Magie des Lumières, des formes et des couleurs

« Le premier matin de la création Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière des ténèbres. » (Genèse 1-3)

Quand tout va bien, l’état d’âme est lumineux, agréable. Avec l’obscurité et les ténèbres l’horizon s’assombri, c’est la tristesse. Entre la pure lumière et la totale obscurité se trouvent les nuances les plus subtiles, c’est la vie, les activités de tous les jours.

Les couleurs, les nuances, les tons… le clair-obscur, les diversités des gammes chromatiques les plus fulgurantes aux tons les plus transparents, de la chaleur à la froideur se jouent les échanges, les sensations, les sentiments, les états d’âmes, les expressions… Les luttes intérieures, les idées, la destinée de l’être, ses visions… Je me demande si l’œil pense ? Je me demande aussi si l’œil appartient à l’homme en tant qu’individu ou à tout le cosmos et à toute la création.

Voir est un sublime don du ciel. Voir durant toute sa vie le lever du soleil, les lumières du midi, l’arc-en-ciel après la pluie, le crépuscule… et de nouveau l’aurore, les floraisons, les variations dans les saisons, toute la nature et les expressions humaines. Quant aux émotions, les sentiments, pensées, jugements, cultures, le tout épanoui dans les structures poétiques qui se métamorphosent en actes créateurs.

Ne pas mélanger les théories des couleurs, la chimie et la physique, les éléments, les pigments, les couleurs et lumières, les techniques… Avec le sublime, la création, le beau, on rejoint la poésie, car la poésie c’est l’art par excellence.

J’ai beaucoup d’admiration pour mon père l’infatigable qui ne connaît ni le repos, ni la paresse, ni les difficultés du travail. Pour lui, la création est un acte religieux, sacré, saint et nécessite des exigences, des sacrifices de soi. L’œuvre d’art n’est pas un passe-temps ou une distraction. Toute œuvre demande des nuits blanches, un travail soutenu par la connaissance, l’amour, le vouloir, la volonté, le courage, le pouvoir et la passion.

Il y a plus d’une vingtaine d’années, je me souviens encore, mon père a donné un titre à l’une de ses expositions: “Un Moi de Lumière”, un ego luminescent. J’observe mon père au travail: peindre, lire, dessiner, préparer lui-même son matériel, ses supports… Je ne l’ai jamais vu au repos… Il est éveillé en permanence, il reprend ce qu’il fait plusieurs fois. Quelques foisplusieurs versions avec le même dynamisme et amour, sans se plaindre. Tout se métamorphose entre ses mains quel que soit le motif. Il ne se répète jamais, il est en perpétuel renouvellement. Un paysage, une composition, un portrait sont ses états d’âme, de nouvelles présences du “Moi”.Il ne peut jamais être gris, à moitié, il prend en considération ses engagements, son honneur.

Les us et coutumes, histoires patriotiques et héroïsme l’intéressent – il est vrai, il respecte et vit les valeurs, pour lui c’est un devoir.Si je m’arrête devant un paysage récent, je vois les grandes lignes, la mise en page, les plans, la structure de l’œuvre… et ses amandiers fleuris au premier plan, je vois comment il passe d’une couleur à une autre tout en gardant l’harmonie de l’ensemble. L’œuvre est un tout intime dont les éléments se complètent et qui font que le message pictural atteint le spectateur.

L’œuvre est éclairée par la lumière de l’âme de l’artiste. La lumière externe ne fait qu’éclairer le lieu où l’artiste est. Ce qui donne de la magie à l’œuvre, c’est la lumière de l’Esprit, une lumière intérieure, imbibée intimement de ce qu’il a de plus humain: sa tendresse, sa vigueur, son charme, sa solidité, son intransigeance, son amabilité, sa tolérance. Une lumière qui, comme le bon vin, se fermente en nos cœurs et porte l’empreinte de l’artiste. Peindre pour mon père est comme une prière. La lumière de l’astre Soleil s’éclipse devant le magicien de la lumière, le peintre lui-même… Un flux lumineux dégagé du cœur de l’artiste se propage à l’intérieure de l’œuvre.

C’est ce qui fait le style personnel de chaque artiste.Ce jeu se fait ressentir dans chaque touche comme se résume chez Victor Hugo dans: « Mon père… ce héros, sa bravoure… le soir d’une bataille, ému tendit sa gourde à un blessé qui subitement saisit un pistolet et vise mon père, son cheval fit un écart et le sauva… Donne-lui tout de même à boire dit mon père ». Celui qui s’engage dans sa vie sans des idéaux suprêmes doit être tolérant, une âme candide, une vision grandiose, un amour sans frontière, une transparente innocence.

William MATAR