Prestige – Avril 2015 numéro 261

Portrait – La rubrique de Mireille Farès-Bouez
Dr. Joseph Matar et ses instants d’évasion

C’est un grand de la peinture Libanaise, un maître ayant formé des générations d’artistes, un passionné au génie créateur, épris d’humanité et de beauté pure. Pour lui, une œuvre d’art est une passion intérieure qui prend forme sur un support, une toile, surface qui cesse d’être anonyme sous le souffle de l’artiste et devient une présence majeure où brûle une flamme, où circulent la vie, la force, la poésie. “La peinture c’est ma vie, ma passion, mon évasion”, dit Joseph Matar qui vient de tenir une grande exposition de ses œuvres sur les cimaises de la galerie Surface Libre. Le vernissage a eu lieu le 18 mars, veille de la fête de Saint-Joseph, patron de l’artiste lequel a présenté cinquante peintures à l’huile sous le titre général “Instants d’évasions”. “Le départ, l’exode, l’immigration, ces mouvements de foules, de tribus, de déplacés, ce passage d’un seuil à un autre… Cette sortie de soi, quitter, errer, s’évader vers d’autres terres promises, vers un rêve, des déserts de la vie…. Evoluer d’un état d’âme à un autre… Se diriger suivant la lumière de l’astre lumineux comme les mages de l’Evangile de Matthieu”… écrit Jean André De Lalande au sujet de l’exposition. Une autre manifestation picturale est prévue pour le mois de mai 2015 à l’Université de Balamand, elle groupera de nouvelles créations de Joseph Matar qui a plus d’une cinquantaine d’expositions individuelles et plus d’une centaine de collectives à son actif au Liban, au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe et en Amérique.

Né à Jounié en août 1935, Joseph Matar, élève des Frères Maristes, fréquente très jeune les ateliers de Omar Onsi, Georges Corm et Rachid Wehbé. Il poursuit ses études supérieures à l’Université de Madrid où il obtient de l’Ecole Supérieure des Beaux-arts le titre de “Docteur es-arts”. Il est nanti de deux autres doctorats décrochés de l’Université de Paris (Sorbonne) et de l’Université Libanaise où il a été longtemps chef du département des Beaux-arts de l’U.L. Beyrouth et professeur (comme à l’Usek) quarante-huit ans durant. Avec le même enthousiasme communicatif et cette fougue qui le caractérise, il continue aussi à peindre et beaucoup. Tous les jours pendant des heures. Son œuvre est abondante, variée et homogène à la fois, imprégnée des “premiers matins de la création”. A contempler ses toiles où se déploie le jeu fascinant des couleurs, on a l’impression que c’est l’entière beauté du monde qui se renouvelle. Poète de la nature, Matar peint des paysages qu’il aime, cette admirable baie de Jounié d’où il est, ces oliviers et amandiers en fleurs, ces maisons anciennes au charme fou, “ces songes de nuit, ces arbres où l’on cueille des astres, des fruits d’or et des rêves paradisiaques” mais aussi des maternités, de portraits, des groupes humains, des personnages sacrés où il exprime tout son lyrisme. De son univers pictural, transparaît “l’âme de l’artiste, lumineuse, sincère, véridique, accueillante…” “Toute la création est un acte sacré, Le peintre n’est-il pas élève du Créateur? Je suis un humaniste qui traite tous les aspects de l’humain” ajoute Joseph Matar, l’homme vrai, sans artifice, demeuré simple et “nature”. La réussite, pour lui, ce ne sont pas les honneurs, la célébrité, la richesse matérielle mais cette richesse et cette paix intérieures, cette satisfaction, cette conviction de la belle œuvre accomplie. Vivant dans une grande maison entourée de champs de fleurs à Edde-Jbeil, Joseph Matar savoure des joies saines et simples auprès de son épouse Andrée dont il a eu quatre enfants: Marina architecte, Madona médecin, William avocat et Jean-Pierre urbanisme agronome. Les violons d’Ingres de notre grand artiste? “Jouer aux échecs, écouter de la musique et écrire, surtout. Je m’apprête à publier un recueil de poèmes d’amour et de récits sur nos traditions et la vie rustique d’autrefois.”