L’illustre famille Nakhlé de Byblos
C’était dans les années 1840 – 1860, la montagne du Chouf était secouée par une tragédie horrible suite aux immixtions de politiques des puissances occidentales. On dénombra 20.000 morts, 360 villages détruits, 560 églises dévastées, carence des autorités Ottomanes. Un protocole international fut mis en place qui assurait la paix. C’est dans ces circonstances qu’un 8 Juin, en l’Eglise St. Elie d’Antélias, le Liban rasséréné, se constitua un centre de réflexion.
Antélias, un bourg côtier traversé par un petit torrent qui prend sa source dans le «Fouar» (où sourd, ou gicle) dans les grottes préhistoriques où vécut l’homme d’Antélias, le Néandertalien…
Des orangers, des citronniers, des mûriers etc… à perte de vue – une place devant l’église, les vendeurs de poissons, où des pêcheurs rentrant de la mer toute proche viennent vendre leur prises.
En ce bourg, le 8 Juin, se trouvaient rassemblés tous les chefs et dirigeants populaires du Mont-Liban. On se déplaçait en ce temps-là à pied, à dos d’âne, ou à cheval…
Malgré l’occupation Ottomane et l’invasion Egyptienne, les troupes de Ibrahim Bacha, fils de Mehmet Ali, père de la dynastie royale d’Egypte, les gens jouissaient d’une tranquillité d’âme et étaient tous croyants en Dieu, en la patrie, et avides de liberté.
Youssef el Chantiri, Abou Samra Ghanem, Ahmed Dagher, etc… des chefs populaires de toutes les communautés.
Ces derniers avaient prêté serment de fidélité, de solidarité sur l’autel de ce sanctuaire chrétien maronite.
Parmi cette foule venue de toute part, de tout le Liban, se trouvaient des dignitaires, des volontaires, des patriotes audacieux, etc… et, se trouvaient aussi deux frères qui se sacrifiaient pour les œuvres publiques, aidaient tout le monde sans discrimination; ils étaient aisés et possédaient beaucoup de biens, des ruelles en leur nom, des villages, des fermes, des immeubles, de vastes jardins, etc. et une vaste résidence construite par un architecte Italien qui avait été de passage dans la région de Byblos, leur fief.
Ayoub Nakhlé, l’aîné et son jeune frère Ibrahim (deux noms bibliques).
Les deux Beys venaient de Byblos – Jbeil; ils étaient venus à Antélias par excès de zèle, par amour du Liban, par leur aspiration à la liberté, l’indépendance, la démocratie, et par curiosité aussi, pour suivre en détail l’évolution de la situation. Originaires du Barouk dans le Chouf, cœur de la montagne, ils avaient été les témoins de toutes les injustices commises par la Sublime Porte envers les Chrétiens, ils n’étaient ni fanatiques ni enfermés dans leurs idées, mais plutôt habiles, bons, vivants, aimables et croyaient en la cohabitation de toutes les communautés. Leurs aïeux s’étaient enrichis grâce à leur énergie et activités dans plusieurs domaines: le ver à soie, l’agriculture, les échanges, le commerce avec leurs représentants à Marseille, et à Barcelone. Un membre des leurs, prêtre séculier, voyageait beaucoup en Europe, et les avait poussés à la connaissance, la culture, l’étude des langues, etc… et s’étaient installés à Byblos ; ils s’y accréditèrent comme bienfaiteurs et mécènes. Ils aidèrent les démunis, encouragèrent l’enseignement, le développement, les travaux d’artisans etc…
Leur principe était de faire le bien, d’aimer autrui ; leurs amis étaient très nombreux; leur maison était un refuge, un havre de repos et de paix. Ils étaient hospitaliers, généreux, serviables, de vrais croyants et pratiquants.
Ayoub assistait à la messe tous les matins en l’église de St. Jean Marc, prestigieux vestige des Croisés ; à un kilomètre de sa résidence, pourtant, il avait érigé une chapelle à l’entrée de sa maison.
Le Bey devait donner le bon exemple se disait toujours Ayoub. A l’Eglise, il avait sa place, la même à l’extrême droite. Les gens qui les fréquentaient étaient multiconfessionnels; à Byblos beaucoup de musulmans assistaient à la messe et la servaient; la cohabitation était fraternelle.
Durant la guerre civile du Chouf (1840 – 1860) ils avaient serré leurs rangs et évité toute belligérance.
Byblos était une grande famille, toutes les personnes se connaissaient, s’entraidaient.
Les conflits de 1840 – 1860 avaient amené le pays à une nouvelle forme de gouvernement.
Après un long débat entre les consuls d’Occident et la Sublime Porte, pour mettre fin à toute contestation, il avait été résolu de nommer un administrateur chrétien, non Libanais, mais qui avait tous les pouvoirs pour gouverner et appliquer la loi: « Un Moutassaref ».
Napoléon III pour mettre fin au génocide, massacre, perturbation avait envoyé une armée entière au Liban, accompagnée d’une Mission scientifique.
Sur le plan culturel comme sur le plan social, militaire, historiens, chercheurs, écrivains, archéologues, orientalistes accompagnèrent la mission. L’Orient en entier, Liban, Syrie, Jérusalem, Irak virent venir une armée de spécialistes scrutant les lieux, projetant des lumières sur toutes les vérités historiques, déblayant des cités enterrées et remettant à jour d’anciennes civilisations très fameuses, mais oubliées dans les archives du temps.
La Mission archéologique française dirigée par l’éminent Ernest Renan arriva un beau matin en même temps que les troupes du contingent français. Son objectif était de retrouver les vestiges de la Phénicie dont la cité de Byblos que les chercheurs en Egypte entendaient constamment parler: de vastes cités enterrées sous des mètres de terre. Les Ottomans, alertés à l’époque, recherchaient aussi cette Byblos qu’ils croyaient à 10 km plus loin au sud de la ville actuelle… C’est grâce à Renan que les champs de fouilles furent délimités exactement le long de toute la côte du Liban, puis de la Békaa avec Héliopolis – Baalbek, et toute la montagne etc…
Cette Mission de chercheurs venue en 1860 – 1861 fut splendidement reçue par le Bey Ayoub Nakhlé et par d’autres dignitaires à Amchit, Ghazir, Jbeil…
Les Libanais avaient depuis des siècles un faible pour la France qu’ils considéraient comme leur meilleure alliée, leur mère pleine de tendresse et d’attentions.
On vit alors archéologues, dessinateurs, déblayeurs, topographes, toute une équipe à l’œuvre; Renan et d’autres orientalistes chercheurs, connaissaient bien les langues anciennes, sémitiques, le syriaque, l’araméen, l’arabe, l’hébreu, le phénicien etc…
Toute la Mission s’intégra dans la vie quotidienne des maronites, leurs mœurs, habitudes, coutumes, repas, cérémonies etc… et lièrent avec les Libanais une excellente amitié.
Les deux chefs d’œuvres littéraires de Renan ont vu le jour au Mont-Liban: sa « Mission en Phénicie », et surtout sa « Vie de Jésus », suivie par l’histoire de Christianisme, les Actes des Apôtres, etc.…
La « Vie de Jésus » fut réimprimée en onze éditions la même année, une édition chaque mois, un succès de librairie sans précédent – 1.300.000 exemplaires en un an à l’époque.
