César, Kaïssar
Rigide, courbé, boitant des deux pieds se trainant à peine, il avançait mal assuré, tenant aux coudes deux paniers légers, peu profonds, mais larges, ou quelquefois un petit sac.
Il affrontait l’existence avec décision, volonté, courage ; biologiquement et physiquement tout s’était acharné contre lui ; sa paralysie était presque totale ; son système nerveux ne réagissait plus suite à des lésions nombreuses et les séquelles qu’il en avait subit et qui le marquaient. Pour s’exprimer et avec difficulté, il bégayait, toute une mimique se dessinait sur sa figure ; son cou restait rigide et étiré, maigre ; on comptait ses os ; mal peigné et quelque peu ou trop sale. Il bavait souvent ; un front large, éloquent ; les seules organes qui semblaient n’avoir pas été touchés par ce sort tragique c’étaient ses yeux.
Toutes les expressions de son âme, de tout son être éclataient de ses yeux, car malgré son malheur, il continuait d’avoir une âme, une grande âme.
Ses yeux brillaient d’intelligence, un regard profond et humain d’où se dégageait une grande beauté.
Paralysé donc, sa paralysie, perte de motricité dues à des lésions des voies nerveuses affectant toute action, mouvements, gestes, équilibre etc… atteinte du système nerveux central, mouvements et marche etc…
Troubles de l’équilibre, atteinte de certaines facultés : Parole, ouï, vue etc… perturbation dans beaucoup de mouvements et de coordinations.
De là, adieu école, copains, jeux, activités : on reste figé, cloué dans un coin à la merci d’autrui. Une prison pour le petit César, lui qui souriait à la vie, au soleil d’Orient, lui qui avait était studieux et le major de sa classe, lui qui était considéré comme étranger, venant d’un pays du nouveau monde, l’Amérique Latine.
César sillonnait un peu ou en partie sa localité, il venait chaque jour de la semaine en un lieu, ruelle, voisinage, pour annoncer sa venue et vendre ses produits.
Tout ce qu’il avait dans son panier ne dépassait pas les un ou deux kilos ; sa marchandise était destinée exclusivement aux femmes. Ses produits étaient : des fils à coudre, aiguilles, épingles, boutons, … de la mercerie en général et en petite quantité, si l’une des dames voulait quelques choses de déterminé, de spécial, il l’apportait dans sa prochaine tournée.
C’était un marchand ambulant très modeste.
Durant les années cinquante, nombreux étaient les marchands ambulants. Les grandes surfaces et supermarchés n’existaient pas, il y avait les boutiques où on trouvait un peu de tout: les communications n’étaient pas toujours et régulièrement assurées, les maîtresses de maisons trouvaient ces marchands très pratiques; sur dos d’ânes, charrettes, voitures ou autres. Le marchand se plaçait devant chaque porte et en une seconde on pouvait s’approvisionner. Les vendeurs des articles ménagers, vendeurs de poissons frais, les pêcheurs tournaient avec leur récolte, ils étaient attendus. Je me souviens, petit, qu’on n’avait jamais été au marché pour acheter le poisson ; c’étaient les pêcheurs qui faisaient la ronde souvent le vendredi, vidant ainsi tout leurs paniers.
Les marchands de fruits, de légumes, de produits laitiers (fromages, laits caillés, labneh etc…). Les vendeurs d’huiles, de tapis, de drap, de vêtements, de savons… jusqu’à ce jour même, on rencontre encore ces marchands, mais modernisés et motorisés dans leurs voitures (Pick-up). Nous, les enfants, on attendait les vendeurs de glaces, de sucreries, de gadgets… c’était un commerce, un moyen de gagner sa vie.
Que dire de ce courageux Kaïssar avec ses humbles produits? Il y avait aussi dans les quartiers, près des maisons, un coin de route ou de jardins, des Kiosques montés en bois, tôle et tout venant qu’on appelait ‘boiserie’ (takhechibeh) c’est-à-dire un truc monté avec des planches, du bois, qui ne nécessite aucun permis des autorités.
