ouvert, le plus grand jamais vu à Byblos, sur une petite colline où se trouvait la Nécropole Romaine, un petit Saint Denis. En cet endroit, s’éleva l’école Notre-Dame de Lourdes ; on se servait au besoin de bonnes pierres taillées du temps des Romains pour leur temple à la divinité solaire!

Pour diriger et surveiller le chantier, il fallait quelqu’un de qualifié, qui s’y connaisse. Parmi les frères se trouvait, à Amchit, un frère d’un certain âge pouvant occuper ce poste : c’était le frère François-Joseph; Son nom est intéressant : François résume toute la France et l’Europe et Joseph, ce brave charpentier, ouvrier à Nazareth et père d’une Sainte Famille terrestre et céleste. Il était dynamique, travailleur, humble, robuste pouvant venir de bon matin à pied et rentrer chez ses frères de Amchit le soir en attendant de terminer le premier étage à Byblos qui pourrait abriter du personnel : ce trajet descendant de Amchit à Byblos prenait 20 à 25 minutes mais pour le retour, remonter la pente le soir en fin de journée lorsqu’on est meurtri et fatigué, la marche devient plus lente et difficile surtout avec l’âge. Le frère François-Joseph qui était réaliste compris que pour ce trajet quotidien l’âne était plus que nécessaire, il pourrait aussi transporter de l’eau et des affaires dont il aurait besoin au chantier. Après consultation de la communauté, il acheta un âne, fort et résistant pour les montées de Kfar Saleh.

A l’époque l’âne ne coûtait pas une grande somme. Dans chaque maison, il y en avait un ou deux. Peut-être que l’âne aussi a été l’objet de transactions ou de cadeau de quelque notable de Amchit… La question réglée, la décision prise, la communauté avait son âne et frère François-Joseph s’en occupait.

Beaucoup d’histoires circulent sur cet équidé : une caravane de plusieurs centaines d’ânes tous chargés d’or revenant d’Egypte, et transportant les impôts à la Sublime porte, au Sultan et Calife de l’Islam. Traversant la Palestine, le Liban Sud et arrivant sur les hauteurs du Chouf, elle fut attaquée par des bandits, que l’on dit druzes, qui volèrent l’or et l’argent chargé sur les dos du troupeau d’ânes et ils prirent la fuite. Le Sultan Ottoman ou son chancelier intervinrent et réglèrent la question par un grand massacre. Le Sultan ordonna l’arrêt des chefs druzes, on les rassembla dans un seul village et là ils furent tous exécutés, coupables ou pas! C’était la justice de la Sublime Porte. (Les Ottomans réglant leurs comptes comme ceux de l’Etat Islamique actuel…)

Une autre histoire véridique aussi : durant la Première Guerre Mondiale, il y eu une pénurie d’âne. Alors, pour le transport des impôts à la Sublime Porte, les Ottomans réquisitionnèrent tous les ânes de la région de Jbail dont une ânesse qui venait de mettre bas. Après le ramassage des impôts, la caravane se dirigeant vers le Nord et vers Istanbul, repassa par Jbail. C’était vers la fin de la journée et il faisait presque nuit, alors notre ânesse reconnaissant son chemin et se souvenant de son petit bourricot quitta la caravane et monta vers son village. Personne n’y fit attention. Vers minuit, les paysans et propriétaires de l’ânesse (la famille Kirillos) l’entendirent braire joyeusement. Ils coururent à l’étable et virent l’ânesse avec 4 sacs plein d’or ! Que faire ? Si les soldats Ottomans se rendant compte de la disparition d’un membre de la caravane venaient à fouiller les villages, s’en était fait d’eux, ils seraient très vite liquidés. Alors, ils cachèrent l’or et prirent la sage décision de se débarrasser au plus vite de la pauvre bête qui fut tuée et enterrée au fond de la cave!

Et que d’histoires semblables!

Le frère François-Joseph avait donc un âne brun taché de noir par endroit, un bel âne, jeune, solide, aux longues oreilles, avec de grands yeux, en somme une bête très agréable et câline. Le frère lui mettait de l’orge, du foin, une pincée de sel, de l’eau et l’âne mangeait bien et avait bon appétit. Les frères lui construisirent un petit enclos dans leur jardin non loin de la maison, sous le regard vigilant de son maître. Quel nom allaient-ils donner à ce nouveau venu?

Hanna, un serviteur travaillant l’école, avait avancé une dizaine de noms pour appeler l’âne : Fahl (le mâle vigoureux), Antar, Barc (l’éclair), Anid (le têtu)… Frère François au début indécis décida de nommer son âne Stefano. Il le présenta à tout le corps enseignant, frères, instituteurs ainsi qu’aux élèves. Une nouvelle créature était maintenant présente dans la vie du couvent.

