De Annaya au Paradis
Composée en souvenir de Philippe
Fin Juillet, et vive canicule : sous la forte chaleur,
Un vent frais apportant avec lui quelque peu de fraîcheur
De Byblos, à Annaya se préparait la fastueuse cérémonie
Tout le ciel étoilé, cette nuit, à la terre paraissait unie.
Le champ du ciel semé d’étoiles… du divin moissonneur,
Répandait ses lumières dorées en toute splendeur.
Elle et lui s’unissaient pour la vie, acte sacramentel
Bénis du Dieu d’amour, mystérieux et éternel.
Pour cette nuit de noce, attendue, préparée toute l’année
La terre et le ciel, ensemble conspirés, à la fête se joignaient.
Sous la voûte céleste, des flûtes magiques
Enchantaient les enfants avides de légendes féériques.
Recueillement, prières, musique… et cantiques
Les invités étaient saisis par cette ambiance poétique
Le maître de la fête s’était dépensé là en grand
Aménageant les lieux, ordonnant les détails savamment
C’était sa benjamine, la plus choyée du nid familial
Tout faste déployé, on se croyait dans une cour royale.
Près d’Annaya, le paradis n’eût plus été qu’une copie
Tout était joie, bonheur, gaîté… et vive mélodie
Venus des quatre coins du monde, des parents, des amis des conviés
Près de Rosie et de Paul, généreux souriants et enviés.
La foule était nombreuse, l’ambiance unique et la joie débordante
L’émotion était grande sous le regard de la lune croissante
Les signes du zodiaque, … les secrets des étoiles
C’était écrit sur les pages du ciel où tant de mystères se voilent.
Dayana souriante s’avançait sobre et digne toute blancheur
Face à l’ermite Charbel notre saint et protecteur
Les enfants joyeux s’amusent, jouent, sautent et chantent
Pour la fête de l’amour, des histoires se racontent…
Et soudain, pas très loin de l’autel, une roche énorme
Toujours là, millénaire, glisse et tombe… masse difforme
Au milieu de ces jeunes écrasant dans sa chute un enfant.
Ce petit n’a pas pu l’éviter ! Le voilà pantelant…
Oh désespoir ! Les cris, les pleurs et désordre et détresse
La fête commencée dans la joie se transforme en tristesse…
Ce rocher était là de toujours, telle une pyramide,
Colossal, imposant, patiné par le temps, aux assises solides
De temps immémoriaux, il affichait l’obscurité de la matière
Contre ses flancs brunis depuis qu’il fut tiré de sa carrière
Quelles forces du mal l’ont soudain mis en rage ?
Et fait tomber sur ces enfants joyeux et sages
Dont l’un d’eux, le plus beau, que rien ne défendait, fut la cible.
Il n’aura pu s’enfuir, se garer, ou sauter, … ce fut terrible.
Le regard vers l’autel et la Vierge Marie n’aura pu le sauver
Ni l’amour de sa mère n’a pu le protéger.
Pauvre maman dans son malheur, elle verse des larmes
Sur ce fils tant aimé, elle est là impuissante et sans armes
Comme l’autre maman sous la croix, quelle horrible souffrance !
Oh, pourquoi ce malheur ! Pourquoi cette nuisance ?
Pourquoi Dieu permet-il une croix si sévère ?
Pourquoi a-t-il permis qu’un tel drame s’opère ?
Notre Seigneur lui-même sur Lazare son ami a pleuré
Mais n’a-t-il pas à la veuve, rendu son fils ressuscité ?
Il nous faut cependant trouver un sens à cette épreuve
Dont le tragique et la violence nous émeuvent
C’est à nouveau l’histoire de Job intègre et riche et valeureux…
Il ne méritait pas un sort si rigoureux
Le diable était caché sous cette lourde pierre…
Face aux gestes d’amour et nos humbles prières
« Il faut tenter de vivre », à présent, comme a dit Valéry
Entends, cher Paul, les stances de Malherbe à son ami:
« Ta douleur, du Perrier, ne peut être éternelle !»
Tu n’y étais pour rien : la fête avait été si belle !
Entends Victor Hugo : « les pauvres gens : ces choses-là sont rudes !
« Va les chercher! » Entends la merveilleuse promptitude !
Ton aïeul, le curé, dans sa foi simple et sûre
S’en remettant à Dieu dont la poigne est obscure
Aura baissé la tête et repris le travail, sachant
Que le petit Philippe, après tout, est au ciel, à présent :
Jésus n’a-t-il pas dit à son voisin de croix soumis :
‘T’en fais pas, tu seras avec moi, ce soir au Paradis’…
Qu’il intercède pour nous tous et nous aide à survivre
‘C’est notre foi ’, cher ami Paul, a dit Villon à sa vieille maman : il faut le suivre.
Joseph Matar
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