C’était aussi, un lieu d’échange entre femmes de toute localité ; elles entouraient le marchand et son âne, ou sa charrette… bavardaient, se demandaient des nouvelles, des enfants, de la vie quotidienne etc… ce qui rapprochait les gens créant un lieu, de discussions, de commérages, qui étaient suivis souvent par des visites entre foyers.
Kaïssar ne marchant pas, il trainait sous son fardeau (deux kilos) sa marchandise, sa mercerie. Qui l’alimentait ? Lui renouvelait son stock ? Lui planifiait la comptabilité ?
J’ai su plus tard que c’était un richissime commerçant dans le voisinage, dirigeant une grande mercerie dans la ville. Cet homme lui donnait presque tout bénévolement, avec amour et charité ; il suffisait que Kaïssar lui dise : « Que Dieu t’aide et garde tes enfants ».
Au Liban, la majorité des Libanais ont un grand cœur. Aider autrui est un devoir, pas seulement chrétien, mais patriotique aussi.
Kaïssar était la figure la plus connue et la plus populaire de la région : tout le monde le connaissait. D’où il venait, où il habitait ? On disait à ‘Sarba’ ce n’était pas certain ; d’autres disaient qu’ils le voyaient à Zouk, plus haut que Sarba ; j’ai pu savoir qu’il avait son petit trou du côté de ‘Aïntoura’ la source de la tour.
Tout le secteur dans lequel évoluait Kaïssar ne dépassait pas les trois kilomètres. Le secteur qu’il couvrait durant les six ou sept jours de la semaine. Est-ce que les dimanches, jour du Seigneur Kaïssar restait chez lui ? Se reposant, méditant, reprenant des forces ? C’est-ce que j’ignore.
Je suis certain que je le voyais chaque semaine ou presque, le même jour passant près de l’école et de notre maison.
J’ai mentionné que ses produits de vente étaient destinés au sexe féminin ; qu’importe ; lui, il n’a jamais annoncé sa marchandise ; il annonçait la venue de César-Kaïssar.
De temps à autre il criait avec sa prononciation désarticulé : ‘Kaïssar’, et cela était suffisant pour annoncer le maître, l’empereur, n’annonçait-on pas l’arrivée des Césars à haute voix ferme imposant le respect ? Que faisaient les hérauts ? Sinon annoncer avec voix de baryton : ‘Empereur’ !
Au fond de lui-même, Kaïssar était convaincu que les braves femmes ne venaient pas pour un dé, une aiguille ou une bobine de fil, mais surtout pour César. Quelle grandeur !
Oui grandeur d’âme en son état fichu, mal entretenu, habillé presque en lambeaux déchirés, mais Kaïssar était aimé et chéri des grands et petits. Il était presque le seul défavorisé qui sillonnait la région ; actuellement, chaque rond point, les grandes axes, les places, sont inondés par des mendiants de 4 à 90 ans qui si j’ose dire agressent les voitures et les passants. Leur métier est de mendier ; un entrepreneur les amène de bon matin par camion et les ramène le soir. Jusqu’à présent les autorités et associations sociales n’ont rien pu faire contre ce fléau. C’est comme la drogue : gagner son pain en tendant la main aux passants c’est facile. Ce n’était pas le cas de César ; quand on lui donnait, il répondait ‘que Dieu vous donne’ !
Kaïssar avait une noblesse dans son malheur ; il luttait pour être mieux, utile, servir, s’intégrer dans la société parmi les gens qu’il aimait.
Ma mère savait le jour de son passage. Le matin, nous préparant les tartines elle savait qu’on pouvait se priver de notre repas pour rendre César heureux.
La tartine a son histoire aussi. Ce n’est pas un repas en lui-même, ni déjeuner, ni dîner, c’est une invention française. ‘La France est sans doute le seul pays où l’on peut commander au comptoir d’un bar, ou à la table d’une brasserie une simple tartine beurrée ; on peut aussi choisir sa longueur’… Contrairement au sandwich, la tartine n’a pas d’âge, ou plutôt, si, elle a l’âge du pain.
Le premier vaut par ce qu’il contient, le second d’abord par ce qu’elle est mélodie de l’enfance familière… « Il était une dame tartine dans son palais de beurre frais… »
A part les trois repas journaliers, il y en avait un quatrième entre le déjeuner et le dîner ou souper, intervalle de 6 à 7 heures…
A 4 heures, chez les Maristes, on nous distribuerait du pain, chacun des élèves avait sa caisse où se trouvaient : fromage, olives, confitures, etc… Chacun préparait sa tartine à son goût.
