Yvette

Chômer, se reposer, ne pas travailler par manque d’ouvrage, ce grand problème, nous était inconnu durant la première partie du XXème siècle. Le problème est devenu grave sur tout l’ensemble des fractions sociales à tel point que ce problème a eu ses ministres, ses spécialistes, ses statistiques etc…

Jadis chacun avait son occupation, son travail ; rester chez soi, oisif, était très rare ; on n’en parlait pas ; ce n’était pas un problème social ; mais les crises de l’emploi ont commencé à s’annoncer depuis les années 50-60 ; les débouchés étaient nombreux, voyager dans les pays moyen-orientaux, les émirats, l’Afrique, partout dans le monde… Mais les demandes sont devenues de plus en plus nombreuses, partout au monde, pour arriver à l’état actuel où le pourcentage des non-travailleurs, des chômeurs est devenu très élevé, entrainant des déficits, des difficultés, et des crises très graves…

Il est vrai, il y eu une vague d’émigration durant les années 1840-1860 vers les Amériques ; mais les problèmes n’étaient pas du même ordre.

Il y avait deux types de main d’œuvres ; celle de la ménagère, qui s’occupait des travaux domestiques, services, enfants, nettoyages, garde, etc…

Le fait d’avoir une « bonne » ou « servante », ne se posait pas : seules les quelques familles riches, aisées, se permettaient un luxe pareil ; on pouvait recruter une jeune, une vieille, une pauvre fille voulant gagner son pain, partout dans les villes, ou villages et ces filles étaient traitées comme des membres de la famille… Et il y avait aussi la main d’œuvre journalière, de celles qui travaillent au quotidien et qui organisaient leur programmes répartis tout au long de la semaine. Je me souviens qu’une alaouite : “Em Abdallah”, venait les après-midi de chaque mercredi pour aider en tout ce qui était lessive, linge, repassage etc… Et il y avait l’autre main d’œuvre ouvrière qui était aussi locale, syrienne, alaouite, et qui travaillait dans les secteurs de la construction, de l’agriculture, dans les chantiers etc…

La personne qui venait vivre dans une famille était traitée souvent comme un membre de cette famille ; elle s’occupait souvent de tout, se mêlait à l’intimité dans la famille, à l’éducation des enfants, elle avait son opinion, son poids, sa présence.

A ma mère, quoique jeune, mais malade et fatiguée, et mes sœurs mariées, etc…, il fallait une aide ; c’était « Em Abdallah » qui tous les mercredis à la même heure arrivait, travaillait, lavait nettoyait et repartait à la même heure, telle une montre «omega », quant à l’exactitude et la précision. Cela dura plusieurs années.

L’ancienne génération a disparu à petit feu ; la nouvelle refusait ce genre d’emploi ; chacune avait ses rêves, ses ambitions, sa tenue, etc… il a fallu faire appel à une main d’œuvre étrangère, se sont alors un peu ou trop occupés de ce secteur, des prêtres et des religieuses… Ils traitaient avec certains pays, d’anciennes colonies françaises telles les Seychelles, etc… Il fallait alors s’adresser à l’évêque de Beyrouth etc….
D’autres amenaient des filles d’Egypte, de Syrie etc…; plus tard débarquaient les Sri-lankaises, Philippinaises, Ethiopiennes etc…

J’avais reçu chez moi, pour le service et l’entretien des enfants, une fille du Nord dont les patrons avaient voyagé pour un ou deux ans, et le père s’était empressé pour la classer quelques parts ; elle était chez nous à la maison ; elle était si heureuse et contente de vivre en ville et parmi nous, qu’elle avait amené sa petite cousine ; elles furent toutes deux à notre service. Mais la situation ne dura pas longtemps ; après quelques mois, voici la patronne de retour, réclamant « Mantoura », sa bonne, une adolescente toute petite qu’il lui fallait pour la servir. Ce fut une première page qui fut tournée.