Le Bourg de Byblos appartenait antérieurement aux notables de Amchit. Byblos était leur terrain de chasse. Les agriculteurs, paysans et ouvriers travaillaient dans les fermes de Byblos, ils louaient ou travaillaient comme associés dans les terrains des notables de Amchit. Ces braves métayers étaient honnêtes, courageux, actifs; ils prenaient leurs gains, leurs parts qu’ils méritaient …
Dans le Kesrouan, le Ftouh et ailleurs dans le Mont Liban, ces braves paysans n’ayant pas des propriétés privées, ils finirent par se révolter contre les Cheikhs (grands propriétaires terriens) leurs maîtres, car ces derniers considéraient ces êtres humains comme leurs serfs et ils en abusaient. Suite à la Révolte des Paysans 1858-1861, des terrains furent redistribués aux paysans en plus de certains droits et privilèges qu’ils acquirent. Après la révolte une nouvelle conception sociale était née, l’individualisme, la liberté d’action et de décision rétablie et les richesses mieux réparties… L’évolution, le développement, l’émancipation ont vu le jour.
La seule et unique famille Jbailiyote qui possédait sa propriété privée, une luxueuse résidence, des rues et magasins dans la ville même était la famille Nakhlé originaire du Barouk. Ce n’est qu’au 18ème siècle (circa 1740) que d’autres familles commencèrent à posséder quelques lotissements de terrains, maisons, boutiques.
Dans la grande résidence des Nakhlé, entourée par un très grand terrain aménagé en jardins, des dizaines de serviteurs travaillaient (cuisiniers, jardiniers, constructeurs, fermiers, gardiens…)
Grâce aux services, aux aides, aux soins et leur générosité envers tous, les Nakhlé étaient estimés, aimés et bien vus par les habitants de toute la région de Byblos.
Dr. Joachim Nakhlé, notable, grand médecin et maire de Byblos, avait du personnel pour les réceptions, toute une équipe qui s’occupait de narguilhés, des repas, de la nourriture pour servir les visiteurs et les personnes qui se rendaient chez lui très nombreux à toute heure de jour comme de nuit.
Les veillées sur la terrasse, sous la vigne, près du puits d’eau, un environnement serein et très pittoresque, surtout à partir de 1860 avec le nouveau Protocole Ottoman (El Moutassarifia) les Administrateurs, la paix régnait, la tranquillité, la franchise, l’amour et l’amitié entre les Libanais.
En 1860, quand Ernest Renan vint à Byblos afin de limiter les champs de fouilles et réaliser ses recherches et “sa mission en Phénicie”, il prit la permission des familles de Amchit qui possédaient les terrains près de la mer, comme les Zakhia, les Karam et autres… Les zones de fouille n’appartenaient pas à l’Etat mais à des individus, notables et riches. Renan et toute la mission Française s’installèrent par intermittence chez Dr. Joachim, à Byblos, et chez les Zakhia, à Amchit.
Plus tard que les notables de Amchit commencèrent à vendre leurs terrains à leurs paysans et métayers. Actuellement tout Byblos appartient à ses fils.
D’un bourg, d’un domaine agricole Byblos est de nos jours une ville aux structures modernes : routes et avenues, hôpitaux, écoles, universités, commerces, échanges, musées … C’est une des plus anciennes et plus belles villes touristiques du Liban.
Or, en 1861, il y eut aussi un évènement dans la résidence de Ayoub Bey: ce fut la naissance d’un neveu : Wakim, fils de Ibrahim le frère de Ayoub.
L’arrivée du nouveau-né fut reçue avec joie et fut aussi célébrée par de multiples manifestations.
On offrait à toute naissance une douceur « bouillie », « Moghlie » : une douceur composée de farine de riz, sucre, « résine, misk » épicée avec le Karvi et la cannelle etc.… décorée par des amandes, noix, pignons, raisins secs, etc.…
On en faisait de grandes quantités et on envoyait des plats aux voisins, parents, amis, orphelinats, etc… Le Baptême devait être célébré dans les quelques jours qui suivaient la naissance.
Qui pouvait-on avoir de plus illustre que Renan pour être le parrain du nouveau né ? Ce grand Baptême fut célébré à St. Jean Marc, où le jeune Bey fut porté par Renan; le nom qui lui fut donné était aussi Biblique : celui du père de Marie: Youwakim, Joakim.
Le petit bébé fut choyé et aimé de tout Byblos ; étaient présents à la cérémonie tous les amis et connaissances de Ayoub venus de partout, le Supérieur Abbé de l’Ordre des Moines Libanais appelés à l’époque « Baladites », plusieurs autres moines qui connurent nos saints, Saint Charbel, Sainte Rafca, Saint Hardini etc… et d’autres…
Ayoub, vieillissant, se considérait comme le père de la nation, il était uni à toute la région, à tout Byblos ; son hobby était de planter des arbres, d’améliorer l’état de l’environnement, le chômage n’existait pas dans ses dimensions actuelles: toute personne devait travailler.
Les artisans, les agriculteurs, les éléveurs de bétails etc… une chèvre laitière était un soutien à la famille, une vache, un âne, un mulet, c’était un capital à l’époque.
En cette période Ottomane existait le métier de « Mecari », celui qui transportait à dos d’âne des affaires: bois, sacs, eau, pierres, sable, fagots. L’âne était le moyen de transport le plus pratique – Ayoub Bey offrait chaque année une cinquantaine de chèvres et d’ânons très discrètement aux nécessiteux – une chèvre avec son ou ses petits devenait un petit troupeau après deux ou trois ans. L’âne c’était un taxi quadrupède. L’excès de Bey magnanime lui causa des ennuis, il était soucieux, il s’inquiétait dès qu’une famille souffrait ; il était un surhomme, un religieux vivant un vrai christianisme parmi les siens. Nombreuses sont les anecdotes de ses générosités, de son amour, des sacrifices qui se racontaient autour de sa personne.
Il n’aimait pas voir de jeunes adolescents sur la place ou dans les rues; il les appelait pour leur demander ce qu’ils faisaient comme activités ? aider leurs pères dans les champs, etc… et s’ils ne répondaient rien,… il leur proposait de les placer chez un charpentier, cordonnier, forgeron, tailleur, constructeur, vendeur etc.…
L’oisiveté, la paresse, le nihilisme n’étaient pas dans son langage. Il demandait même quelquefois si son interlocuteur avait la vocation pour l’aider à être introduit dans un couvent.
Les filles n’étaient pas alors souvent envoyées dans les écoles, chez les religieuses; elles aidaient les leurs dans le quotidien, transport de l’eau, traire les bêtes, couture etc… ou elles se mariaient jeunes…
Les métiers actuels n’existaient pas (coiffeuses, pâtissières, infirmières, esthéticiennes, etc…).
Ayoub Bey n’était ni l’intellectuel, ni le penseur; c’était un croyant, un bon père, un Laurent le magnifique ; je ne peux employer le mot Mécène mais un « Hâtem el Taï » généreux sans limite; la région de Byblos était sa grande famille et grâce à leurs proches, religieux et voyageurs, il accrédita la liberté, la démocratie, les droits de l’homme, le besoin de progrès et de développement ; l’Europe et surtout la France étaient pour lui un idéal qu’il fallait imiter.