Rien n’a changé dans l’horaire du frère François, un peu de travail supplémentaire quelques minutes le matin et le soir pour servir l’âne dans la mangeoire, l’eau étant disponible en permanence dans une citerne sous la maison.

Dans la petite chapelle dédiée à Saint Jean, les frères assistaient ensemble de bon matin à la messe, ce qui permettait au frère François de communier et de faire tous ses devoirs, de prendre un petit déjeuner, debout, à la hâte, du pain sec quelquefois, de prendre sa monture et de descendre vers Byblos au chantier – 365 trajets chaque année sans relâche avec enthousiasme et dynamisme, il arrivait souvent avant les ouvriers et sous ses yeux le Collège de Notre-Dame de Lourdes poussait comme une fleur en ce printemps de Byblos.

A l’église, frère François était toujours à genoux priant la Vierge et le Seigneur. Que de fois, il jeûnait pour la journée, il ne mangeait presque rien le matin et dînait très légèrement car dans la maison des frères à Amchit, le soir il faisait le compte-rendu de la journée et demandait à ses frères de donner leur avis et d’être à ses côtés. Les frères, soucieux de son état et de ses activités débordantes, chargèrent l’un d’eux de veiller sur lui. Tous les jours, il lui glissait dans la gibecière de l’âne des fruits, des biscuits, une tartine, une gourde de vin. Frère François savait qu’il était choyé par ses frères et que ce travail qu’il supervisait était l’œuvre de toute la communauté.

Parlons de la science des ânes et de tout ce qui en dérive.

L’on raconte qu’après la Première Guerre Mondiale, le frère Fabien en se dirigeant avec d’autres frères vers Faraya, où se trouvait leur maison d’été, le silence était le mot d’ordre dans la voiture, chaque frère avait le chapelet et un bréviaire à la main récitant des prières et on entendait le frère Fabien de temps à autre dire : ” 4 … 8 … 10 … 15 … 20 … “. Les frères, dans la voiture, croyaient que c’était le nombre des dizaines du chapelet qu’il priait et qu’il tenait à la main. Une fois arrivé à Faraya, il s’est avéré qu’il comptait le nombre d’ânes qu’il croisait sur la route.

Le matin, frère François, ne montait pas sur l’âne sauf s’il sentait la fatigue, la descente étant facile, il permettait à son Stephano de s’arrêter de temps à autre, quelques minutes, pour brouter dans un mûrier, une vigne ou bien il lui coupait lui-même une branche de chêne ou d’abricot, ce qui rendait le bipède heureux, il aimait brouter les roses et les jolies fleurs. Le Frère François se sentait un avec son ami.

Un jour en Janvier, le soir vers cinq heures, un grand brouillard couvrait la montée vers Amchit, il faisait froid, et il neigeait. Frère François et Stefano étaient trempés, ils prirent le sentier de Kfar Saleh. Soudain, l’âne fit un saut en arrière et hurla, François sauta à terre brandissant une serpe et se trouva nez à nez avec une hyène, grande comme un petit veau, montrant ses canines et l’air affamée. Il prit son courage à deux mains et frappa si fort l’hyène qu’il l’assomma d’un seul coup. La bête encore vivante gisait sur le sol, François la voyant souffrir, la tête ouverte et ensanglantée, prit un canif bien aiguisé et d’un seul coup lui trancha le cou, le sang coula et elle mourut rapidement. Les gens du bourg accoururent félicitant le frère de son acte héroïque. François souleva l’hyène avec des curieux et ils la mirent sur le dos de Stefano. La communauté fut alertée et tout le village vint saluer le héros pour cet acte courageux. Après la fête, François leur demanda d’augmenter d’une poignée d’orge la ration de Stefano car lui aussi avait du mérite pour son courage. Puis, François se dirigea vers la chapelle et à genoux remercia la Vierge et le Seigneur de l’avoir sauvé, car ceux qui avait vu l’hyène morte avaient tremblé de peur, ses grandes mâchoires et ses dents pointues et acérées étaient terrifiantes.

Chaque nouveau jour il y avait une nouvelle aventure avec l’âne. Quand le frère montant la pente rude voyait des personnes âgées ou des enfants, il leur donnait sa place et faisait le chemin en marchant à côté de sa monture.

Un jour sur le chantier, un ouvrier fit tomber une pierre qui dégringola et blessa un autre; il n’y avait pas d’ambulance, c’est Stefano qui se dirigea avec François, l’ouvrier sur son dos pour atteindre la clinique du Dr. Jowakim Bey Nakhlé, non loin du collège ; ce dernier lui nettoya la plaie, lui fit quelques points de suture et l’envoya quelques jours au repos.

