Amitié brisée, le Président assassiné
Le Créateur, le Tout Puissant, quand il eut créé avec amour les nébuleuses, les galaxies, les étoiles, les astres, les planètes, les lunes, etc…, ayant créé l’espace et le temps, dirigea son attention vers la Terre. Pour la beauté et l’amour, il créa un autel, un fief, un domaine de chasse de toute splendeur consacré aux dieux.
Les arbres les plus variés et les plus rares y poussèrent. Des sources, des fleuves, etc… de l’eau pure et cristalline coulait partout. Une lumière merveilleuse éclairait et illuminait cette région.
Les lions côtoyaient les gazelles, les sangliers… les aigles, etc…
Toutes les nations de la terre enviaient ce beau pays tant privilégié. Que dire de l’homme qui vivait dans ce milieu paradisiaque… ?
Adonis et Astarté en firent leur berceau d’amour… jusqu’au jour où les forces du mal s’incarnèrent dans un sanglier d’une rare méchanceté.
Ce fut le début d’un drame, d’une tristesse, de journées de deuil qui se répétèrent en cycle…et ce fut aussi des journées glorieuses de résurrection, tel le Phœnix ressuscitant de ses cendres…
…et l’histoire de ce peuple se déroula à ce rythme… de morts et de résurrections. Ce grand peuple continua son odyssée… peuple élu de ‘Il’ le premier et unique Créateur, peuple qui croit, à l’incarnation et à la résurrection, qui avait tout le droit à la vie, à l’existence, à l’expression de son Dieu, qui avait su remarquer l’économie des sons et donner à chaque ‘son’ une forme et qui avait créé cet utile instrument de communication qu’est l’alphabet… facteur de la civilisation.
Ce n’est pas l’histoire de ce pays ni de ce grand peuple qui m’intéresse maintenant….
Mais l’histoire d’un homme, d’un ami, dans l’espace et le temps bien définis.
Ce pays ou cette nation fut toujours gouverné par ses propres fils, qui grâce à leur génie des échanges conquirent le monde… Il y eut toujours c’est vrai des conflits, des drames, des injustices ; mais ce peuple sût les surmonter avec amour et courage.
Depuis la préhistoire… nous existions… et jusqu’au début des temps historiques et de la civilisation, nous avons eu notre grand rôle et notre mot.
Nous avons eu toujours une élite de choix pour nous gouverner. De la loi patriarcale… à celle tribale… nous avons inventé l’arc et les flèches pour la chasse et la pourpre pour l’apparat.
…Chaque région eut son roi ou sa reine, son Dieu ou sa Déesse, ses sanctuaires…
Nous vîmes venir du nord, Grecs, Romains… semant la connaissance et la culture puis de l’Est, le Perse, les Babyloniens… leur sagesse, et leur philosophie… puis du sud, le sable du désert agent érosif excellent pour tout effacer et faire place aux religions monothéistes.
… et le Liban continua d’exister, sous toutes les occupations nous avons su résister, nous gouverner, nous entraider nous sacrifier ou mourir…
Vint le temps des émirs qui étaient des pères de la nation, et le temps des patriarches nos chefs héroïques…
Les comploteurs étaient aussi toujours présents et intriguaient dans l’ombre…
Vint enfin ce qu’on appela l’indépendance et un chapelet de présidents jusqu’au jour où les forces du mal s’incarnèrent en l’Etat sœur et de nouveau, le sanglier enfonça ses dents dans la poitrine d’Adonis et se déchaîna contre ce grand peuple innocent…
Le martyre dura assez longtemps. Le complot était bien chronométré, préparé afin d’en finir avec cette fleur humaine, ce peuple héros.
En vain, malgré les milliers d’assassinats, de meurtres etc… la résistance fut de plus en plus grande.
De tous les côtés, nous étions agressés par les descendants d’Abraham, les fils d’Isaac et ceux d’Ismaël et cela sous l’emblème de la fraternité.
Nous fûmes pris dans l’engrenage de la lutte atroce des frères, des cousins ennemis… ce ne fut pas la lutte de l’ange avec Jacob.
Ce n’est pas la lutte de Michel l’archange avec Satan… c’est une lutte qui ressemble à celle de Caïn avec son frère Abel. Vous comprenez Abel c’est nous.