Dans leur grande et spacieuse résidence, sur la terrasse, tous les soirs on pouvait, compter plus de quarante narguilés allumés: des visiteurs, voisins, amis, venaient visiter le Bey. Les cigarettes américaines n’existaient pas encore: ceux qui fumaient la cigarette devaient la rouler eux-mêmes. Deux ou trois pots en argile étaient remplis de bon tabac local finement hâché, avec de très minces papiers à cigarette provenant de Damas.
Le café, le thé, les douceurs… étaient servis au foyer. Un dicton disait « si tu aimes vraiment ton voisin, offre lui ta nourriture et tout ce que tu as ».
Ayoub Bey avait beaucoup à offrir, mais surtout son cœur, lui-même.
On venait des environs de Byblos à pied, deux à quatre kilomètres pour passer la soirée, s’informer, et on s’en retournait à pied. Quel excellent régime: la marche la nuit.
Une présence qu’on ne pouvait pas ignorer à partir de 1861: ce petit bébé qui grandissait, au nom biblique de Yoakim et que se disputait tout le monde, fils de Ibrahim et neveu d’Ayoub, il était cajolé, étreint, embrassé par tout le monde; c’était le bijou de la maison; Ayoub l’adorait, le considérait comme son vrai héritier.
L’héritier du nom, de la famille… un héritage biblique. Qui héritera de Abraham ? Isaac ou Ismaël ? Qui héritera de Isaac ? Jacob ou Esaü ?
Tous les biens terrestres, posséder un bourg en plus ou en moins n’avait pas d’importance; c’est le nom du Bey qui était en jeu.
L’héritier était là à présent, c’était Yoakim ou Wakim, en Libanais.
Wakim, grandit dans ce faste, dans cet environnement unique en cette période où les gens se contentaient encore de ce que la nature et la grâce du bon Dieu leur réservaient.
L’exigence, le gaspillage, la dureté des cœurs, le “j’m’en fou” etc… n’existaient pas. Les âmes étaient tranquilles, la paix intérieure, la foi en Dieu dans toutes les communautés, un humanisme dans les relations, comme celles qui régnaient à Cluny autrefois, chacun servait son milieu par tous ses moyens, les échanges étaient fraternels, mosquées et églises étaient pleines de fidèles les jours du Seigneur.
Malgré cette guerre de 1860 au visage confessionnel, à Jbeil-Byblos il n’ y eut aucune escarmouche.
Enfant encore, entre cinq et six ans une gouvernante accompagnait Yoakim à l’école chez les religieuses; quelquefois le jardinier l’emmenait sur le dos de son âne.
Les écoles étaient peu nombreuses entre Byblos et Amchit, il fallait se diriger vers l’illustre collège de Aintoura des Pères Lazaristes fondé en 1834.
Wakim grandissait; en plus du personnel de la maison il avait ses petits amis avec qui il jouait, se promenait dans différents points de la région.
Ils se dirigeaient vers la plage, rencontraient les pêcheurs, s’arrêtaient observant les travaux de fouilles dirigées par des archéologues successeurs de Renan.
Les examens officiels étaient supervisés par les autorités Ottomanes, même universitaires à l’U.S.J. Les diplômes délivrés par l’Université de Lyon, comme d’autres aussi en parallèle à ceux délivrés par la Sublime Porte à Constantinople.
Wakim passait beaucoup de son temps observant toute évolution dans la nature, il s’intéressait à tout, la littérature, la biologie, la musique, l’histoire, etc…
A la fin du secondaire, il devait se diriger à l’U.S.J. ou à l’A.U.B. à Beyrouth ou voyager au Caire, à Constantinople, ou en Europe pour suivre des études universitaires.
Inscrit à la faculté de Médecine des Pères Jésuites, il ne pouvait faire le trajet Byblos-Beyrouth tous les jours ; son oncle Ayoub à qui on avait proposé d’acheter un vaste terrain non loin de la Place des Martyrs actuelle, avait refusé, préférant les terrasses qui produisaient le bon blé, les oliviers. Il loua alors une maison à Gemayzé où le jeune Bey déménagea entouré par une armée de serviteurs; il rentrait tous les mois avec sa troupe à Byblos et cela persista jusqu’à la fin de ses études. Il fût avec trois autres médecins une des premières promotions de la faculté de médecine de l’U.S.J.
Durant les fins de semaines ou les vacances, Wakim sillonnait un peu la montagne, le Metn, le Kesrouan, le Chouf, Batroun, etc… le Nord et le Sud, Zahlé et la Békaa…
Dès qu’il se présentait: Wakim Bey Nakhlé, fils de Ibrahim, neveu de Ayoub, les portes et les bras s’ouvraient pour le recevoir, car leur renommée emplissait le pays, même les pays voisins, Palestine, Syrie, Egypte…
Lors de l’inauguration du canal de Suez par l’impératrice Eugénie, des invitations internationales furent lancées partout dans le monde au temps du Khédive. Une grande manifestation fut préparée, entre autre l’audition de l’opéra « Aïda de Verdi ». Ayoub Bey reçut une invitation qui est toujours conservée dans les archives de la famille.
Wakim jeune encore était conscient du grand rôle national qu’assumait sa famille ; il se préparait à être à la hauteur de cet héritage. Jadis, on ne sortait pas avec les filles comme de nos jours. Si un couple se plaisait… c’étaient les parents, pères, oncles, etc… qui venaient demander la main de la future fiancée ou mariée.
Quelquefois, on chargeait l’Evêque de la Contrée, ou le prêtre de la paroisse d’une telle mission.
Les us et coutumes ont depuis évolué. Dr. Wakim rencontra à Bikfaya une belle princesse, une cheikha des Bleibel dignitaires de la région.
Pour demander sa main, Ayoub Bey qui à l’époque était Président de la Municipalité de Byblos, Ibrahim Bey son père, tous les dignitaires de Byblos avec leur épouse, le curé de la paroisse, parents, amis… furent reçus à Bikfaya. Des visites furent échangées et voilà le jeune Docteur marié, s’installant entre Byblos et Amchit et rayonnant dans la région de Jbeil. Il ne pratiquait pas sa profession médicale, mais il la vivait avec ses patients. Durant toute sa vie il pratiqua bénévolement la médecine, il soignait, il offrait les médicaments aussi, il payait l’ordonnance qu’il prescrivait à ses malades, il soignait avec amour, le serment d’Hypocrate était un phare dans l’ampleur de sa grande vision des choses. Il voulait dépasser la générosité, le grand cœur, l’amour du prochain, la charité, l’ouverture etc… de son oncle Ayoub. Prononcer le nom de « Byblos » c’était sous entendre Wakim Bey.