Quand les bonnes femmes cuisaient le pain, elles préparaient un genre de galette ovale, un peu épaisse qu’on appelait : ‘Michtah’ : l’allongé, l’étiré,… qu’on mangeait chaud ou avec de l’huile d’olive ou du thym aromatisé par quelques épiceries… et qui rappelle la fameuse tartine.
Quand je tendais la main pour César, il souriait accentuant sa figure déjà déformée ; il remerciait ; s’il avait faim, il s’attaquait à la tartine ; sinon il la gardait dans son sac. Qui sait ? Ce sera pour son repas de soir ou pour le petit déjeuner du lendemain ou peut-être il l’offrira à un autre plus démuni que lui. Pour beaucoup d’enfants, c’était un être bizarre, un phénomène à observer… Etait-il de la race humaine ? Avait-il une âme ; ira-t-il au paradis ?
Son passage était un spectacle, un numéro à ne pas rater, mais ce numéro s’adressait aux cœurs et éveillait les sentiments de charité.
En cela, Kaïssar était une ligne rouge. Il était respecté et aimé.
N’était-il pas comme nous enfants, l’œuvre du Créateur ? Peut-être son âme était supérieure à la notre ? Peut-être il avait plein d’idées dans sa tête qu’il ne pouvait extérioriser ? Peut-être, n’avait-il jamais connu le péché ? Est-ce qu’il rêvait comme nous ? Et croyait aux anges ? Avait-il connu toutes ces histoires des petits enfants ? Ou celles de Robinson Crusoé ? avait-il appris à lire et à écrire ? Sûrement, il avait une présence et une personnalité ; ce n’était pas un président d’administration, un P.D.G., un Recteur, …
Il était César, comme le Bossu de Notre Dame, il servait Notre Dame ; César avait sa place dans tous les cœurs…
Enfants on se demandait comment Kaïssar passait ses nuits, où dormait-il ? Que faisait-il quand il était dans son petit trou ? Ignorance totale. Tout ce qu’on savait est que Kaïssar existait et faisait une tournée toutes les semaines dans notre quartier. Il ne fallait pas être curieux et demander plus d’informations. Il y avait une barrière dans sa vie privée. Tout le monde respectait sa vie intime, avait-il des amis ? De relations sociales parmi ses voisins et voisines ? Ses amours ? Après tout, il avait le droit d’aimer même si l’amour est virtuel…
Quels étaient ses sentiments, ses sensations, son humanisme ? Sa foi ? Ses convictions ? etc… Etait-il surgi de la mythologie ? Des contes de fée ou de mille et une nuits ? Icare, Poséidon, Eol, Eros, Venus, Apollon, etc… êtres de légende ? Il était le seul, l’unique, surgi je ne sais comment ni d’où ? A l’époque, il y avait la société de Saint Vincent de Paul qui aidait les démunis ; les généreux étaient et sont toujours nombreux. On disait d’une telle personne généreuse : ‘la bouchée dans sa bouche même, n’était pas pour elle, mais pour autrui’. Les mains qui donnaient étaient nombreuses. Avait-il un père ? Une mère ? Des frères et sœurs ?… non ! César était unique Auguste, Jules, Hadrien…
Il parlait quelques phrases d’espagnol. Le castillan était-il venu de l’Amérique du sud ou centrale où se trouvent des Libanais par milliers ? Les uns racontaient et vaguement qu’il vivait avec sa mère dans la région et qu’elle s’était occupée de lui jusqu’à son décès. Mes études chez les maristes terminées, l’évolution, les changements, l’Université, les travaux… je voyais de moins en moins César, qui disparut totalement de la région. Mais cet être me hantait ; il était toujours dans mon esprit, une silhouette inoubliable. Un être qui avait affronté l’existence avec héroïsme, courage et gagné l’amour des gens.