Reçus en hôtes, en frères, en amis à bras ouverts… soi-disant nos frères…
Ils aiguisèrent dans l’ombre de la traîtrise toutes leurs rancunes, et leurs haines, etc…
Et se déchaînèrent sur l’Unique fief des dieux. Le Palestinien n’aurait jamais dû porter une arme au Liban. Au Liban, c’est le verbe, la parole… qui font la force.
C’est l’amour, la liberté, l’humanisme. Ils ne devaient porter les armes autre part qu’en Palestine.
Je ne nie pas le droit d’un peuple chassé et martyrisé… leurs cousins ceux d’Isaac ne sont pas à envier : ils sont de la même pâte. Ce domaine de ‘Il’ que la Providence protège, ses communautés, ses fils, … ce domaine fut un terrain de chasse de toutes les nations.
Ils on versé tous leurs arsenaux, leurs terroristes, leurs criminels, et sans pitié, ils ont semé la mort partout sans distinction de confessions, bébés, enfants, femmes, vieillards, mères etc… furent tués gratuitement sans savoir pourquoi. Le comment oui : attentats, voitures piégées, bombardements par les ‘sangliers’ de toutes couleurs et nationalités, même ceux du nouveau monde, tirs, enlèvements, génocides, etc…
Je laisserai aux honnêtes et compétents historiens de relater ses années de guerres aux générations futures.
Je disais plus haut que le récit suivant parle de mon amitié envers un être que j’ai connu. Nous nous sommes aimés, et je veux décrire l’évènement de cette amitié.
L’amitié, dictée par le Créateur lui-même, pour quelles raisons deux êtres deviennent-ils des amis ? et pas d’autres ?
Pourquoi ces deux âmes sœurs se sont-elles rencontrées dans cette existence ? Toutes les âmes sont issues de Dieu, le même, quelles que soient les nationalités. J’ai des amis du désert, du nord, du Liban, des quatre points cardinaux. L’amitié est universelle, c’est la mondialisation interprétée avec amour, c’est l’élimination des frontières, toutes les frontières matérielles et spirituelles. C’est l’aventure vers la fraternité qui suppose liberté, égalité.
L’amitié est un attachement à une autre personne, à un peuple… un lien désintéressé, sans avoir une parenté ou un quelconque intérêt.
On aime une personne pour ses valeurs, sa fidélité, sa compréhension…
Un être humain n’est pas un plat de salade qu’on aime déguster ou un fruit à dévorer, ou une bourse qu’on souhaite vider dans nos poches, ou un désir exotique…
L’être humain n’est pas un Dieu qu’on adore ou un saint qu’on vénère.
Le niveau purement humain de l’amitié fait sa beauté et dégage ses horizons.
…C’était, je crois un peu avant les événements ou à leur début.
Il était ministre, député du Liban Nord, et leader dans son fief. Il était ministre de l’Education Nationale à l’époque, je ne sais dans quel gouvernement.
J’étais à Beyrouth avec mon ami Souheil qui me demanda de l’accompagner au dit ministère pour quelques minutes; je sus, au courant de la conversation, que Souheil était l’un de ses conseillers. Arrivés à l’Unesco, les portes s’ouvrirent devant nous et nous fûmes dans le bureau du ministre René Mawad, qui nous reçut chaleureusement. Ce fut notre première rencontre.
Présentation faite, il nous demande de nous asseoir.
Il était de petite taille, calme, souriant, son gros nez aquilin typique, ses yeux enfoncés dans leur orbite, ses lèvres marquées par les sillons à leur bord, couleur brune,ses gestes laissaient l’expression d’une certaine timidité. Accueillant, sachant d’avance ce qu’il voulait ne se laissait pas emporter par la fougue des dialogues. Il aimait résumer, simplifier, aller droit au but. Un être débordant de bonté, d’humanisme, un être qui ignorait l’agressivité, la colère ; il ne nuisait à personne. Pourtant, derrière ses traits de douceurs, il avait une volonté de fer, la patience, la diplomatie qui lui permettaient d’arriver à son but. Je l’observais encore s’entretenant avec Souheil, traitant de problèmes concernant le personnel du ministère, des enseignants, des programmes…
Bref, je ne faisais pas attention à l’entretien. J’observais ce qu’il y avait comme œuvres d’art dans le bureau du ministre comme peintures et sculptures et de quels artistes elles étaient signées. Le ministère de l’Education Nationale (celui de la culture n’existait pas encore) avait un budget pour acquérir des œuvres. On achetait bien sûr des œuvres très valables et d’autres de la camelote – et il y avait des intrigues entre fonctionnaires et peintres). Cela ne m’a jamais dérangé et jamais je n’ai pensé vendre des œuvres aux ministères, malgré l’acquisition de l’Etat de certaines de mes peintures éparpillées entre certains ministères et Institutions.