Son nom circulait de bouche à oreille, grands et petits étaient assoiffés de le connaître, de le rencontrer, c’était l’ange Raphaël et Tobie que tous souhaitaient approcher. Le moine Supérieur de « Antoche » qui devait le voir pour affaire urgente, s’alita et alerta le couvent comme quoi sa température s’était élevée subitement et qu’il sentait la mort proche… On appela Dr. Wakim, qui arriva au couvent bouleversé car il aimait ce moine. Dans sa cellule, le moine ordonna de le laisser seul avec le Docteur, les gens s’empressaient, et une grande foule était déjà dans les couloirs du couvent, et Dr. Wakim de découvrir la ruse du moine ami; ils s’entretinrent durant une vingtaine de minutes et on vit le moine au seuil de la porte bien portant déclarant qu’il avait été miraculé…
Des légendes, des histoires vraies ou fausses se sont tissées autour de sa réputation de: super médecin sans être autrement vérifiées; même on racontait des « actes », des réussites remarquables, concernant son chien ou son cheval…
Des histoires, j’en ai entendues même il n’y a pas longtemps, racontées par des vieillards; ils m’assurèrent qu’une fois, il était en visite de consultation dans un coin de Byblos; sa jument qu’il avait laissée sous un arbre près de la maison; pour une cause ou une autre, n’étant pas attachée par les rênes, s’élança apeurée à toute vitesse en direction du Nord, du côté de Amchit; on ne put la maîtriser, ni la rejoindre. On l’avait perdue de vue, on vint annoncer au Bey l’incident; il sourit sans réaction, il appela son chien de chasse, lui chuchota quelques mots à l’oreille ; ce dernier s’élança à la suite de la jument et à peine une demie heure se passa que l’on vit de loin, le chien tenant la jument par ses rênes et l’amenant chez son maître.
Donner sa cape, son manteau, son argent, sa nourriture à autrui était chose courante; veiller les nuits sur ses malades les plus démunis, etc…
Quand un dignitaire, un noble, demanda à Ambroise Paré le père de la chirurgie moderne lui posant une question-réponse: « sûrement vous soignez les rois beaucoup mieux que les pauvres ? » et Ambroise de répondre: ”Je soigne les pauvres comme des rois”. Tel était le médecin privé d’au moins cinq rois de France.
Ayoub leader de la région se vit bientôt secondé, aidé par non neveu; il lui envoyait toute personne indisposée, souffrante ; entre temps, Ayoub était devenu le Président de la seconde Municipalité du Liban.
Au temps des « Moutassarrifiat », le Liban se dota d’une modeste infrastructure: Hôpitaux, ponts, écoles, routes, institutions, municipalités … On avait instauré une première municipalité à Deir el Kamar et voyant que c’était une réussite pour gérer la ville, on en créa quelques autres dont Byblos, Jounieh etc…
A Byblos, qui pourrait-on élire ? Quelqu’un de qualifié autre que Ayoub Bey ? Il fut nommé à l’unanimité en 1878.
La période de la « Moutassarefiat » était une période d’autonomie, un peu d’indépendance à l’intérieur de l’Empire Ottoman. Ce fut l’occasion pour Ayoub de s’occuper, de planifier, d’animer, de programmer, de travailler, « d’urbaniser » …. sa ville de Byblos, si chérie. Il était bien entouré, aimé, aucune opposition, contestation.
Tous les habitants participaient positivement au bien-être de Byblos.
Entre temps, Hélène, la douée et belle Hélène, épouse de Dr. Wakim mourut à la suite d’un accident, laissant deux enfants; Michel et Marie- Georges; cette dernière répondant à sa vocation fut religieuse en la Sainte Famille; Michel, lui, poursuivit ses études secondaires chez les Maristes et la médecine à l’USJ. Ils étaient jeunes alors.
Deux ou trois ans s’écoulèrent après le deuil. Les amis, les parents, les dignitaires, les moines, le peuple entier… incitait Wakim Bey à se remarier et avoir une épouse pour élever les deux enfants; l’heureuse élue fut une fille de Cheikh, Rose Hobeich qui prit ainsi la relève. On ne pouvait qu’aimer Wakim au grand cœur, un intellectuel paysan, un médecin humaniste, un être loin de l’égoïsme, d’une rare bonté, occupé par de milliers de projets pour le bien être des siens.
Ayoub mourut Président de la Municipalité de la ville historique de Byblos. Les fouilles archéologiques avaient permis à beaucoup de lettrés et curieux, de suivre au jour le jour les découvertes, et l’histoire glorieuse de l’illustre ville.
L’héritier ce fut lui – Yoakim – comme Isaac hérita d’Abraham; il n’y avait que le jeune et éminent Docteur pour prendre en charge la ville chérie par son père et son oncle. Il n’eut pas d’adversaire, Wakim Bey fut élu à l’unanimité Président et le resta toute sa vie jusqu’à sa mort.
Cette famille jouissait d’une immense crédibilité parmi les citoyens; son fils Michel lui succéda aussi, l’espace d’une session, mais en suite se retira pour vivre entre l’Europe (son épouse était française), l’Afrique et Beyrouth – Byblos avait ainsi vu trois générations de Nakhlé à la tête de sa municipalité.
La période du mandat de Wakim Bey avait été florissante ; il fut l’administrateur, le père, le médecin, l’intellectuel, le programmeur, l’animateur, assumant toutes les responsabilités.
Il avait décidé d’irriguer la plaine côtière et les jardins de Byblos par les eaux du fleuve d’Adonis (Nahr Ibrahim). En peu de temps, il canalisa une grande quantité d’eau qui permettait d’arroser les terrains depuis Nahr Ibrahim jusqu’à bien avant et après Amchit, toute la région, et permettait aux habitants d’utiliser cette eau dans leur foyer – un « siphon », vase de communication en forme de U avait été réalisé sur les hauteurs du fleuve Adonis et l’eau inonda Byblos, abondante. Le travail aussi et la prospérité suivirent.
Il aménagea plusieurs ruelles entre les quartiers et l’axe principal qui reliait Beyrouth à Tripoli passant par le centre de Byblos.
Il organisa une campagne pour la propreté, et la plantation de fleurs, de Jasmins, de vignes aux entrées des maisons pour un environnement plus agréable. Il créa un marché pour la vente des produits agricoles, fruits, légumes, céréales, lait, car jadis vendre ses produits à Beyrouth imposait une taxe à l’entrée de fleuve de Beyrouth, un genre de douane. Pour aider les démunis, il créa près de l’Antoche « une assemblée » ; il offrit le terrain et la construction et ce fut une des premières sociétés de bienfaisance au Liban; elle est restée active jusqu’à nos jours; actuellement l’assemblée est supervisée par les Affaires Sociales, la Croix rouge, Caritas, qui assurent, aides, médicaments, nourritures, vêtements etc… etc… etc…
Sur le plan éducatif, social, il avait encouragé toutes les écoles, celles des Frères, celles des religieuses, celles privées etc…, il avait encouragé les jeunes à demander l’éducation, la formation, la culture, la connaissance. Il encouragea les hommes de lettres et les artistes. Il créa le premier théâtre à Byblos ; et peut-être au Liban; on jouait des pièces souvent traduites (de Molière ou autres) ; il encouragea le sport, les clubs, les loisirs, le chant et la musique…
Byblos était son vrai foyer, et ses habitants ses propres enfants.
Une ou deux fois par semaine Wakim Bey, à selle de jument ou à pied faisait sa ronde dans Byblos; il traversait toutes les ruelles, jardins agglomérations, inspectant les canalisations des eaux, visitant les écoles, les boutiques, les ateliers… la propreté … toujours accompagné par des membres de son Conseil Municipal, donnant des remarques, des orientations… Là un mur à restaurer, une fuite d’eau qui transformait un passage en boue, salissante, un trou, un trottoir … des arbres à planter ou à tailler, nettoyage de la plage, de la place centrale ; il refusait de voir des enfants travailler dans les ateliers durant les heures scolaires – les enfants doivent aider leurs parents en dehors du programme scolaire.