Kaïssar n’a réalisé aucune découverte aucune invention dans le domaine scientifique, quant aux beaux arts, il n’était ni poète, ni peintre ou musicien ou artiste ; en matière de sainteté, il défiait la Providence qui semblait vouloir l’écraser, rien de tout cela… Par contre, c’était un avant-gardiste malgré son handicap presque total ; il prouvait que l’impossible, l’inaccessible, l’inertie, la perte de l’espoir etc… tout cela n’existait pas dans son dictionnaire ; il était l’exemple vivant de tous les handicapés… L’animation de la vie en lui, et la foi en Dieu le brûlaient. Il y eut ainsi dans l’histoire de l’humanité des personnes comme Kaïssar, qui hélas ont succombé dans l’oubli, et c’est afin que ses mesures prennent leur place dans la postérité, que j’ai fait cette recherche.
J’ai plus tard demandé à mes amis médecins de diagnostiquer son cas dans le temps (car Kaïssar était décédé sûrement) : troubles nerveux pareils ; perte de mouvement, marche difficile et traînante, vacillation, perte de la parole et des articulations faciales, courbature,… Bien sûr, ce sont des lésions au niveau du système nerveux, du cerveau etc…
Dans mes expositions, il y avait toujours des dessins et croquis et carnet sur lequel était noté : César- Kaïssar, où se trouvent plusieurs croquis, réalisés de mémoire, tenant ses paniers, ou assis au bord de la route, ou grimaçant dans son expression. Durant plus de six expositions, ce carnet se trouvait plus ou moins enrichi par des dessins supplémentaires. A ma grande surprise, un jour, une dame de Aïntoura s’arrêta, feuilleta avec avidité ce carnet ; je me demandai si le sort allait me sourire. La dame s’éclipsa sans rien dire. Le lendemain, elle revint accompagnée par une dame. Elles se dirigèrent droit vers la table où se trouvaient les carnets. Cette exposition était dédiée à Sainte Rafca, Rebecca. Un ami ayant composé un livre relatant la vie de la Sainte m’avait demandé des œuvres pour les intégrer dans son ouvrage. J’avais décidé de réaliser cette exposition : une quarantaine d’œuvres et de compositions montrant la Sainte dans tous ses états, sa vie, sa souffrance, sa jeunesse, ses convictions ? Les deux visiteuses étaient restées clouées devant ce carnet. Je me suis dit : ‘Maintenant ou jamais’. J’interviens, leur posant des questions, si elles aimaient les croquis et les dessins ? Et si elles avaient des œuvres d’art chez elles ? Elles me répondirent qu’elles avaient un portrait de Srour, et une aquarelle de Omar Onsi, et d’ajouter que ce qui les intéressait ce n’étaient pas les œuvres mais plutôt ce sujet en particulier et à ma question, ‘l’avez-vous connu ?’De répondre en résumé : ‘c’était un voisin ; il vivait près de notre maison, lui et sa mère ; il avait l’âge de 8 à 9 ans quand ils revinrent de l’Amérique du Mexique… Les mauvaises langues racontaient de la mère que son époux l’avait abandonnée avec l’enfant pour courir avec une autre ; d’autres disaient qu’après le décès de son mari, elle s’était vue seule et avait décidé de rentrer au Liban et d’assurer un avenir à son fils au Liban ; et pour subvenir à leurs besoins, elle travaillait dans les maisons ; elle cuisinait ; elle savait coudre ; et elle était très aimée dans le village, César, avait été inscrit à l’école toute proche des Pères Lazaristes. Un grand figuier se trouvait sur la place devant leur maison ; nous jouions là, tous les enfants du voisinage, et César était des plus sympathiques avec son accent libanais-mexicain.
C’est vrai, en ces temps, les gens riches avaient un figuier devant leur maison.
La figue, un fruit délicieux comme le miel. Les premiers fruits mûrissent à partir de mai pour continuer à être cueillis jusqu’au mois de décembre. Que d’espèces actuellement, la blanche, la noire, la rougeâtre, l’iranienne, des figues grosses comme une balle de tennis, aux plus modestes atteignant 2 à 3 centimètres, un fruit qu’on peut industrialiser et préserver longtemps, transformer en confiture, le dessécher etc…
On dit que le messie a maudit cet arbre qui ne portait pas les fruits qu’on attendait… Il faisait allusion au peuple hébreu de qui on attendait plus d’héroïsme et ce peuple avait déçu son Dieu Incarné, surtout que en mars, ce n’était pas la saison des figues. En tant qu’arbre, le figuier n’exige aucun soin, il donne des fruits généreusement. Et la dame de poursuivre ‘c’était le bon temps malgré la seconde guerre. (L’une était née en 1934, l’autre en 37, des cousines et qui avaient mon âge).
