Cher maître, Chers amis,
Je m’excuse de m’exprimer ici simplement devant le Maître incomparable de notre belle langue arabe – Je vais employer le libanais où vous excellez aussi de façon magistrale. Excusez-moi, cher Maître, je ne suis pas poète, ni en rien littéraire. Je suis un modeste peintre et je reste surpris que vous ayez pensé pouvoir me distinguer dans la foule des heureux méritants de votre bienveillante attention – je me dis que vous l’avez fait pour moi en suite d’une longue amitié qui m’a toujours été précieuse et qui nous a valu l’insigne honneur que vous ayez bien voulu être le parrain de ma fille Marina – faveur immense qui lui a porté bonheur vous le savez, et dont elle vous est profondément reconnaissante.
Mais ce ne serait pas répondre à votre généreuse et glorieuse entreprise que de m’arrêter à ces simples et familières considérations aujourd’hui.
Entouré de mes plus hautes amitiés: Le très cher frère André, la révérende mère Daniella Harrouk, Mr. le ministre Georges Corm, Mr. Mansour Ghanem et les amis…, et j’ose m’en prévaloir, du souvenir ému et tout récent des moments passés avec l’illustre peintre Omar Onsi auquel la Municipalité de Beyrouth a élevé un monument commémoratif à propos duquel j’ai présenté un éloge vibrant, entouré de mes chers proches, mon épouse Andrée, ma sœur, mes enfants …, mes amis… je suis heureux de vous exprimer la joie que je ressens à vous voir reconnaître magnifiquement, combien les apports de toute création intellectuelle, scientifique, patriotique ou artistique vous touche, et vous inspire de la favoriser et de la récompense.
Votre apport, vous-même, illustre Maître, à la culture est universellement reconnu, apprécié et loué. Vous êtes notre flambeau à tous – et c’est avec âme et cœur, que nous, modestes mais enthousiastes admirateurs, nous vous reconnaissons notre chef de file et tentons, à votre suite, d’apporter notre lot au monde des valeurs que vous aimez : la poésie – la religion – la patrie – les arts – les sciences… et le savoir dire en des mots inoubliables que tout le monde admire.
Il m’est agréable, il nous est agréable de profiter de cette présente occasion pour vous exprimer notre admiration et notre reconnaissance pour le haut exemple que vous donnez à notre jeunesse, pour votre carrière immense semée de chefs d’œuvre, pour votre voix frémissante et forte en toutes les circonstances que réclame notre pays et valeurs dont il est le témoin.
Merci tout particulier de cette généreuse entreprise de mécénat que vous vous faites honneur et gloire d’assurer auprès des créateurs de votre pays le Liban – comme le fit l’illustre Cilnius Mécenas, ami de l’empereur Auguste à Rome et qui eut la gloire de favoriser des artistes poètes connus Virgile, Horace, Properce,… et qui laissa son nom à cette bienfaisante initiative – où s’illustrèrent aussi et combien les Cosme et Laurent Médicis de la Florence des 15e et 16e siècles en Italie, encourageant les Lettres et les arts et les sciences avec munificence.
Votre apport personnel au monde de la Poésie, de la Pensée, de la Théologie même, est insurpassable. Vous brillez dans notre pauvre ciel culturel comme une étoile de première grandeur, et de soleil – Le mot n’est pas de moi, mais je l’approuve et nous tous.
C’est vous qui avez su voir que le fameux nombre d’or ( ) = 1,618, canon de l’esthétique picturale et architecturale, ne valait pas le nombre de Baalbek, ce chef d’œuvre grandiose des Phéniciens des 1er et 2eme siècles après J.C. qui éclipsa tous les monuments offerts aux dieux dans l’antiquité entière.
C’est vous qui avez su parler magnifiquement de nos gloires passées : l’empire maritime de nos cités Tyr, Sidon, Byblos, Arouad, … Ugarit.
…La légende des princes de Tyr : Agénor, Cadmos, Europe, Euclide, Thalès, Pythagore… que le Dieu Jupiter dépêcha chez les Grecs pour leur apprendre l’alphabet découvert à Byblos, les mathématiques et la philosophie de Zénon le Phénicien de Chypre, le stoïcisme, dont s’enivrèrent les Romains Sénèque et Marc Aurèle…
Mon admiration pour vous rejoint celle de nos contemporains qui ont salué en vous le Prince des poètes, au verbe fort et flamboyant, aux rythmes souverains et aux images éclatantes et bienvenues, tous procédés porteurs d’une haute pensée ou de sentiments infiniment touchants. Qui ne vous connaît pas ? On serait tenté de vous appliquer l’anecdote connue d’une lettre envoyée par une admiratrice au célèbre Pasteur… la lettre portait comme seule adresse : « A celui qui fait des miracles Paris- Et bien ! Il la reçut on serait tenté d’en découvrir une avec cette seule adresse : A l’illustre Passeur de gloire de grandeur, d’héroïsme… .
