Le Moine frère, maître des champs

Terre privilégiée, terre d’accueil, terre d’hospitalité,
Chaque saison nous inonde par des averses de sainteté ;
En hiver, c’est l’eau qui est bénite, en été, les célestes lumières
Reflètent des hymnes à la joie, espaces de mystères ;
Le printemps, c’est la floraison, l’évolution, les fragrances
Et l’automne les tonalités paradisiaques et les riches nuances…
L’ivresse et l’extase bercent les âmes en permanence ;
Chaque colline porte sa croix, son couvent, ses croyances ;
Chaque vallée ses ermites, ses cryptes, ses chapelles ;
Les matines, la messe, l’angélus… toutes les prières nous appellent…
Ici l’être est lié à son environnement à part entière
Se libérant des forces obscures de la matière;
A longueur de journée, il récite les psaumes et les cantiques,
S’élevant vers le Créateur qui a fait du Liban un pays féérique,
L’écho des cloches lointaines appellent les fidèles en permanence
A la méditation, la prière, les vertus et l’espérance…
La vie au Liban est un quotidien d’oraison
De prière, de sacrifice, d’espérance, et d’utiles actions.
Les couvents, comme les ruches d’abeilles, sont vivants :
Leurs portes sont ouvertes, bienvenue à tous les arrivants.
L’idéal parmi les jeunes dans les villages voisins
est de vivre en communauté partageant avec Jésus pain et vin.
Ne vous étonnez pas, le village est un grand monastère,
Le couvent est un ‘reclus’ rayonnant de mystère.
A Lehfed, dans la région de Byblos, un village typique,
Perché à plus de mille mètres, nid d’aigle magnifique,
Là, presque en chaque maison, le nom de Joseph est présent
N’est-il pas le patron de la sainte famille, et des artisans ?
Là aussi, un Joseph paysan dynamique très singulier,
Travaillait les champs, taillant mûrier, vigne et olivier,
Ses mains étaient bénies, j’allais dire miraculeuses…
Là, circulait en ce qu’il faisait toute vie généreuse ;
S’il piochait, c’était l’eau qui saillait en source éclaboussante,
Et les récoltes variées qu’il engrangeait étaient abondantes,
Des troncs d’arbres desséchés se transformaient en menuiserie
Grâce à son habileté, en tables, bancs, chaises et bizarreries ;
Des matériaux inertes, inutiles, se façonnaient en œuvre de grande utilité
Qu’il avait modelée et mesurée livrées à la postérité…
Un homme exceptionnel, une âme appelée, répondant à sa vocation
Désirant se consacrer à Jésus, à Marie, à la contemplation.
Il quitta son village, sa famille, étant encore enfant
Pour rejoindre à Kfifane ses frères dans le couvent,
Oubliant soi-même, uni en une perpétuelle communion
Avec le Christ, servant moines, frères et compagnons
Nommé maître des prés, il priait dans les champs et parmi les broussailles,
Jeunant, se sacrifiant, obéissant, en silence il travaille.
Chaste, pauvre, docile, loin du repos et de la paresse
Répétant ‘Dieu me voit et m’observe’ et je l’aime en vigueur et prouesse
Poursuivant toute activité. Comme pour tous les moines, on avait changé son nom
Il devint ‘Frère Etienne’, c’est le nom de son père et de Lahfed le patron.
Entouré de moines qu’il aimait, et vivant solitaire
Comme le Christ au jardin des oliviers, il était exemplaire
Un jour subitement, comme pour Saint Charbel, un coup de soleil
L’assomma, libérant enfin son âme au Créateur des merveilles.
Charbel était décédé peu de temps avant, sans les dures souffrances
Que Sainte Rafca supporta durant toute son existence,
Frère Etienne, cet humble moine n’avait rien d’un anachorète,
Il était simple et chaleureux souriant prévenant, et des champs le poète…
Sa vie fut bien courte sur terre et c’est rapidement
Qu’il a rejoint les lumières du ciel, étoile au firmament
Toujours vêtu des fleurs des champs, et de l’essence de sainteté,
Il est près de Marie et des saints anges pour toute l’éternité.
Des centaines de milliers de croyants sont venus
Se recueillir devant son cénotaphe, admirant ses vertus,
Implorant une grâce, ou simplement contempler son visage
Puisqu’il est là dormant, rayonnant pur comme une image
Témoin d’une vie simple, amicale et redisant sa joie
« Dieu me voit son enfant, mais maintenant c’est bien lui que je vois ! »

Joseph Matar
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