Nous vivions une nostalgie qui remonte à plus de 40 ans.
Elles parlaient, voulant extérioriser ce qu’elles avaient dans le cœur. Je me taisais et j’écoutais. « César devait avoir 8 ans quand il rentra de l’Amérique. Il était très heureux dans sa modeste et nouvelle vie à Antoura dans leur petite maison entourée d’arbres et de fleurs, sa maman était dynamique, serviable, très attachée à César. Il y avait une compréhension, un amour, de bons liens ; on se voyait matin et soir à l’école, à la maison, dans le jardin, dans la place près du figuier.
Un jour, César voulant nous cueillir de bonnes figues, une branche se cassa sous son pied ; il perdit l’équilibre et la chute fut presque mortelle. Nous étions sidérés, affolés car César gisait sur le sol, comme dans un autre monde, celui du Coma. Tous les voisins accoururent après cet accident voulant aider et servir. Dans toute la région il n’y avait pas un hôpital. On transporta César à Beyrouth où il fut traité et ne s’éveilla de son coma qu’après plusieurs mois, laissant beaucoup de séquelles à ce pauvre garçon. Lui qui était si vif, éveillé, serviable,… il se trouvait inerte, rigide comme un morceau de bois.
On le ramena à la maison, sa malheureuse mère s’en occupa jusqu’à son décès. On rentrait de temps à autre le voir, le saluer, il était totalement paralysé. Quelquefois sa mère le traînait pour le placer sur un sofa dans la cour devant la maison. Nous grandissions et chacun allait d’un côté et César se voyait de plus en plus isolé… César, à force de volonté, de décision, de vouloir s’exercer, sans physiothérapeute, il arriva à se mettre debout, à faire quelques pas vacillant, passant plus d’une heure pour traverser la ruelle près de la maison. Je le rencontrais de temps à autre, ses yeux étaient pleins d’expression. Six à dix ans ont passé. Les uns se sont mariés, d’autres ont voyagé, le quartier s’est vidé d’une génération. Je sentais César crier du fond de son âme : ‘Je t’adore ; je lutterai encore longtemps !’ N’avait-il pas le droit d’aimer, de plaire, de rêver ? Je me suis mariée, j’habite Beyrouth, mes enfants ont grandi, j’évitais de revoir César, car je souffrais profondément rien qu’à penser de quelle vivacité, d’énergie, d’amour il était dopé. Et le temps nous a éloignés. César était devenu Kaïssar. Il s’habitua à son environnement, à sa manière de vivre etc… »
Ce m’avait été un long témoignage, j’étais assoiffé de savoir et le discours de cette dame m’avait rassasié.
Elle ajouta : ‘on se sentait tous responsable de la chute de César qui voulait nous satisfaire et nous régaler…’
Elle voulait remettre ce carnet à sa place. Je lui ai demandé de le garder chez elle ; moi je n’en avais plus besoin ; j’ai éclairé une vérité qui me torturait moi qui ai connu Kaïssar par hasard sur les routes de mon village… Nous avons été ensemble à Aïntoura ; elle me montra la maison paternelle et m’indiqua la petite chambre en tuiles ou Kaïssar avait vécu et la place où ils jouaient me disant : « avant l’accident César avait 5 à 6 amis Kaïssar en a eu des milliers. Toute personne qui l’a connu ou vu, tombait sous son charme ; il captivait ceux qui le voyaient. Il avait son Empire dans les cœurs de toutes les gens. Un empire sans frontière, sans belligérance, dont Kaïssar était l’empereur. Son univers était vaste, sans limite semé de roses et de Jasmins, de figuiers aussi où il cueillait des étoiles dorées et au bout duquel se trouvait assise devant les portes du paradis sa mère si aimable qui l’attendait, et le protégeait…
Joseph Matar
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