Le temps est venu pour que son Excellence s’occupe de moi, en m’adressant une question : « quand verrai-je une de tes œuvres en mon bureau ? tu es le bien venu et je serais très heureux de bavarder avec toi ; passe le matin que tu voudras chez moi, à la maison à Hazmieh, tu seras le bien venu et je te montrerai ce que j’ai à la maison. »
Pour dire la vérité, je ne me souviens pas de la conversation que l’on a entretenue à trois… et le défilé des gens, des supporters, des demandeurs de formalités, de faveurs ou d’affaires… il devait satisfaire toutes les demandes…
La conception que l’on a du député de la nation est la suivante : il doit rendre des services personnels assister aux enterrements, mariages, baptêmes, il doit être un bureau de relations publiques pour placer des chômeurs, des bonnes, des employés, il doit exercer des pistons, relever et sanctionner les infractions, libérer les criminels des prisons, aider dans les concours d’admissions, faire passer des doublards de classes, aider à obtenir une ligne téléphonique, un numéro de voiture à quatre chiffres, etc… délivrer des permis de construire illégaux etc… sinon les électeurs ne le soutiennent plus.
C’est triste ; quant à la nation, point de souci! Il s’agit d’intérêts personnels, peu d’élus comprenaient leur vraie mission qui est le salut de la nation. Comment gérer le pays, les lois, pour assurer un meilleur niveau aux citoyens etc… Dans n’importe quelle encyclopédie de droit, vous lisez clairement ce qu’est un élu, ses devoirs envers la nation etc….
René Bey, son Excellence arrivait à un certain point de joindre les deux buts, vivre son ‘métier’ de député honnêtement, et satisfaire dans les mesures du possible les demandes et exigences de ses partisans. Je rentrai donc à Jounieh très satisfait de cette nouvelle connaissance et le sans façon perçu entre Souheil et le ministre et de l’intérêt qu’il m’accorda, de l’accueil et de l’invitation de René Bey. A Hazmieh, j’ai plein d’amis et quelquefois dans le même immeuble, j’en avais deux ou trois: dans les cinq ou six immeubles qui entourent la maison de René Bey, j’avais des amis et des élèves : les Daher, les Mur, les Badaro, les Hélou (ami intime de René Bey), les Freiha, les Rizk etc…
Un beau matin, j’arrivai vers 6h 30 chez le ministre ; la cuisinière m’ouvrit. René Bey était vêtu d’une Abaya ; il était assis au salon, un tas de papiers autour de lui, trois appareils téléphoniques pour répondre aux intervenants… une tisane qu’il savourait lentement. Il était calme, souriant, pas pressé du tout. Il se leva, il était très heureux de ma visite, me commanda un café etc… je sentis qu’il était au Paradis…
– J’espère que je ne suis pas arrivé tôt, je suis comme les Anglais, je n’aime pas déranger mes amis dans leur tranquillité et intimité (c’est vrai, les Anglais entre eux respectent la vie et le programme d’autrui ; mais au niveau de la planète, ils gênent, se mêlent et intriguent partout dans le monde).
– Mais non ! Viens me voir tous les matins si tu veux, tu me tiendras compagnie, je suis assis au salon dès cinq heures du matin à étudier des dossiers et assurer des services et des recommandations. Tiens ! demande ce numéro sur cet appareil…
Quant à lui, il en occupait un autre.
– c’est fait. Excellence, l’appel est obtenu ?
De l’écouter dire : Colonel, mon cher Michel, ce sont des pauvres gens, démunis voyons qu’est ce qu’on peut faire, etc… j’ai compris qu’il sollicitait une aide de l’armée pour une pauvre famille etc…
Un autre numéro à l’ambassade de France pour un visa à des étudiants, ou pour la Croix-rouge, une urgence, ou la sécurité générale afin de prendre un malade directement de l’avion car ce dernier vient d’Amérique et a perdu un œil par accident, une route pour tel village etc… il passait tous les matins deux ou trois heures pour des services à des gens de toutes confessions et de partout, sans discrimination. Je parle là de la première visite…
– et où habites-tu ?