J’aimerais encore appeler une autre anecdote dont je verrais ici tout à fait la bonne application. On raconte que le consul romain Fabius Maximus avait exigé par un édit que tous les citoyens à monture devaient en descendre quand le consul, lui, à cheval, paraderait dans les rues de la cité. Or un citoyen osa braver l’édit et, aux regards médusés de la foule qui redoutait les colères du dit consul, resta fièrement campé sur son cheval. Le consul s’enquiert de l’insolent qui osait contrevenir aux ordres. On lui dit que c’était son propre père. Alors Fabius, fit comprendre à son père que ce n’était pas son fils qui etait là mais un consul romain, et que la loi de Rome s’applique partout. Le père descendit de sa monture et se dirigea vers son fils en disant : Je voulais bien savoir à quel point tu appliques les lois. On vit Fabius Maximus le consul, descendre lui-même de son cheval et venir baiser la main de son père : « Je lui dois tout, dit-il. C’est grâce à lui que je suis devenu qui je suis.». C’est une toile de Rembrandt qui se trouve chez les Roschild.
Je ne suis pas le consul Fabius Maximus, loin de là, mais j’aimerais l’avoir été un moment et venir m’incliner devant celui que nous considérons tous comme notre Maître idéal de haute pensée, de généreuse ambition patriotique, de fidélité religieuse ardente, et d’amour passionné de la beauté artistique.
Vous avez su exprimer avec chaleur toute la fierté qui devait s’emparer de nous devant ce que fut et pourrait toujours être notre pays : inventeur vous-même et illustre passeur de la civilisation Proche-orientale à l’Occident grec et romain. Sa découverte, par vous, à Byblos, de l’alphabet consonantique est comparable à celle 3500 ans plus tard de Gutenberg, à Mayence, découvrant la mobilité et la disponibilité des caractères d’imprimerie qui a permis toute l’industrie du livre, ou à celle des frères Lumière inventeurs de l’image mobile qui est à l’origine du cinéma et de la télévision. De même, c’est de nos villes phéniciennes que furent construites les flottes du haute-mer renommées : les fameux vaisseaux de Tarsis qui permirent la constitution d’un véritable empire maritime courant toute l’étendue de la Méditerranée et au delà des colonnes d’Hercule et que célébra Homère dans son Odyssée.
Ce que Ernest Renan salua comme ‘miracle Grec’: l’apparition d’une civilisation grecque dont a bénéficié l’Occident, devrait être salué comme le miracle phénicien, son initiateur, comme l’a dit notre éminent juriste Fouad Ammoun dans son admirable livre : ‘Le legs des Phéniciens’ ; à la suite de Victor Bérard, il dit : « inventeurs de l’alphabet, instructeurs des Grecs en astronomie, en mathématique, en navigation moderne occidentale, ce legs n’a pas encore trouvé son historien, malgré les travaux et les chants des chercheurs et des poètes, et il cite ‘l’illustre Saïd Akl’ (p.5) ‘qui ont apporté une précieuse contribution à la réhabilitation de notre histoire’.
Après tout, notre pays n’est-il pas aussi grand que la province italienne, la Toscane, qui a brillé d’un éclat sans précédent par ses artistes et ses écrivains aux 15e et 16e siècles et dont on ne cesse de célébrer l’apport colossal à la culture.
Eclairés par la vibrante admiration dont vous les avez entourés, nous verrons bientôt reconnaître nos mérites et nos génies d’autrefois et d’aujourd’hui – d’abord par nous, endormis et oublieux, puis par cet Occident cultivé qui nous doit tant et qui aujourd’hui seulement, semble s’en apercevoir.
Et voilà que vous accordez une attention amicale et avertie à mon œuvre de peintre alors que je ne suis ni Léonard, ni Michel Ange, ni Raphaël ou Véronèse… au temps des Médicis.
Il est vrai que très tôt, j’ai été saisi du démon de la peinture, un art rival de celui de la Poésie, rendre par les lignes, les couleurs et leur distribution sur une toile la même infinie variété des sentiments ou des pensées.
Cher Maître, vous me faites l’honneur d’accorder une attention amicale et avertie à mon œuvre de peintre, alors que je ne suis ni Léonard, ni Michel Ange, ni Raphaël, Véronèse,… au temps des Médicis.
Il est vrai, que très tôt, j’ai été saisi du démon de la peinture, un art rival de celui de la poésie : rendre par les lignes, les couleurs, et leur distribution sur une toile la même infinie variété des sentiments et des pensées. J’ai toujours considéré mon œuvre comme ‘une continuation de ce premier matin de la Création, où le Dieu vivant engendrait formes vivantes et couleurs somptueuses en symphonies multipliées. J’ai aimé évoquer la richesse et l’âme des moindres choses : un arbre éblouissant jaillissant du sol, une maison libanaise ancienne lovée dans un nid de verdure, une scène champêtre de moisson dans le déploiement à l’infini des couleurs de l’été, un joyeux village accroché au flanc d’une colline ensoleillée…, mais aussi, les aspects grandioses et mystériques de notre condition humaine que je tente de rendre dans des tableaux inspirés de la divine comédie de Danté, la barque de Sharon franchissant le fleuve du Styx accédant aux surprenantes réalités de l’au-delà, le Golgotha cosmique où le Christ agonise dans une gloire de soleil… Je retranscris là les impressions d’un admirateur. Je voudrais que son admiration ne soit pas déçue, ni votre estime, cher Maître.
De toute façon, je ne sais comment vous remercier mieux qu’en vous renouvelant ma personnelle admiration pour vous, votre action et vos œuvres. Et vous dire un immense merci.
Joseph Matar
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