Nous étions, un jour en excursion sur les hauteurs de Byblos, du côté d’Ehmege ; on s’était dirigé vers midi dans un petit restaurant sous les arbres, près d’un point d’eau ; les enfants jouaient et étaient très heureux. Je remarquai qu’une fille de la région, de treize ou quatorze ans, qui jouait avec notre petite Marina, se mêlant à nous ; je lui demandai si elle allait à l’école, ce qu’elle faisait… sa mère était dans le restaurant, cuisinant, servant les tables ; elle me fit comprendre qu’elle n’avait pas d’objections à ce que sa fille travaille chez nous ; qu’elle nous a aimés, et nous a trouvés d’une famille agréable. La jeune fille qui s’appelait « Yvette », courut à la maison mettre dans un sac des habits nécessaires, et deux ou trois bouquins et cahiers ; son trousseau ! Une aventure allait débuter avec « Yvette » pour plusieurs armées. Les enfants sautaient de joie d’avoir Yvette à leurs côtés.

On se demandait bien que pouvait faire Yvette ? elle était un peu plus âgée que les enfants ; il fallait la servir et l’aider, et nous autres nous ne faisions pas travailler des mineurs. Un être qui partage notre pain, notre vie est comme nous, s’il est roi, ou serviteur. Nous aimions Yvette comme nos enfants. Ivette était une brunette, chétive, simple, jusqu’à la naïveté, une fille qui ne connait pas le mensonge, le mal, le péché. Elle était pleine de sentiment, de bonté et, en plus, d’excès de zèle : elle aimait follement les enfants. Je l’ai inscrite dans l’école la plus proche de la maison : l’école centrale. Le soir quand elle rentrait et devait faire ses devoirs, c’était Marina qui l’aidait à écrire et étudier. Une fois ses devoirs achevés, c’est Ivette qui commençait son travail, aider les enfants à se baigner ; ils dinaient ensemble, jouaient, priaient etc… Une fois les enfants au lit, Yvette prenait son aiguille et ses chiffons et venait se mettre près d’Andrée, lui montrant ce qu’elle cousait. Elle était très ambitieuse, elle voulait à tout prix avoir un petit métier en main ; coudre.

Au village, une couturière, c’est un point d’attraction ; c’est une personne importante très recherchée, bien vue, respectée, aimée ; une couturière qui « habille », qui arrange les vêtements, mesure, coud, impose son goût etc… ; c’est comme le maire qui s’occupe des activités administratives…

Mais tous les problèmes n’étaient pas réglés ; il y avait plein de travaux à la maison et la main d’œuvre adéquate n’y était pas … Des amis à l’ouest de Beyrouth, m’ont alors présenté un courtier, maire d’un quartier et qui s’occupait de relations publiques… Il me proposa d’engager une « Egyptienne », brave, aimable, capable, propre, etc… Quelques jours passèrent et voilà qu’une certaine « Samia » arrive accompagnée par le courtier ; une Egyptienne authentique, brune, belle, un ruban lui couvrant les cheveux ; elle parlait en chantant et marchait en dansant, souple comme un papillon qui s’envole, toute de charme et de sentiment, souriant en permanence, et ne se plaignant jamais, courageuse et compréhensive. En Egypte, elle était mariée et avait des enfants ; mais comme la majorité des femmes là-bas, elle était divorcée ; une femme est à la merci des décisions de son époux ; elle était divorcée, c’est-à-dire avait été chassée de la maison ; pauvres femmes !…

A la maison, ce fut le début d’un régime Egyptien. Les enfants encore, parlaient l’Egyptien avec l’accent, vrai, qu’on écoute dans les films Egyptiens ; ils avaient appris les chansons Egyptiennes, la danse, les plats, la manière de frire le poisson avec le « Cumin »…

« Samia » mit de la vie dans la maison, une animation, de la joie ; la maison était bien entretenue ; la cuisine, les enfants bien soignés … ce qui permettait à Ivette de faire ses devoirs scolaires, de coudre, d’apprendre et de réfléchir… car elle raisonnait de plus en plus ; elle avait presque chaque jour une question à me poser au plus ; surtout quand elle abordait le domaine religieux ; la Sainte Vierge, les saints, les religieuses, le Bon Dieu au paradis, la mort et la résurrection, les vocations, certains noms de la Bible ; qui était Noé ? ou Abraham ? Les prophètes ? Toubia ? Jacob etc… ; elle avait toujours en tête l’idée qu’elle avait une vocation et qu’elle serait un jour une religieuse et pourquoi pas, plus tard, une sainte… La mère passait souvent ; elle était bien reçue et invitée ; elle venait bavarder avec Yvette, toucher son salaire. Elle était satisfaite d’avoir envoyé Yvette à l’école centrale, étudier, avoir une formation et surtout être traitée mieux que les enfants. Samia, bien intégrée, était la maitresse et les enfants lui obéissaient par amour et sympathie…