Ses visites des vieux ou des malades étaient régulières. De même, sa participation aux cérémonies religieuses très fréquentes et à la messe des jours fériés ; il désirait toujours respecter les us et coutumes typiques de chaque région, etc…
Pour les pêcheurs de la côte, il avait un faible quand leur prise était abondante et qu’ils ne pouvaient vendre tous leurs poissons, c’était Wakim Bey qui achetait le plein des paniers et chargeait « l’assemblée » de distribuer aux démunis.
Wakim Bey en tant qu’intellectuel et homme cultivé, visitait les champs de fouilles de Byblos accompagné par les archéologues en place (entre 1890-1922, les Pères Jésuites Ronze Valle, Mouterde…), son souhait était de créer un musée local à Byblos où seraient exposés les vestiges trouvés dans les lieux de fouilles. Cela ne dépendait pas de sa volonté car il y avait le Moutassaref (jusqu’en 1914 début de la guerre) et les Ottomans, puis le début du Mandat Français après la première guerre mondiale.
Dans la grande Résidence de Wakim Bey se trouvait une grande chambre avec sa suite qu’on nettoyait deux fois l’an et où personne n’entrait autre que sa Béatitude le Patriarche des Maronites en allant au début de l’été à Dimane sa résidence d’été et en Septembre en rentrant à Bkerké siège du Patriarcat Maronite. Cette chambre était connue sous le nom de : “La chambre du Patriarche” car sa Béatitude faisait escale à Byblos durant un long et fatiguant voyage, se reposait et en même temps il voyait ses fils de la communauté entre Amchit et Byblos, je suppose qu’il faisait une autre escale à Batroun.
Dans la résidence de Wakim Bey, il y avait aussi une chapelle où sa Béatitude pouvait dire sa messe.
Actuellement ce trajet Bkerké – Diman se fait en moins d’une heure et demie. Jadis, avec les carrosses à chevaux et les voitures anciennes il fallait plus d’une journée. Je me souviens quand sa béatitude traversait une localité, toutes les personnes qui se trouvaient, se précipitaient pour applaudir et saluer le Patriarche vêtu de la tête jusqu’au pieds par une couleur rouge patriarcale.
La maison de Wakim Bey ressemblait à l’église paroissiale: la seule différence était qu’à l’église les fidèles venaient prier et assister à la messe le matin; par contre la résidence du Dr. Wakim était inondée par les « Jbeilis » du matin au soir.
Un serviteur offrait le café, un autre préparait les narguilés aidé par un « boy » pour alimenter en braise et charbon … d’autres s’occupaient de restauration, boissons, pains, fruits et douceurs.
La maison était animée jour et nuit, les portes de la maison n’ont jamais été fermées ; toute personne était appelée à entrer, tout passant.
Les enfants du second mariage ne purent supporter ce rythme.
Mariés, chacun et chacune firent leur vie privée ou émigrèrent en Amérique. (c’était la mode)
Un seul avait une certaine grandeur d’âme et s’était préparé à cet héritage exceptionnel, Georges, brigadier ; mais il mourut en pleine jeunesse dans un stupide accident de voiture.
Une dynastie qui avait duré presque un siècle sombra ainsi et passa dans l’oubli. La seule survivante, déjà âgée est aujourd’hui une petite fille de Wakim Bey, Andrée-Helene qui a encore en sa possession une partie des archives de cette illustre maison et qui a la grandeur d’âme et de cœur digne de Wakim Bey et dont les enfants sont illustres dans beaucoup de domaine.
Les archives sont une mine très intéressante pour les chercheurs qui veulent fouiller dans la mémoire de l’histoire, on trouve aussi des archives de cette famille exceptionnelle de Byblos dans les archives du Patriarcat, l’archevêché, ou chez les moines ou dans les journaux de certains hommes de lettres tel Maroun Abboud… qui ont été très proches de cette famille, et pour un certain temps très court, chez les nonagénaires, octogénaires qui gardent encore dans leur mémoire certains faits.
Depuis plus de quarante ans, durant toutes mes tournées, visites, relations, contacts…, des personnes âgées qui ont connu le Bey ou qui l’ont approché m’ont rappelé bien des faits… Que de commentaires véridiques ou légendaires qu’enveloppe un halo de mythe s’est constitué autour du Docteur, ce superman, devant qui tous les problèmes s’inclinaient; c’est lui Dr. Wakim qui en une première commission formée par trois médecins examina le saint corps si bien conservé du Père Charbel Makhlouf notre illustre saint qui sera par la suite canonisé par l’Eglise.
A l’époque, Dr. Wakim avait avoué à son fils Michel dans l’intimité que «devant le St. Corps de l’ermite Charbel, j’ai senti toute la grandeur de Dieu; j’étais comme perdu entre la rigueur scientifique de la médecine et la toute puissance divine; je peux dire comme Simeon : « Maintenant Seigneur, tu peux laisser, ton serviteur s’en aller, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton soldat qui a préparé les peuples pour éclairer les Nations … ».
En 1910 – 1913 (Je ne connais pas la date exacte, mais on peut vérifier au couvent saint Maron de Anaya) du temps du supérieur du couvent père Youssef Abou Younes de Ehmej. Ce dernier affirma que “trois médecins légaux ont examiné le Corps de saint Charbel durant mon mandat: Dr Youakim Bey Nakhlé de Byblos, Dr. Najib el Khoury de Ehmej, Dr Georges Checrallah, aucun d’eux n’a pu expliqué scientifiquement ce phénomène miraculeux etc… Quand on demanda au Dr. Youakim Bey de donner un rapport à propos de ce corps « encore vivant » la première idée qui lui passa par la tête était d’ausculter un simple corps comme tous les cas ordinaires… son chauffeur conduisit la voiture de Byblos à Anaya, le couvent de St. Maron où se trouvaient les caveaux des saints moines.
Il était accompagné en route par le Supérieur de l’Antoche et deux jeunes séminaristes, ils bavardaient, discutaient maints problèmes… ne sachant pas ce qui les attendait à Anaya.
La route était étroite et très mauvaise – il raconta à son fils Michel qu’à peine le couvent lui était apparu de loin, qu’un étrange phénomène se passa, il s’était vu inondé de lumière, il ne voyait que des lumières de partout, les corps terrestres et tout ce qu’il observait: arbres, gens, maisons, collines, etc… Tout s’était transformé en un jaillissement de flux lumineux, il se touchait les bras, les mains, la tête et… pour être sûr qu’il n’était pas en rêve, en état de somnambulisme etc…, les voix de ses interlocuteurs lui parurent réduites ; et devenues une musique céleste comme il n’en avait jamais ouïe. Il était sûr qu’il venait de vivre un miracle, lui qui croyait dans: le repentir, le pardon, l’amour de Christ pour ses fils, le miracle etc…, comme son oncle et son père. Il fit un signe de croix et pria la Sainte Vierge de l’aider dans les minutes à venir.