– je suis entre Eddé, Jounieh et Beyrouth. C’est mon circuit de tous les jours.
Et un long questionnaire sur ma situation, la famille, les enfants, les amis etc…
– et la peinture, et tes œuvres ? et tes amitiés entre les peintres ?
Je me demandais ce qu’il avait dans la tête, ce qu’il voulait vraiment.
D’habitude mes visites étaient courtes comme les curés de paroisses qui passent très rapidement bénissant les maisons à l’eau bénite et empochant la ‘dîme’ qu’on leur donne afin de faire le plus grand nombre de maisons possibles au début de chaque année à l’Epiphanie.
Mes visites ne dépassaient pas les 3 à 4 minutes quelque fois deux, et chaque fois, je me levais pour m’en aller, il me priait de rester encore et qu’il ne quittait pas la maison avant huit heures, et que Mme Neyla, l’ex-journaliste de qui j’avais demandé les nouvelles, ne se réveillait pas avant dix heures ; elle aimait les grasses matinées.
Enfin j’ai compris l’objet de la visite. Il me raconta qu’il avait des œuvres de Omar Onsi, de Saliba Douwaihy, de Abboud, etc… de je ne sais plus qui, et qu’il aurait aimer avoir une plus grande collection de peintres libanais, et qu’il serait très reconnaissant chaque fois que l’occasion se présenterait de lui acquérir une nouvelle œuvre etc…
Les Onsi, j’ai parmi les héritiers des amis ; Wehbé était encore vivant. Corm, son fils Georges, lui-même cherchait des œuvres de son père et son grand-père David pour les rassembler en un futur musée etc… nous sommes entrés dans l’univers de l’art libanais, citions des noms à droite et à gauche etc… A cette époque, il y avait déjà plusieurs personnes qui collectionnaient des œuvres d’art. Les unes très riches et qui ont toutes les possibilités, les autres par amour de la culture et des Beaux Arts mais dont les pouvoirs d’achat étaient assez limités etc…
Les uns comme Charles Malek qui ne collectionnait que des artistes Libanais, et dont le salon était consacré entièrement aux œuvres d’Onsi ; d’autres, certaines banques, sociétés etc…des achats massifs de peintures, sculptures, tapis, afin de dire que dans leurs coffres ils possédaient une grande richesse…
En le quittant, il insista pour que je passe souvent le voir et que je lui achète le plus tôt possible une aquarelle du peintre Onsi.
A peine une semaine s’était écoulée, on me dit à la maison que le ministre Mouawad m’avait téléphoné et que je devais le contacter. Je ne l’ai pas fait. Le lendemain, j’ai été chez Mansour Onsi, l’un des neveux de Omar, j’ai choisi une aquarelle de 50×35, un paysage en longueur; j’ai dit à Mansour que cette œuvre était pour une personne très chère et à qui je voulais rendre service. Mansour, qui m’estimait beaucoup vu mon amitié pour son oncle Omar, m’a dit que cette dimension était à 11000L.L. et que je pouvais payer ce que je voulais. « 7000L.L., je lui ai dit ». « Le lendemain, très tôt le matin, car mes visites sont matinales, je suis arrivé à Hazmieh à 6h. chez René Bey. Il était assis au même endroit, avec ses dossiers et téléphones… « Voilà, lui ai-je dit, regarde quelle belle aquarelle ! » il l’a observée un moment, j’ai vu qu’il était satisfait ;
– je l’enverrai à Paris pour l’encadrer ! »
(car il avait un encadreur à Paris qui lui faisait son travail ).
– et le prix ?
– elle vaut 11000L.L. (à l’époque, cela faisait environs 4000$) j’ai pu l’avoir à 7000L.L.
René Bey aimait marchander, mais moi je ne suis pas un marchand.
– je veux la payer 5000L.L. seulement ; débrouille toi !
– mais tu me fais perdre 2000L.L. (la mensualité de deux mois à l’époque. J’avais payé 7000, j’étais ramené à 5000LL. Quelle affaire ! si c’est là le début, j’arrête !)