On faisait souvent des sorties un peu partout, et quelquefois, invités chez les parents d’Yvette, dans leur village comme un nid d’Aigle sur les hauteurs de Byblos, non loin de Annaya où des milliers de pèlerins et de croyants viennent prier le grand saint. J’avais pu remarquer qu’il y avait un enfant malade, pauvre garçon ! qu’Yvette était simplette, que la mère avait des crises nerveuses et quelquefois hystériques, que le père et la mère étaient des cousins germains, et que tout le monde travaillait ici, filles et garçons, la famille était nombreuse, une dizaine d’enfants !..
Cette merveilleuse ambiance dura presque deux ans.

Un jour arriva « Samia » me disant qu’elle désirait partir faire une tournée dans le « Souk de Jounieh » désirant acheter des souliers ; je lui ai avancé un billet lui disant : « Choisis ce qui te plaira ». Une jolie fille, svelte, attrayante, attire l’attention des curieux, on raconte ici pour « blaguer » que si l’homme à un cerveau, la femme a une demi cervelle » !… qui a inventé ce dicton ? est-il vrai ou faux ? moi je n’y crois pas … Le fait est que Samia a acheté des souliers, « des souliers blancs pour danser » et qu’elle a choisi le vendeur de chaussures pour bercer son cœur, ses émotions, son amour. La situation a changé du matin au soir c’étaient les appels téléphoniques, le bavardage, les permis de sortir, les travaux non achevés…

Elle m’annonça un jour qu’elle désirait nous quitter, qu’elle se fatiguait, ce qui n’était pas vrai.

J’ai compris qu’elle allait s’aventurer dans les relations sentimentales, je lui ai dit : « Je respecte tes décisions et je te comprends, tu peux partir ». C’est ainsi qu’un régime égyptien avait pris fin. Yvette décida de prendre la situation en main, me disant qu’elle arrêtait l’école pour se consacrer aux enfants, à la maison, la couture et la lecture ; surtout, elle me demandait souvent de lui acheter des livres (arabes) car elle savait bien lire et s’appliquait dans la calligraphie.

L’honnêteté, la politesse, le respect, les sacrifices… étaient poussés à leur plus haut point.

Pour la jeune Yvette, tous les biens terrestres, tout ce monde ne l’intéressaient pas ; elle voulait avoir accès au paradis et se consacrer à la prière et à la méditation ; elle me demandait de lui promettre (et faire une promesse, c’est sérieux) qu’un jour je pourrais la classer dans un couvent, noviciat, où elle pourrait vivre sa vocation…

J’avais beaucoup d’élèves qui étaient entrés dans le sacerdoce, et certains étaient devenus des évêques… Dès qu’Yvette voyait quelqu’un chez nous, elle abandonnait tout pour venir poser des questions souvent idiotes : sur le péché, le purgatoire, satan, l’éternité etc… On la trouvait gentille, sympathique et naïve ; elle, elle était satisfaite, car les réponses à ses questions étaient les mêmes que mes réponses. En attendant, Yvette évoluait, elle était devenue une meilleure couturière, cuisinière, ménagère etc… même plus ; cultivée et pédante même ; elle écoutait ce dont discutait autour d’une œuvre d’art, d’un problème quelconque. J’ai fait comprendre à Andrée que ma promesse faite à Yvette allait bientôt être exécutée ; c’était un testament fait sur l’honneur devant Dieu. J’ai fait comprendre à Yvette : « C’est toi maintenant qui dois décider de ton sort, de ton avenir… Quant à moi, j’ai contacté « tel ordre de » religieuses pour t’accepter chez elles ; tu pourras entrer dans l’ordre à l’instant même ». Elle décida de nous quitter dans deux semaines, juste le temps de trouver une remplaçante. J’ai mis le père et la mère d’Yvette devant la décision de leur fille ; ils n’ont pas objecté ; elle pouvait décider elle-même de son avenir, m’ont-ils répondu.