La voiture stoppa près de la porte du couvent ; des moines présents attendaient le Docteur, il descendit de sa voiture, il se dirigea vers l’église il avoua à Michel: « Je ne sentais plus mes pas, je sentais que je glissais sur un tapis mouvant » ; à l’église, il s’agenouilla, pria profondément, il ne se contrôlait plus jusqu’au moment ou quelqu’un, une main le secoua lui ordonnant : « Wakim lève toi et dirige-toi vers le caveau, je t’attends là-bas, il sursauta et vit autour de lui ces personnes du quotidien ; le Supérieur, les Frères, le chauffeur, les curieux etc…
Il vit devant la Sainte tombe, dans un corridor, sur une table, un corps étendu couvert par une soutane – Ce n’est pas ici la Faculté de Médecine, ce n’était pas une salle de dissection et sur la table il n’y avait pas un macchabée.
Il s’arrêta devant le Saint Moine, dans un état d’extase il se disait : “C’est toi Révérend Père et saint qui dois m’ausculter m’examiner, disséquer mon âme, je ne suis qu’un pauvre pécheur devant ta Sainteté.”
Il fixa la figure du moine Charbel, les yeux, le cou, les épaules, mais il survivait encore, son cœur battait, il était plus vivant que nous, oui il vit dans l’Eternité du Père. Chose oblige, il avait été appelé ici pour examiner, et écrire un « rapport » c’est ridicule s’est-il dit. Il touche le corps, la poitrine, le corps est chaud, il respire, il sue, il palpe les pieds, les cheveux, c’est l’être le plus vivant qu’il ait examiné dans sa vie. Le “phénomène” est unique, divin, c’est la puissance divine qui se manifeste à travers Charbel. Dr. Wakim posa tant de questions, il voulait tout savoir sur ce moine, sa vie etc… Il se disait c’était la journée la plus spectaculaire de son existence, faut-il en faire un rapport humain pour le faire accéder à l’univers de la sainteté ? Depuis cette visite qui sera suivie par d’autres, Wakim Bey priait Saint Charbel, il le considérait comme son Tuteur, son ange gardien, toute sa vie intime, l’univers de ses moi, fut bouleversé, Charbel était sa passion quotidienne, même en pratiquant sa carrière de médecin, devant certains cas désespérés, il conseillait à ses patients, de prier, de se réfugier à Anaya, à Saint Charbel qui, lui, pouvait guérir et qui était plus efficace que le Dr. Wakim (souvenirs de Michel Nakhlé).
Wakim Bey, ce médecin humaniste, sut bientôt que ses jours étaient comptés, il savait qu’il était atteint d’une tumeur incurable. A l’époque, les traitements étaient encore empiriques, sur le plan chirurgical, ou les traitements… qui n’existaient pas encore. La chimiothérapie, la cobalthérapie etc… lui, ce croyant, savait qu’il allait rejoindre son Créateur – son contact avec « Charbel » le bouleversait. Une seconde fois, le malheur frappa la maison, la vie, l’existence du Bey. Rose, sa seconde épouse décédée à la suite d’une grave maladie laissant quatre garçons et plusieurs filles. Une mère est toujours une mère qu’on ne peut remplacer malgré les serviteurs, les gouvernantes et tout le personnel en place… Le coup fut très dur pour Wakim Bey. Il était soucieux, voulant donner la meilleure éducation aux garçons et aux filles, pour cela, il chargea les religieuses de prendre soin des enfants…
Il fit son testament, léguant tous ses biens à son fils Michel. L’autorisant à agir librement, à se considérer le père de cette famille (3 garçons et plusieurs filles) ; il paya aux religieuses une grande somme et leur donna de ses biens afin d’éduquer et de s’occuper de ses filles jusqu’à leur mariage, et d’atteindre l’âge adulte. En réalité, Michel fut plus qu’un père (il m’avoua ; son épouse richissime et noble française, dépensa, elle aussi toute sa fortune pour les fastes des noces et mariages des filles du Bey – Leurs trousseaux, leurs bijoux chers, etc… leurs maisons, voyages etc… Michel se priva lui-même de tant de choses pour aider et doter généreusement ses frères et sœurs.
Quand à l’héritage en immobilier, toute la fortune était à la disposition de Michel dans son testament, il avait le plein pouvoir d’en disposer à volonté, laissant à chaque fille une fabuleuse somme en livres or, en pièces, plus de deux cents pièces à chacune d’entre elles.
Jadis au Liban on appliquait la loi islamique même concernant les chrétiens. Le garçon héritait le double de sa sœur. Ce qui était injuste. Les filles étaient privées de propriétés immobilières qui revenaient aux garçons. Cette loi a été annulée pour les chrétiens durant les années cinquante. C’est la loi en vigueur en Occident qu’on applique actuellement. Garçons et filles sont égaux devant la loi.
Michel Bey, fils aîné de Wakim m’avouait que lui et son épouse Française ont traité ses sœurs et frères comme leurs propres enfants. Dans la maison paternelle où il y avait tant de va et vient, Michel freina un peu le rythme enivrant de leur existence quotidienne, et comme il devait faire un voyage en France durant l’année 1931-1932, craignant que leur riche résidence ne soit volée et ayant confiance en les amis ‘Religieux’ du Dr. Wakim, il garda en leur résidence (Archives, manuscrits, documents, tapis de collection, argenteries, orfèvreries, service de Bakarat etc… tout cela fut placé dans l’institution en question dans l’espoir de récupérer ses biens après son retour. Ce qui n’a jamais été fait!)
J’ai pu avec Michel reconstituer une minime partie des archives et quelques rares documents qui avaient un double. Michel Bey me racontait qu’il avait en sa possession plus de 6 lettres d’Ernest Renan et que les archives se sont évaporées. Par hasard Michel Bey donnant un étui de cigare à sa petite fille Marina pour le jeter, cette dernière toute curieuse, l’ouvrit me montrant qu’il y avait à l’intérieur une feuille pliée, c’était l’unique document qu’on possède d’Ernest Renan. Manuscrits, archives, cristal, tapis, etc… on n’en parle plus. J’ai pu après 40 ans localiser certains documents et pièces que je garde secrets pour l’éternité et pour ne blesser aucune réputation.
Un autre fait digne d’un roman que je résume en quelques lignes.
Les filles du Bey étaient bien vues par la crème de la société. Un supérieur (je ne mentionne non plus son nom) voyant que les filles du Bey étaient belles, instruites, riches et classées… eu l’idée de les ‘conquérir’ pour ses deux neveux. Il monta les filles contre leur frère, les aidant dans un procès pour rompre le testament de Dr. Wakim. Pourtant elles vivaient sous le même toit dans la maison paternelle de leur frère Michel.
Quand leur avocat demanda leur adresse, il fut stupéfait: “mais c’est l’adresse de Michel votre frère, est-il possible de faire un procès contre votre frère qui vous abrite, vous protège et vous aime?”
Michel Bey qui avait un grand cœur et était aussi généreux que son père leur prouva son désintéressement à tous les biens, qu’il les considérait comme ses enfants, qu’il considérait nul le testament du Docteur etc…
Bien sûr les filles du Bey qui ont eu les prétendants les mieux placés et illustres magistrats, hommes d’affaires, richissimes etc… ne se sont pas intéressés aux combines du religieux et de ses deux montagnards neveux. L’affaire a été classée mais la blessure conserva une douloureuse cicatrice.