Quelques jours passèrent, René Bey me téléphone : « J’ai un cadeau à faire à un Médecin propriétaire d’un hôpital ; je désire une autre œuvre de Onsi. »
– Que Mme Nayla m’accompagne et qu’elle choisisse ce qu’il lui plaira.
Rendez-vous donné vers midi. A une heure nous étions chez les Onsi. Mme Nayla ex-journaliste femme de culture et qui avait connu Omar, a été séduite en voyant de si belles œuvres pour les montrer à son époux et dit qu’elle en prendra trois. Quand au prix, c’était 11000LL. Mais pour faire plaisir à notre ami Joseph, pour cette fois seulement, nous descendons de deux, c’est-à-dire 9000LL. Accord conclu, une œuvre fut offerte au médecin et les deux autres rendues.
René Bey voyait que j’avais été lésé, et ne savait quoi faire pour me dédommager, car j’avais refusé net d’être remboursé.
A partir de ce moment notre amitié a vu la lumière et ce que je lui disais devenait sacro-saint, mais il laissait toujours le dernier mot à son épouse Mme Nayla … « je suis d’accord mais que Mme Nayla donne son avis, » etc.
La personnalité du ministre, de chef, etc… disparaissait quand nous étions ensemble, deux êtres humains dialoguaient, se comprenaient mutuellement.
– Mme Nayla a vu dans telle galerie une œuvre de untel ; va la voir et décide si elle est valable pour l’acquérir.
– je t’ai pris un rendez-vous avec l’ex-président Sarkis dans sa maison ; il désire te montrer sa collection et dis-moi ce que tu en penses.
J’ai été chez l’ex-président Elias Sarkis, j’ai senti qu’il était très fatigué ou malade, il m’a très bien accueilli et j’ai vu ce qu’il avait de ‘choix’, de belles œuvres, de beaux tapis, meubles, excellente présentation, une belle ambiance ; mais la froideur dominait le lieu ; une maison sans enfants est une maison vide et j’ai senti là dans quelle solitude et isolement vivait le président Sarkis.
Un ancien bâtonnier de l’ordre des avocats avait quatre ou cinq œuvres de Saliba Doueihy et d’Omar Onsi: « va les voir et si possible les acquérir ». L’ancien bâtonnier était très vieux, malade et avait besoin d’argent ; j’ai vu sa fille, son épouse et son fils, à la maison et j’ai acheté les œuvres à un prix qui a satisfait le vendeur et l’acheteur. Il était heureux et fier de posséder dans sa collection des pièces nouvelles très valables- des pièces de musées- et moi aussi j’étais satisfait de pouvoir localiser de pareilles œuvres qui plus tard orneront soit un musée, une fondation, un palais etc…
Chez untel, ex-journaliste il y avait une ou deux œuvres de Saliba Doueihy, il essaie de les acquérir. Je les prendrai avec moi à Paris pour les faire signer car elles étaient sans signature et m’assurer de leur authenticité.
Tel artiste aquarelliste anglais avait peint des intérieurs de bistrot, des chaises, tables etc… à Mme Neyla a plu telle œuvre ; il expose actuellement dans telle galerie.
Tel député, (dont l’épouse décédée collectionnait des œuvres des lithos etc…partout dans le monde et dont le fils fut plus tard un ministre) avait des œuvres de Farroukhs, de Khalil Zaghaile peintre naïf)…
– L’oncle maternel du général Michel Aoun allait quitter le Liban pour l’Amérique et possédait 4 ou 5 aquarelles et une peintures d’Omar Onsi et désirait les vendre…
L’après midi du même jour, voilà qu’il arrive chez moi à Jounieh me demandant de l’accompagner chez l’oncle du général en question. J’ai dit plus haut que René bey aimait marchander et Maroun Aoun tenait sa parole. Il demanda à l’époque 100,000L.L. ce qui faisait à peu près 20,000$ pour les 4 ou 5 aquarelles. René bey lui proposa 90,000L.L. le refus fut net. Le lendemain René bey me téléphona de chercher à les obtenir à 95,000L.L. sinon à 100,000L.L. car c’étaient de belles œuvres ; affaire conclue; la collection de mon ami grandissait en variété et qualité.