Stefano était en compagnie de François durant toute la journée, et avec les frères et la communauté, le reste du temps. Je me demande parfois si le frère François avait lu l’auteur espagnol Juan Ramon Jiménez dans son « Platero et Yo », mon âne Platero et moi? Le célèbre poète y raconte le quotidien de son âne, un être sensible, aimable et presque humain. En route entre Amchit et Byblos, François parlait avec son nouvel ami et compagnon : “Stefano, fais attention ! Evite ce rocher, ne glisse pas, ne broute pas dans le jardin des voisins, reste sage et mange dans ta mangeoire, le temps d’assister à la messe… ” Peut-être Stefano était un âne des Cevennes descendant de celui chanté par Francis Jammes?

Stefano était un âne intelligent. Un jour, frère François ayant oublié son carnet – celui où il inscrivait les heures de travail et les salaires des ouvriers – demanda sur un bout de papier au frère Marcel de le lui renvoyer avec Stefano. Le bout de papier accroché bien en évidence sur la selle, il tapota sur le cou de l’âne qui prit seul le chemin de Byblos et se dirigea vers la maison de Amchit. Frère Marcel voyant l’âne, accourut et vit le message. Il renvoya avec l’âne le carnet demandé.

Les élèves de l’école de Amchit aimaient Stefano et le considéraient comme un des leurs. Ils étaient les élèves de l’école, et Stefano était le chouchou de frère François. Stefano jouissait des quatre saisons de l’année. L’été, il se baladait à l’ombre des oliviers dans le jardin des Lahoud, dormant parfois à l’ombre dans la fraîcheur. En automne, il s’installait dans son étable, il était un peu frileux et évitait les coups de froid. L’hiver, Stefano n’aimait pas courir sous la pluie, il amenait son patron au Collège de Byblos et cherchait un abri sous la nouvelle construction. Au printemps, Stefano était ivre de voir tant de fleurs, de papillons, il sautait de joie, le frère François l’observait et l’admirait, il aimait l’accompagner à la fontaine remplir les jarres d’eau fraîche et les ramener à la maison.

Stefano faisait partie de la maison, il était partout, il savait appeler le personnel et son maître; il passa plus de trois ans entre les deux maisons.

Est-ce que les Maristes avaient élevé des ânes dans leurs autres missions dans le monde? Au Cameroun, Sénégal? Tchad? Madagascar? Sur les îles? En Océanie? Ailleurs dans le monde? Sûrement que oui. Même en France au XVIIème siècle quelque part ils ont eu besoin des aides procurées par les équidés, chevaux, mulets ou ânes…

Que d’injustices les hommes ont commises envers notre ami l’âne! Pourra-t-on un jour réparer tout cela?

La nouvelle école de Byblos étant prête à la recevoir, la Communauté Mariste quitta à regret leur petite école de Amchit : communauté, élèves, instituteurs, personnels et ouvriers. Le jardin aussi était grand, Stefano pourra bien s’y installer, mais Stefano n’est plus étudiant, il est érudit, savant, penseur… Il crut qu’il irait ailleurs, mais où trouver un être au grand cœur comme le frère Françoise-Joseph son maître et patron. Il était prêt à tout sacrifier pourvu qu’il resta auprès de lui. L’employé Hanna de Amchit proposa d’acheter Stefano. Le frère François lui fit comprendre que Stefano n’était pas à vendre, on ne vend pas ses amis, son compagnon… On l’offre, et on offrit Stefano à Hanna qui le prit en charge et le donna à son père. Ce dernier en avait grand besoin, il s’occupait d’un moulin à Nahr Ibrahim. Son moulin sur la rive droite du fleuve servait toute la région. Devant son moulin sur la place il y avait un enclos pour les bourricots, une quarantaine ou plus passaient par le moulin chaque jour emmenant du blé et rechargeant de la farine, du foin, du Borghol (Blé concassé) et des graines pour les volailles… Stefano était souvent là avec des individus de sa race plus agréables que le genre humain… De temps à autre, quand Hanna avait Stefano en charge, il l’amenait au Collège de Byblos pour revoir François son ancien maître, Stefano et François restèrent amis toute leur vie.

Dans l’enclos près du moulin, un seul et unique âne avait un non Européen c’était Stefano et le nom d’un grand saint aussi. Pourquoi pas? N’y-a-t-il pas au Liban Saint Chalita, le patron des “bêtes” ? Les propriétaires des troupeaux, vaches, chèvres, brebis… font des vœux à Saint Chalita pour sauver et garder leurs bêtes et les protéger de tous les maux et dangers…

Faut-il ériger un monument à Stefano et frère François? En Espagne, il y a beaucoup de monuments dédiés à Sancho Panza et son humble âne trottant derrière Rossinante et Don Quichotte! Les bipèdes ne sont-ils pas nos frères dans la création? De toute façon on peut raconter aujourd’hui à nos petits l’histoire de Stefano, de Platero et de beaucoup d’autres.

Joseph Matar
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