On raconte qu’un jeune paysan de Tannourine nommé Saïd, excellent ouvrier, dynamique, svelte, dévoué, ne connaissant aucun métier autre que l’agriculture et la construction de murs agricoles (un peu style Cyclopéen) demanda à être employé comme palefrenier chez le Bey, c’est à dire entretenir l’étable, les chevaux, leur prodiguer soins, nourriture, nettoyage et brossage…
Le Bey, Dr Wakim, trouva que ce jeune, robuste, enthousiaste serait bien pour ce poste. Il le trouva aussi aimable et l’engagea, il fut très satisfait de son travail. Saïd était en permanence autour de la maison, l’écurie était toujours propre, les chevaux aimaient leur palefrenier, le Bey était fier de Saïd.
Trois ans passèrent, quand Saïd vint annoncer au Docteur qu’il pense émigrer en Amérique (du Nord, du Sud, Latine je n’en sais rien) chez l’un de ses proches parents, il vint demander son accord et sa bénédiction, il avait les larmes aux yeux. Le Docteur lui répondit : “Mon fils Saïd, je t’aime bien, je souffrirai de me séparer de toi, que Dieu et la Vierge t’accompagnent et te protègent.”
Un autre domestique le remplaça.
Quatorze ans à peine passèrent et Saïd était oublié aux Amériques, quand on frappa à la porte de la grande et luxueuse résidence du Dr. Wakim, un jeune homme de trente cinq ans grand de taille, maigre et ossu, au front large, de grands yeux, un long cou, une allure un peu sévère… Dès que le Bey l’aperçut, il le reconnut, c’était Saïd élégamment vêtu, très chic à l’américaine, présentable, des pendentifs, chaines et médailles en or, une montre, bien décoré…
Le Docteur le reçut à bras ouverts, très heureux de le revoir, Saïd se jeta sur le Bey lui embrassant les mains, les larmes aux yeux, l’émotion l’étranglait, toutes les personnes présentes se précipitèrent pour accueillir chaleureusement Saïd, ce dernier raconta qu’il est devenu richissime, homme d’affaires, commerçant et que la Providence lui avait souri etc…
Le Bey le retint à déjeuner et il lui fit comprendre qu’il était chez lui ici.
Saïd avoua au Bey qu’il reviendrait le saluer une autre fois. Deux semaines s’écoulèrent et voilà Saïd de retour. Le Bey avait une grande famille sept filles et cinq garçons.
Les richissimes émigrés Libanais revenaient des Amériques pour se marier ici au Liban, ils visitaient les notables pour choisir leurs dulcinées.
Durant la conversation, Saïd jeta un petit mot, qu’il était de retour pour trouver son autre moitié, il fit comprendre au Docteur qu’il aimerait avoir comme épouse l’une de ses filles et d’ajouter qu’il est richissime, possédant une grande fortune la mettant à la disposition de sa future épouse et qu’elle pourra couvrir de pièce d’or toute la résidence du Docteur…
Dr. Wakim ne voulant pas blesser l’amour propre de Saïd, lui qui n’était pas raciste et n’attachant pas d’importance, comme beaucoup, à la différence de classe sociale, fit comprendre à Said que lui Wakim ne décide rien, ce sont ses filles qui décideront et qui feront leur choix. “Même si tu as toutes les richesses de la terre cela n’avance en rien. Adresse-toi cher Saïd, toi-même à l’une d’elles, moi je ne m’opposerais pas.” Ce que Saïd ne fit pas. Avait-il manqué de courage? Avait-il besoin d’un intermédiaire? Sentait-il qu’il était encore le domestique, le palefrenier d’autrefois? Comment a-t-il raisonné en son intérieur lui qui considérait les filles du Bey comme des princesses? Surtout que le Docteur n’est pas un obstacle? Qu’il respectait la volonté et la liberté de ses filles. Saïd n’avait rien compris de tout cela, il partit et ne revint jamais.
Dr Wakim était convaincu qu’un prince ou un domestique ont tous les mêmes droits, bref il chargea un de ses partisans de glaner des nouvelles de Saïd. On lui raconta que ce dernier allait s’unir à une jolie fille de Tannourine, en l’église de Saint Jean Marc à Byblos, le Samedi prochain. Le Bey fit une surprise à Saïd, il se dirigea discrètement à l’église et surgit à la fin de la cérémonie pour féliciter Saïd.
Jusqu’à nos jours, on raconte encore de nombreuses histoires à propos du Bey et de sa famille.
Wakim Bey doté de cette force spirituelle qui l’avait envahi le jour où il s’était agenouillé devant le cercueil et la dépouille du Saint Père Charbel, vivait dans l’espoir de rejoindre le paradis, là son oncle Ayoub, Ibrahim son père, ses deux épouses … Tous l’y attendaient.
Il ne faisait plus ses longues visites et tournées pour voir ses patients; ces derniers venaient eux-mêmes à la clinique. Il assistait tous les matins à la messe en sa chapelle privée qui était toujours envahie par les voisins et les croyants.
Il souhaitait être au courant des nouveautés, découvertes sur les champs de fouilles; on l’accompagnait en sa voiture, il tenait toujours à créer un musée d’archéologie à Byblos, afin de conserver les vestiges sur place, « c’est notre histoire, notre mémoire » disait-il.
Le Conseil Municipal se tenait chez lui dans sa résidence, il n’avait pas d’opposants, on lui laissait carte blanche en toute occurrence car on sentait son amour pour sa ville et ses habitants et tous les sacrifices qu’il faisait à autrui.
Pour Docteur Wakim l’évènement de Anaya fut l’an un, un point de repère séparant l’avant et l’après. Tout fut vu et conçu autrement. Il aurait aimé être un serviteur sous les ordres de Charbel, il questionnait, s’approfondissait dans toutes les étapes de la vie de Charbel, il savait que Charbel avait commencé les miracles de son vivant.
Wakim Bey, médecin. et universitaire s’intéressait à l’histoire du Liban et de la France. Il rêvait qu’un jour les Libanais récupéreraient leur autonomie et cesseraient d’être soumis aux Ottomans. Il fut un des premiers orientaux qui reçurent les palmes académiques pour toutes ses recherches, ses travaux dans beaucoup de domaines, le domaine médical, le domaine culturel, social, les activités municipales et régionales, le gouvernement français, reconnaissant ses actes, ses connaissances, sa culture etc… lui avait octroyé en 1909 les palmes académiques grade d’officier. Il encourageait les créativités théâtrales et artisanales, il encourageait l’agriculture, les problèmes de l’irrigation et canalisation des eaux l’occupaient… Les pêcheurs de la côte, les fouilles, etc…
Pourtant il savait que ses jours étaient comptés, il l’avouait discrètement à son fils Michel.
Il savait qu’il était atteint d’une tumeur au foie, une cirrhose et que les médicaments qu’il s’administrait lui même n’étaient pas vraiment efficaces, son état allait de mal en pis et seul un miracle le sauverait. Il savait que son héritage serait un poids lourd, pour son fils Michel qui n’était pas préparé à ce genre de vie, d’existence et d’activités.
Sur cette terre, il y a des gens qui vivent longtemps mais qui passent inaperçus, d’autres qui passent comme des comètes et laissent une trace inoubliable malgré une vie simple et humble, dont les actions sont bénéfiques pour le bien public des êtres sages, au grand cœur, humain et social etc… Dr. Wakim était l’un d’eux. Il réalisa seul ce que l’Etat ne pouvait aborder, ni les partis politiques, ni les associations mais seul un être ayant une vision universelle.