J’arrive un jour chez lui, je vois deux peintures de Rachid Wehbé exposées par terre contre le mur : « qu’en dis-tu, m’a-t-il demandé.» Excellente affaire, je connaissais ces œuvres, quelqu’un les lui avait procurées. Il me demanda un jour de l’accompagner chez les Onsi. Je fus aussi chez Mansour. Il avait vu beaucoup d’œuvres. Il fut impressionné par la cueillette des olives. Une peinture de 80×100 très belle et très bien conservée… il voulait l’acquérir, je lui dis que les Onsi pour une œuvre pareille demanderont plus de $ 100,000. Il me demanda deux ou trois jours après cette visite d’essayer d’avoir cette œuvre, « tiens c’est un chèque signé, tu commences par $ 50,000 » et fais de ton mieux pour avoir cette œuvre à un prix abordable. Je retournai chez Mansour, en vain, je téléphonai à René bey de chez les Onsi ; il me dit aller jusqu’à $ 75,000, je me heurtai au refus car Mansour voulait garder cette œuvre de son oncle pour lui.
L’œuvre est toujours exposée au salon des Onsi, à la même place. Il me demanda un jour de l’accompagner de côté de Gemayzeh où il possédait un ancien appartement et où il avait déposé une peinture du 17ème ou 18ème siècle assez grande 1.40×1.50 cm et qu’il souhaitait rentoiler et restaurer ; il me demande si je connais un bon restaurateur pour l’engager. Je contactai un ancien élève qui faisait de la restauration, mais il s’excusa comme quoi, pour le moment il n’avait pas le châssis métallique de cette grandeur pour tirer et fixer la toile en question.
Il aimait mes paysages ; il me demanda de passer voir sa maison à Ehden pour en faire une composition. J’y fus et réalisai quelques études et aquarelles.
C’était une personne qui avait un excès de zèle pour ses amis et les personnes qu’il aimait. Il me demandait souvent si j’avais la moindre gêne ou difficulté matérielle, « amène moi quelques aquarelles ; je désire les montrer à M. tel ou tel… ». Et il me vendait souvent des œuvres.
Et c’est lui qui m’a obtenu une ligne téléphonique durant les années 70 pour Eddé, car les orbitaux n’existaient pas à l’époque et les quelques lignes qu’il y avait étaient impossibles à obtenir vu le grand nombre de demandes.
Quand il voulait voyager, à Paris surtout et une fois au Brésil pour rencontrer des parents, il me le disait et m’annonçait son retour. Il me racontait qu’il avait rencontré le Amid Raymond Eddé, et qu’ils avaient dîné ensemble et que celui-ci me saluait.
Je lui répondais : « Excellence, moi, je vous aime bien, mais en politique, je soutiens, et je suis avec Raymond Eddé… » et de me répondre que moi aussi je suis avec Raymond Eddé, et c’était vrai car il admirait les positions, et l’attitude du Amid.
…Voyant Michel son fils, tout jeune encore jouant avec ‘l’Atari’ jeux d’ordinateur, il se plaignait, que de perte de temps toute la journée… Il me demandait des missions quelquefois impossibles me prenant pour 007 ou superman. Il me dit un jour que le président Rachid Karamé avait beaucoup aimé une œuvre de César Gemayel : « des mimosas jaunes » (on venait à l’époque de publier un livre sur César Gemayel), je connaissais l’œuvre, car dans le temps j’avais fais un rapport de plusieurs pages sur toute l’œuvre de Gemayel dans son atelier du côté de Bikfaya et ses fleurs jaunes étaient en la possession de Amine Gemayel.
Le temps passait, les événements se succédaient de mal en pire. Michel Aoun tenait le pays maintenant; ce courageux brigadier se battait contre les Syriens. René bey me téléphone à Eddé m’annonçant qu’il s’en allait à Taëf en Arabie Saoudite et qu’il m’avait envoyé une ancienne toile à restaurer et rentoiler. L’après-midi, l’œuvre était chez moi, et j’ai commencé à exécuter ce travail le jour même. Nous étions en novembre. Au retour de Taëf, il était déjà Président. Il me téléphona, je l’ai félicité et lui ai souhaité bonne chance; il m’annonça qu’il allait envoyer ce soir même une voiture pour transporter cette toile à Ehden. Ce fut fait, deux heures à peine écoulées, voici deux de ces gardes que je connaissais qui arrivent et transportent l’œuvre dans une voiture. A peine deux ou trois jours passèrent et ce fut la tragédie, le martyre, le meurtre de mon si distingué ami, au grand cœur, à l’âme d’enfant.