A la maison, ce fut un nouveau régime, un autre univers, ce devint de la reine de Saba, un régime éthiopien. Une jeune fillette chétive, douce, intelligente, mal nourrie, calme… qui débarqua chez nous.

L’Ethiopie, c’est deux fois et demie la superficie de la France, une grande civilisation ancienne. J’ai remarqué que les Ethiopiens ne sont pas de la race négroïde : les arcades zygomatiques ne sont pas saillantes, ni leurs mâchoires ; à part la couleur chocolat au lait la forme crânienne est très similaire à celle de la race blanche, même la langue est d’origine sémitique, dont beaucoup d’expressions ressemblent à l’arabe. Et l’Ethiopie plongeait alors dans la pauvreté, la misère, la famine… L’Ethiopie un des premiers royaumes convertis au christianisme, les coptes, leurs églises etc…

Ce fut Zénobie qui raconta aux enfants les traditions, les us et coutumes de pays ; elle leur tressait les nattes de leurs cheveux à l’Ethiopienne ; leurs vêtements, les habits des fêtes, etc… leur café aromatisé avec des graines de « hal »… Les dimanches la messe était sacro-sainte : elle accompagnait les enfants à l’église ; elle nous racontait que leurs églises étaient vides, ni bancs, ni chaises, ni tapis, vu la grande pauvreté qui ravageait le pays… Elle passa chez nous quatre ans pour être remplacée par une autre pour la même durée, mais pour être sous un autre régime : celui des sri-lanka pour une dizaine d’années. Elle avait ses us et coutumes ; malgré la pauvreté actuelle de leur pays, ils ont une civilisation, une culture, rien qu’à observer leur cuisine, leur nourriture, leur vision des choses, souvent philosophique… Celles que j’ai employée du Srilanka était végétarienne, ne consommait jamais de viandes, refusait de casser un œuf ; peut être, elle tuerait le fœtus, l’embryon qui est dans l’œuf de poule… Pour nous retrouver après plusieurs années, car un autre régime : celui des tributaires, venant de l’Extrême-Orient asiatique, ou le Népal, au Sud de l’Himalaya, passant par l’Everest… Je n’ai pas eu le bonheur d’avoir une ouverture sur les Philippines ; ces dernières se trouvaient par dizaines de milliers, avec des Somaliennes, les Erythréennes, les Malgaches, et les noires de toutes nationalités. Le Liban est devenu un point d’attraction, pour toutes les démunies sans travail, chômeurs et chômeuses… Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a plus une seule libanaise pour ce genre de travail de service, et si l’on en trouve quelques unes, elle est payée plus qu’un ministre, une rapide évolution, une évolution sauvage qui risque de ruiner le pays ; on dépense ce qu’on ne gagne pas.

Qu’était devenue Yvette ? Je suivais toujours ses dernières nouvelles ; de temps à autres, elle passait un coup de fil pour nous informer qu’elle était toujours vivante et qu’elle priait…

Les religieuses où elle fut admise, avaient plusieurs couvents au Liban, à Byblos, dans un noviciat, elle débuta bien ; il fallait passer par une formation avant de faire des vœux et porter l’habit, après une année d’études, de peines, de formation etc… Les religieuses responsables, ayant remarqué qu’Yvette était simplette, bébête, naïve et que les études n’avaient pas d’effets réels pour son progrès et évolution, elles décidèrent de la muter vers une autre activité, un travail, pas intellectuel du tout ; éplucher des pommes de terre, des oignons ; nettoyer les légumes, aider la cuisinière, nettoyer les corridors, les escaliers, les vitres, arroser un peu les fleurs et légumes autour du couvent etc… C’est une autre activité qu’on peut offrir au bon Dieu comme prière de tous les jours. L’obéissance dans un ordre est un vœu qu’on ne peut négliger. Yvette devait obéir et se taire et réaliser un travail fatiguant, à la place d’autres… Les religieuses sur place trouvèrent que la Providence leur avait envoyé cette idiote d’Yvette pour leur bien, leur repos, puisqu’elle acceptait de faire n’importe quel travail à leur place… On m’a raconté et assuré que les religieuses se permettaient de retarder, ou d’avancer les heures de prières afin de pouvoir assister à des épisodes télévisés qu’elles ne voulaient pas rater, et moi-même j’ai entendu plusieurs d’entre elles, avec quel enthousiasme, elles discutaient ces films à épisodes, (Mexicains, Brésiliens, Turcs etc…) qui ont envahi nos petits écrans.