A propos des valeurs, un être exceptionnel caractérisant son peuple, un peuple vivant – son noble caractère faisait partie de son patrimoine familial.
Il assumait toutes les responsabilités concernant le patrimoine et les vestiges, vu l’absence officielle des autorités en place voulant raconter l’importance historique de sa ville Byblos, surtout après les débuts des fouilles entreprises par Ernest Renan.
L’unique lettre d’Ernest Renan retrouvée dans ses archives dit :
Djèbel, 6 février 1861
Pendant toute la durée de la mission scientifique que j’ai remplie à Djébeil, au nom de Sa Majesté l’Empereur Napoléons III, j’ai eu constamment à me louer de la famille d’Ayyoub Nakhlé, de ses frères et cousins. Je les recommande à tous ceux qui peuvent au nom de la France leur rendre quelque service.
E. Renan, membre de l’Institut
Il pratiqua la médecine en tant que mission humaine, ses seuls soucis étaient le bien être de ses patients comme s’ils étaient des membres de sa famille, sa générosité était légendaire; ses histoires continuèrent à se propager même après sa mort. Les hommes de lettres, les poètes de l’époque « chantaient » ses faits….
Les dignitaires de la région, les cheikhs, les prêtres, les responsables, les administrateurs témoignaient de cet être exemplaire qui passa plus de 25 ans à diriger l’hôpital St Michel à Amchit et fut Président de la Municipalité de Byblos à vie ; même dans les bourgs de la région, il représentait le « Pôle » l’étoile du Nord – l’image de tout médecin était dans les mentalités celle de Wakim Bey.
La Municipalité jadis n’était pas seulement une administration … mais l’ensemble des citoyens qui s’aimaient et s’entraidaient pour le bien de leur ville. Dr Wakim était un être à l’esprit « démocratique », pas de discrimination entre les citoyens multifonctionnels…. liberté de penser, de décider, d’agir.
Le nom de Wakim Nakhlé fut uni à Byblos et à ses fils; dans l’esprit des vieux, des anciens, cette nostalgie est toujours vivante. Administrer le berceau de l’alphabet, Byblos une des plus ancienne cité de la planète, suppose de grandes responsabilités et Dr. Wakim était à la hauteur. Il érigea la « maison de la ville » qui sera celle des Jbeilis, du sérail, de la municipalité.
Sa maison devenant d’après les témoignages de Maroun Abboud: « foyer de la pensée » à Byblos, un lieu de rencontre des poètes et des écrivains… Il avait consacré une salle, pour le théâtre, les cérémonies, les conférences, les activités, et grâce à son intervention et à ses demandes l’Ecole des Frères Maristes fut fondée à Jbeil (leur maison mère était à Amchit)…
L’homme était devenu un bien public, chaque citoyen se retrouvait en Wakim Bey, la légende; il n’avait jamais dit non ou refusé une demande. Le Docteur, encore jeune savait que son heure approchait, et qu’il se présenterait devant le Seigneur son Créateur. Dans son intimité, dans le plus profond de son être il sentait le besoin de s’unir au Christ, à la Vierge (témoignage de Michel) il enviait St Charbel qui avait rendu l’âme à la veille de Noël, il souhaitait être en face de la Trinité un jour dédié à la Vierge (un Samedi) ou le jour d’une fête de la Vierge, le 11 février, le 15 août etc… Il passait des nuits entières à méditer et à prier. Quand le mal évoluait, il était cloué dans son lit face à l’icône de la Vierge attendant, son heure finale.
Il n’assista pas à la première guerre mondiale – Février 1913, son état s’empira et il n’y avait plus d’espoir, question de quelques heures, le 9, la fête de Saint Maron, le Supérieur de l’Antoche lui donna l’Hostie chez lui en sa maison, en son lit; le 11 Février, Notre Dame de Lourdes, ce fut la fin, il savait que son fils Michel serait un vrai père, et que les religieuses et moines s’occuperaient de l’éducation des enfants. Il livra l’âme ayant à peine atteint les 52 ans!
C’est son fils Michel, qui prit la relève à regret. Jeune médecin en 1914. Les Ottomans frustraient toute la classe active de la Nation, surtout les docteurs en médecine pour les envoyer aux fronts. Michel refusant de servir nos ennemis et occupants, dût s’enfuir en Egypte, puis au Congo Belge se lançant dans les affaires. Il venait souvent en Belgique et en France passer les vacances: en France, en sortant de l’église, il rencontra celle qui sera sa compagne durant sa vie. Michel Bey s’était dirigé à Ruelle Malmaison portant un présent (Une corne d’ivoire d’un ami du Congo-Belge pour sa cousine. Grande fut sa surprise lorsqu’en sonnant à la porte, la même demoiselle qu’il avait rencontrée à l’église lui ouvrit la porte, il sut par la suite que cette dernière venait bénévolement aider la parente de son ami qui vivait toute seule et c’est ainsi qu’ils se sont connus et en laps de temps très court, le mariage fut célébré.
Nous étions en 1923 la guerre était terminée, Michel et son épouse Andrée-Jeanne rentrèrent au Liban où ils furent reçus avec joie à Byblos.
Il fut à la tête de la Municipalité, pour une troisième génération de Nakhlé. Le Bey était aimé, comme son père mais après quelques années, sa santé se dégrada et il ne put continuer au même rythme, il se retira avec son épouse et sa file unique pour habiter Beyrouth la capitale et venir de temps à autre à Byblos sa ville chérie, et les nombreux voyages qu’il devait faire entre l’Afrique, la France et le Liban.
Il céda la maison paternelle à l’un de ses frères et les affaires de la municipalité à d’autres. Il préférait être absent de la scène politique que d’être présent à moitié. N’empêche il continua à être cet homme au grand cœur, un vrai patriote nationaliste liant amitié avec les présidents, tous les dignitaires, rendant beaucoup de services et d’aides en son milieu et voulant conserver toujours les nobles traditions de son illustre famille.
Michel Bey durant les débuts des événements où nous étions souvent terrés dans les sous-sols m’ouvrait son cœur, son intimité, ses souhaits, il me priait de faire le nécessaire pour ne pas permettre à ses sœurs de vendre la plus ancienne église de Byblos, le Saint Denis des Nakhlé, le caveau où sont enterrés Wakim Ibrahim, Ayoub, et plus tard Michel… et grâce à Dieu j’ai pu conserver cette église pour le bien de tous. C’était un coup de maître. Un dicton dit que les pères peinent pour se forger une fortune et que les fils la dilapident inconsciemment.
Cette dynastie de trois générations qui avait duré presque une centaine d’années de 1830 jusqu’à la seconde guerre mondiale, passe dans le silence. Il n’y a plus de Nakhlé à Byblos, ils ont tous voyagé et émigré en Europe et dans les deux Amériques. La seule héritière de ce glorieux empire c’est la fille de Michel qui s’occupe de ce qui reste comme biens, églises, archives et propriétés.
On peut lire l’histoire de ce grand peuple et du Liban à travers les évènements d’une famille: les Nakhlé et le vestige de leur maison.
Joseph Matar
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