Toutes les stations ont diffusé la triste nouvelle, j’étais affolé. Pauvre René bey ! il ne méritait pas cette fin tragique.
Et voulant servir le Liban, sa nation chérie, voilà que la mort l’attendait le guettant… les comploteurs sont habiles et intelligents, et d’excellents techniciens dans le terrorisme. De lugubres et tristes journées débutèrent entre Ehden et Beyrouth. Des funérailles officielles. Les représentants de la nation y étaient.
…et depuis, pas une journée ne passe sans penser à mon ami Président.
Quant à Souheil, on me téléphona m’annonçant la mort de son père; j’allais aux condoléances. Je savais que Souheil accompagnait le Président partout, et ce jour du 22 novembre, il était en compagnie de René bey, dans sa voiture, voulant se diriger à Beyrouth pour les cérémonies de l’indépendance. Il m’annonça qu’il l’avait échappé belle et que, au moment de démarrer, il était dans la voiture présidentielle, on lui téléphona l’informant que son père était hospitalisé et dans le coma. Au lieu d’accompagner le président et subir le même sort, la mort de son père l’avait sauvé… j’y vois la Providence.
Que de souvenirs passent par mon esprit ! Que de chagrins!
A Ehden-Zgharta qui sont jumelles, Ehden pour l’été, et Zgharta pour l’hiver… Ehden, où on trouve par dizaines restaurants, snacks, cafés etc… bien aménagés, soit près d’une source à l’eau froide et fraîche soit sous les arbres géants, etc…
Et le grand nombre de boucheries où l’on dépèce avec soin des chèvres, et où la viande est toujours fraîche, qu’on mange crue ou en Kebbé, ou grillée etc.. des caisses de fruits, de légumes de toutes sortes sont exposées. Des gens en permanence sont rassemblés devant l’église et à côté du monument de Youssef Karam, ce grand héros, nationaliste et courageux. A Ehden, les femmes broient le Kebbé dans les mortiers en pierre dure; le spectacle est des plus beaux.
Quant à l’enterrement dans le village, le défunt appartient à tous les habitants, c’est-à-dire que le deuil dure plusieurs jours ; on arrête de travailler, tout le monde pleure, tout le monde est en noir, chacun est concerné ; la tristesse s’abat sur tout le monde ; les travaux sont paralysés ; le timbre des cloches est funèbre ; … les hommes sont tous rassemblés dans un salon ; quant aux femmes, les pleureuses, elles sont là autour de la dépouille à verser des larmes et se lamenter… et la tradition veut que le deuil persiste premièrement une semaine ; et le dimanche qui suit, c’est une messe, puis une prière sur le tombeau…
Le deuil se poursuit alors quarante jours ; on célèbre alors une messe de requiem et les mœurs veulent que toute la famille se réunisse autour d’une table… cela rappelle la cène, n’est ce pas. Et en osant une comparaison entre deuil et fermentation du vin, voilà que pour le vin, on presse les grappes regorgeant de soleil et on laisse le ‘moût’ fermenter une semaine ou huit jours ; c’est une première fermentation ; on transvase le liquide, on l’aère et on le laisse fermenter durant quarante à soixante jours pour une autre fermentation ; puis on laisse le nectar précieux dans la froideur et l’obscurité ( qui rappelle le tombeau) un an, deux ans de vieillissement, etc..)
Après le requiem des quarante jours les parents ‘éloignés’ se libèrent… et les plus proches continuent leur deuil pour toute une année et de la sorte la vie reprend, les souvenirs restent mais s’estompent… et les anciens laissent la place aux jeunes et la vie continue…
Novembre, en plein automne, lorsque les feuilles mûrissent et commencent à changer de couleurs plus chaudes, vers le 22 novembre quand le vent souffle annonçant le froid de l’hiver, quand les grappes sont pressées, et les fruits cueillis et emmagasinés dans les frigos, et les estivants sont de retour dans les villes, et les oiseaux migrateurs partent chercher d’autres horizons, d’autres climats, la Nativité du Seigneur commence à se préparer ; le 22 novembre, on commence à décorer les rues, les vitrines, les places etc… pour la grande Fête terrestre, la Nativité. Etc….
Je me souviens de mon ami ce Président au sourire si aimable au regard d’enfant, à l’esprit éternellement jeune.
Joseph Matar
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