Yvette, voulant prouver ses capacités, son savoir, pédante sans le savoir, étala toutes ses « capacités » dans la couture… Le soir, quand les nones étaient devant leur écran, Yvette cousait, rapiéçait, s’occupait du linge, repassait, arrangeait les armoires, les lits etc… brodait, tricotait etc…, elle était devenue responsable de la lessive, vaisselle ; elle n’avait plus le temps de dormir, lire, prier, méditer, réfléchir… tout cela devint oublié, enfoui.

J’étais certain que le bon Dieu et la Sainte Vierge acceptaient l’effort et la bonne volonté d’Yvette dans sa vocation. Je savais qu’elle avait beaucoup de problèmes en sa famille, sa maison ; un frère « débile » dans un état déplorable, une mère frôlant la dépression, un père travailleur, un peu ou trop effacé, ses autres frères et sœurs se mariant à la file, la maison se vidait ; le père vieillissait ; il fallait qui servir chez eux…

Je reçus un jour, un « faire part » et un coup de fil m’informant que la mère d’Yvette était décédée. Je fus à l’enterrement ; puis le second jour, à la maison chez Yvette ; il y avait là tous les parents. Yvette vint s’asseoir près de moi. Je lui posais des questions à propos de sa vie au couvent, de sa vocation, de son avenir, des religieuses etc… Elle m’avoua qu’il n’y avait plus qui s’occuper de la maison, du père, du frère et qu’elle pouvait faire là le même travail à la maison qu’elle faisait au couvent…

Elle était devenue plus consciente de ce qu’elle faisait « j’ai voulu vouer toute ma vie, mon existence, mes activités au Seigneur ; je le ferai… chère Yvette, je lui ai dit, les religieuses ne vont jamais t’ordonner de devenir l’une d’elles ; elles veulent t’exploiter ; les années que tu as passées au couvent sont suffisantes ; retourne t’occuper de la maison, de ton père, de ton frère malade etc… C’est ce que je pense faire » m’a-t-elle répondu. Sur ce … j’ai quitté la cérémonie.

Deux semaines plus tard, on sonne : c’est Yvette qui arrive chez nous ; elle passa toute une journée avec mon épouse Andrée, discutant des problèmes de coupes, de couture, pour me dire le soir de l’emmener chez elle à la maison paternelle, car elle avait quitté le couvent.

Six ou huit mois, vinrent à passer, décès du frère malade. Yvette priait en silence et tous les jours… Pour ses rapports avec le Seigneur, elle ne voulait pas d’intermédiaire. De ma vie je n’ai rencontré une personne aussi vraie, honnête, claire, simple que la petite Yvette ; oui elle a toujours le même âge où je l’ai connue ; elle vit toujours dans l’adolescence.

Quel bonheur ! elle n’a jamais connu, et ne connaîtra jamais le péché, le mal.

Le père vieillissant, atteint d’Alzheimer, fut, au début, suivi par ses filles à tour de rôle, puis placé dans un hospice adéquat. Elle vint nous voir ; je lui ai proposé de revenir vivre avec nous, si non de retourner dans la maison où travaillait son père, près de richissimes personnes qui souhaitaient avoir Yvette dans leur maison.

– Cela s’est fait. Yvette passe de temps à autre, les weekends ouvrir la maison paternelle, recevoir ses frères, sœurs, neveux et nièces…

– Chez ses patrons, c’est elle qui est la maîtresse de la maison ; elle possède tous les moyens de vivre, de dépenser ; sa vocation est vécue par le désir et l’amour.

Notre amitié perdure toujours, de cours échanges de visites, de contacts téléphoniques… Yvette est une fille de notre famille qu’on a connue toute jeune et élevée comme nos enfants… On a besoin de ses prières, de son cœur pur, de son innocence.

En ces temps, on rencontre très peu de gens qui ont les qualités, la belle âme, la noblesse, la grandeur d’Yvette ; je n’ose pas dire la sainteté ; c’est un domaine qui n’appartient pas aux humains ; c’est le Seigneur qui le décide. Il y a de très saintes gens autour de nous. Nous verrons cela un jour.

Joseph Matar
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